Dans ce chapitre, nous aborderons la notion de signal radar reçu comme un signal déterministe, puis nous verrons comment décrire les capacités de détection de ce signal reçu dans du bruit. Vous saurez également manipuler les notions de probabilités de fausse alarme et de détection.
Enfin, nous appliquerons tout cela à différentes natures de cibles, puis nous décrirons des stratégies d'amélioration du rapport signal à bruit.
Description du comportement aléatoire du bruit
Comme indiqué dans le contenu précédent, le bruit perçu par un système radar est considéré comme aléatoire et peut être manipulé comme une fonction aléatoire du temps. Autour d'une fréquence moyenne f=ω/2π , il est possible de décrire le bruit n(t) sous une forme analytique avec :
Les expressions ρ(t) et ϕ(t) sont des fonctions aléatoires. Une autre formulation du bruit est possible en considérant la composante réelle de l'expression analytique avec :
Ce bruit est assimilé à un phénomène stationnaire : les caractéristiques statistiques du bruit sont constantes sur le temps de mesure radar. Le bruit est alors écrit comme un signal s'ajoutant (en phase et en quadrature) au signal utile et on retrouve alors que α(t) et β(t) sont des variables aléatoires gaussiennes. Le bruit thermique est lié à un phénomène global (nombre infinitésimal de phénomènes incohérents) et la densité de probabilité de ce type de phénomène est décrite par la loi de Gauss (moyenne nulle et variance de σ2). Pour une variable x , la densité de probabilité (ddp) est donnée par :
Pour un système radar caractérisé par une largeur de bande de réception Δf , la puissance moyenne du bruit B est décrite avec la relation :
où k est la constante de Boltzmann ( k=1,38.10−23J.K−1 ) et Te est la température équivalente de bruit du système de réception. Nous retrouvons la puissance du bruit en déterminant :
et nous retrouvons pour le bruit gaussien B=σ2 . D'un point de vue pratique, le bruit est défini par l'intermédiaire d'une densité spectrale de puissance : b(f). Nous définissons alors la puissance moyenne du bruit décrit sur une bande Δf autour d'une fréquence f avec :
Puisque le signal reçu est, en général, de très faible puissance, il y a une forte probabilité pour que le bruit devienne la grandeur prépondérante.
Définition de la probabilité de fausse alarme
Sans précaution spéciale, une augmentation d'amplitude du bruit peut être prise pour le retour d'écho d'une cible et le système radar indique alors la présence d'une cible. Pour éviter cette apparition de fausse cible, nous définissons un seuil de valeur K auquel nous comparons le signal issu du récepteur. Ce seuil est fixé de façon telle qu'en absence d'écho, le bruit aurait une très faible probabilité de le dépasser. Nous définissons alors la probabilité de fausse alarme Pfa avec :
Sur la figure ci-dessous, nous donnons un exemple de la probabilité de fausse alarme pour une loi ddp(x) de Gauss (moyenne nulle). La probabilité de fausse alarme est importante si la valeur de K est faible.

Il faut considérer plusieurs stratégies de réception du bruit.
Dans le cas d'une détection quadratique (par exemple en sortie de diode de détection), le signal associé au bruit est le carré du module de la tension moyenne z(t). Ainsi, la loi décrivant la densité de probabilité est donnée par la loi de Laplace (loi de Gauss élevée au carré) :
où l'espérance de z(t) est donnée avec m=2σ2. Nous retrouvons alors la valeur de la probabilité de fausse alarme sur la figure ci-dessous.

Dans le cas d'une normalisation du bruit (2σ2=1), nous avons :
Dans le cas d'une détection linéaire, le signal correspondant au bruit est associé à la racine carrée de la détection quadratique et la loi probabiliste de description de comportement correspond à une loi de Rayleigh.
où m=2σ2=2B. De la même manière, nous retrouvons alors la valeur de la probabilité de fausse alarme sur la figure ci-dessous.

En considérant la normalisation du bruit, nous avons pour le détecteur linéaire une probabilité de fausse alarme qui s'exprime avec :
Dans le cas d'une démodulation cohérente (démodulation autour de la pulsation ω), nous retrouvons directement les caractéristiques d'une grandeur gaussienne (soit α(t) ou β(t)). La loi de répartition ainsi que la définition graphique de la probabilité de fausse alarme ont été déjà décrites. Si le bruit est normalisé, nous retrouvons la probabilité de fausse alarme avec :
À partir de la densité de probabilité du bruit, nous allons aussi définir la probabilité de détection.
Définition d’un signal d’information dans un bruit avec la probabilité de détection
Si nous considérons maintenant l'écho d'une cible (caractérisé par un signal utile d'amplitude S) se superposant au bruit contenu dans le récepteur radar, nous obtenons le signal reçu tenant compte de ce bruit de réception :
Sur la figure ci-dessous, nous avons une représentation de type Fresnel représentant le signal s(t) (amplitude S), le bruit n(t) (amplitude √α2(t)+β2(t)) et le signal total reçu sr(t) (amplitude Sr).

Deux aspects sont à considérer. Le premier traite du rapport signal à bruit qui caractérise la qualité de réception du système radar. La puissance du signal utile est donc donnée par S2 et donc le rapport signal à bruit s'exprime avec :
Le second aspect aborde la probabilité de détection. Si l'on s'intéresse à cette probabilité de détection pour une détection quadratique, nous pouvons écrire :
Si l'on néglige la composante quadratique du bruit et que proba((S+α)<−√K)≈0 , nous écrivons que
ce qui conduit à décrire que la probabilité de détection de ce signal utile s'écrit avec Pd :
où A=√2(√K−S) . Nous avons donc la probabilité de détection avec :
où la densité de probabilité est représentée par une loi de Gauss avec une moyenne égale à S, comme indiqué sur la figure suivante.

Il faut bien noter que nous avons négligé la composante en quadrature β(t) du bruit. Nous en déduisons alors le rapport signal à bruit pour une détection quadratique :
Nous retrouvons les mêmes résultats lorsque nous considérons le récepteur linéaire, puisque proba(|Sr(t)|2>K)=proba(|Sr(t)|>√K) , ce qui représente la probabilité de détection pour la détection linéaire.
Dans le cas de la démodulation cohérente, la probabilité de détection s'exprime donc avec Pd=proba(|Sr(t)|cosϕc(t))=proba((S+α)>K). Il est alors aisé de décrire la probabilité de détection à partir de la loi de répartition de la variable gaussienne α :
Nous pouvons effectuer la comparaison de cette probabilité de détection avec la probabilité de fausse alarme, comme montré sur la figure suivante.

Nous donnons le rapport signal à bruit dans le cas d'une démodulation cohérente, puisque dans ce cas (σ=1) : RSB=S2/2 . Par analogie avec la détection quadratique ou linéaire, nous écrivons que A=K−S , ce qui donne :
Il résulte des calculs de probabilité de détection et de fausse alarme ci-dessus que, pour un rapport signal à bruit donné, nous pouvons en déduire la probabilité de détection en ayant fixé la probabilité de fausse alarme (seuil K). Cette conclusion est illustrée sur la figure ci-dessous.

Nous obtenons alors des courbes Pd=f(RSB) où la grandeur Pfa est considérée comme un paramètre.
Un exemple de courbe est décrit sur la figure ci-dessous.

De manière générale, nous considérons alors que, si Pd≫Pfa , alors la détection du signal est assurée. Dans cette partie, nous avons considéré que la cible détectée par le système radar est immobile. De plus, cette cible est assimilée à un seul point contributeur. Il est alors possible de considérer d'autres hypothèses (constitution de la cible radar et comportement dynamique de la cible radar).
Modélisation et détection de cibles fluctuantes
En pratique, les résultats qui sont décrits dans la section précédente sont utilisables pour un obstacle dont l'écho n'est pas fluctuant au cours du temps (exemple d'une sphère dont l'écho est constant quel que soit l'angle d'observation) et ce même lorsque cet obstacle bouge. Pour tous les obstacles autres qu'une sphère, la puissance de l'écho fluctue en fonction du temps. Les calculs et les résultats liés à la probabilité de détection et de fausse alarme sont donc différents, puisque les lois de fluctuation vont changer. Le modèle de réflectivité est donc utilisé pour considérer 2 grandes familles de cibles mobiles :
un modèle considérant que la cible est constituée d'un très grand nombre de réflecteurs ponctuels dont les comportements sont équivalents et indépendants entre eux (donc équivalent à une loi de Gauss) ;
un modèle considérant que la cible est plus simple et dont le comportement s'apparente plus à une cible furtive (et présentant une diminution du nombre de points brillants).
Pour le point 1, nous avons donc une puissance du signal réfléchi qui suit :
en amplitude, une loi de Rayleigh ;
en puissance, une loi de Laplace.
La densité de probabilité du signal composite (signal utile + bruit) obtenu après réception (détection quadratique) s'écrit avec :
qui correspond à une loi de Laplace. Il faut noter que la loi de fluctuation de l'amplitude suit une loi de Rayleigh. Nous avons alors affaire à une cible dont le comportement est dit de SWERLING 1. Si le seuil de détection est désigné par k , alors nous montrons que la probabilité de détection et la probabilité de fausse alarme se décrivent avec :
Ainsi, le rapport signal à bruit est donné avec :
Pour le point 2, la fluctuation de la puissance du signal réfléchi est décrite avec :
ce qui correspond à une loi du χ2 . Ce comportement décrit celui des cibles dites de SWERLING 3. En considérant le seuil de détection k , nous pouvons alors décrire la probabilité de détection et la probabilité de fausse alarme avec :
La comparaison du comportement des cibles se fait entre les trois modèles (cible non fluctuante, Swerling 1 et Swerling 3). En résumé, il est plus difficile de détecter des cibles fluctuantes par rapport aux cibles non fluctuantes pour de fortes probabilités de détection.
Pistes d’amélioration des caractéristiques de détection (rapport signal à bruit)
En présence de cibles très fluctuantes, il est clair que l'amélioration des capacités de détection d'un système radar est possible dans le cadre d'une diversité de l'onde émise. À cet effet, l'exemple d'un radar émettant sur 2 fréquences porteuses différentes (diversité de fréquences) permet d'augmenter le gain du rapport signal à bruit, puisque les informations portées par chaque fréquence sont différentes et qu'il est possible de synchroniser les résultats de chaque voie de réception. Cette synchronisation permet donc d'effectuer des opérations de sommation. Toutefois, il faut noter le compromis à trouver entre la complexité du système radar et le gain apporté par la diversité.
Une autre stratégie d'amélioration de la détection est basée sur la post-intégration de signaux issus de plusieurs récurrences (répétitions) du signal émis (diversité de temps). Les résultats de cette post-intégration dépendent de la loi de fluctuation de la cible. Pour des cibles peu ou pas fluctuantes, le gain apporté par la post-intégration est obtenu après la prise en compte de peu de récurrences. Pour des cibles rapidement fluctuantes, cette amélioration de la détection nécessite plus de récurrences pour la post-intégration. Il est alors intéressant d'ajouter une diversité de fréquence (par exemple) pour avoir une amélioration significative.
Enfin, il est possible aussi de considérer une diversité spatiale permettant de voir une cible sous des angles différents et de façon simultanée. L'exemple des radars MIMO nous indique bien cette possibilité de réaliser une amélioration de la détection en considérant les échos reçus simultanément par plusieurs récepteurs.