Dans ce chapitre, nous donnerons le principe de la poursuite angulaire et la nature des informations fournies. Nous décrirons la constitution et le principe d'un radar de poursuite angulaire en distinguant la poursuite par "scanning" et la poursuite monopulse (amplitude et phase), puis nous pourrons enfin déterminer, pour chaque principe, les performances du système en présence d'un bruit.
Définir le principe de la poursuite angulaire sur un signal temporel
Le but de la poursuite angulaire est d'asservir la direction de l'axe de l'antenne sur la direction radar-cible. La poursuite angulaire est indispensable à l'acquisition continue des échos en provenance d'une cible mobile. Deux grandes familles de systèmes de poursuite sont utilisées :
la poursuite par "scanning" (utilisant un seul système) ;
la poursuite monopulse (plusieurs variantes sont possibles).
Décrire le schéma fonctionnel d’une structure de poursuite angulaire pour un système de type « scanning »
Nous parlons de poursuite par "scanning" en référence à un balayage conique ou par rotation de faisceau. La constitution de l'antenne est donc importante. Nous prenons l'exemple d'une antenne constituée d'un réflecteur parabolique avec une source tournante défocalisée. Pour simplifier l'approche, nous abordons le problème de la poursuite dans un seul plan.

Dans la suite, nous désignons par :
fs la fréquence de rotation du faisceau (liée à l'opération de "scanning") ;
fR=1/TR la fréquence de récurrence des impulsions émises.
Nous posons que fs<fR . Pour une cible présente dans l'axe θ , la rotation de faisceau entraîne une variation de gain d'amplitude (G1−G2) et de fréquence fs si l'axe radioélectrique de l'antenne n'est pas confondu avec la direction radar-cible. Si les axes sont confondus, le gain reste constant et égal à Gc malgré la rotation. Le signal reçu sr(t) est constitué des impulsions du signal radar renvoyées par la cible.

La figure précédente donne, dans les deux cas, une image idéalisée des échos reçus sur une hypothétique cible non fluctuante. Le coefficient \alpha correspond à l'atténuation décrite par l'équation du radar. Nous voyons que l'écart α((G1)1/2−(G2)1/2) peut constituer un signal d'erreur qui s'annule en cas de pointage de l'axe radioélectrique vers la cible. Il convient cependant de décomposer cet écart en deux composantes destinées à commander les organes d'orientation en site et en gisement (ou azimut). L'annulation de l'angle de dépointage θ passe par :
une rotation θG en gisement, commandée par une tension d'erreur εG ;
une rotation θS en site, commandée par une tension d'erreur εS .
Dans le cas où l'angle de dépointage θ est petit, nous pouvons décrire le signal reçu sous la forme :
Dans cette expression, pour l'effet de l'antenne, nous considérons que A est l'amplitude moyenne du signal reçu. De même, pour décrire l'antenne, nous considérons l'angle d'ouverture θ0 (à -3 dB) et le coefficient k qui est fonction de la structure du lobe d'antenne. L'effet des impulsions correspond à une série de Fourier qui représente le train d'impulsions non modulées, de largeur τ et de fréquence de récurrence fR .
Le développement de ce produit nous indique la présence :
d'un terme continu AfRτ ;
des fréquences de récurrence fS ;
d'une infinité de termes de fréquence l.fR et l.fR±fS dont les amplitudes varient en sinc(lπfRτ).
Un filtrage passe-bas du signal s_r(t) permet d'isoler les termes de fréquence fS , ce qui permet d'obtenir le signal s′r(t) :
Ensuite, il est possible de démoduler en quadrature par la fréquence fS , ce qui permet d'avoir :
un signal continu ;
des termes autour de la fréquence fS et 2fS .
Un filtrage ne laissant passer que la composante continue nous permet d'exprimer les composantes de correction en gisement (azimut) et site :
Ces signaux constituent des tensions d'erreur pour effectuer une correction (mécanique ou électronique) de l'orientation de l'antenne en site et en gisement. Nous avons alors le schéma bloc du système de poursuite.

En pratique, les formules décrites ci-avant sont très approchées et elles ne sont utilisables que pour des très petits angles de dépointage. De même, les facteurs k et A ont été posés a priori. Pour effectuer une étude plus fine, il convient d'utiliser une expression mathématique permettant de modéliser au mieux le lobe d'antenne : approximation gaussienne des lobes d'antenne
Nous désignons par 2θq l'angle d'ouverture du cône de balayage. Les gains associés aux positions extrêmes du lobe sont donnés en fonction de l'angle de dépointage θq
Nous avons alors l'écart de gain caractéristique entre le gain maximal G0 de l'antenne et le gain de recoupement Gr , obtenu pour G1(0)=G2(0) . Nous pouvons calculer finement les expressions correspondant au cas simplifié en posant, suivant les cas de correction ( θ=θG ou θS ) :
où I1(x) représente la fonction de Bessel modifiée d'ordre 1 et de première espèce (fonction liée à la fonction de Bessel classique J1(x) avec Jn(ȷx)=ȷnIn(x) ). Il est possible de tracer l'erreur εG,S en fonction de θG,S/θ0 en prenant comme paramètre la quantité θq/θ0 .

Nous pouvons en déduire le rapport θq/θ0 (angle de "scanning") qui assure la sensibilité optimale de génération des signaux. Nous pouvons noter une bonne sensibilité pour θq/θ0≈0,4 , ce qui donne un écart de gain G0(dB)−Gr(dB)≈2 dB en pratique.
Même chose pour une poursuite de type monopulse d’amplitude
Un des inconvénients de la poursuite par "scanning" est la nécessité de travailler sur un grand nombre d'impulsions pour obtenir l'enveloppe de la modulation. La durée de mesure est donc assez longue. De plus, la fluctuation de la cible introduit des modulations parasites. Le but des systèmes "monopulse" est d'effectuer la mesure sur une seule impulsion. Il faut noter que cette méthode est aussi sensible à la fluctuation de la cible. En particulier si le niveau de l'impulsion reçue est faible, il convient de renouveler la mesure sur les impulsions suivantes.
Le principe dit du monopulse d'amplitude repose sur la réception d'une impulsion par plusieurs antennes simultanément. Ces antennes sont placées au même centre de phase.

Un signal d'erreur peut être constitué par comparaison des signaux →s1(t) et →s2(t) issus des antennes 1 et 2, qui sont proportionnels aux gains G1 et G2 obtenus pour une cible dépointée en θ . Ces signaux sont égaux si l'angle de dépointage est nul, et différents si ce n'est pas le cas. Bien entendu, quatre antennes sont nécessaires pour élaborer deux signaux d'erreur (en site et en gisement). Nous trouvons deux dispositions pour l'élaboration des signaux d'erreur en site.

Dans un but de simplification, nous limitons notre étude à un système à deux signaux, →s1(t) et →s2(t) , pouvant intéresser une poursuite soit en site, soit en gisement. Le système monopulse réel comporte alors deux systèmes identiques. En pratique, les systèmes monopulse s'intéressent surtout aux signaux :
somme : →Σ=→s1(t)+→s2(t)
différence : →Δ=→s2(t)−→s1(t)
pour élaborer le signal d'erreur. Nous n'aborderons pas dans ce cours les éléments de circuits hyperfréquences permettant d'obtenir les signaux →Σ et →Δ. Nous indiquons juste que les signaux obtenus en sortie sont décrits avec →Σ , →ΔS et →ΔG. Nous limitons notre étude à un système à deux antennes sachant que cela peut aussi s'étendre à quatre antennes.
Nous considérons alors les lobes gaussiens des deux antennes interceptant un signal réfléchi et provenant de la cible.

Dans une direction donnée (portée par un vecteur directeur →u ), nous pouvons décrire les signaux de réception en bande étroite et en bande de base, donc sans faire mention du signal porteur en e(ȷωt) : →S1=√k⋅G1(θ)⋅eȷϕ⋅→u et →S2=√k⋅G2(θ)⋅eȷϕ⋅→u . La grandeur k est dimensionnée avec l'équation du radar. En reprenant les expressions des lobes d'antenne de type gaussien, nous obtenons pour les signaux →Σ et →Δ :
Nous pouvons alors en déduire le rapport Δ/Σ avec l'expression :
Si la valeur de θ tend vers 0, alors :
Nous pouvons noter que cette quantité constitue une grandeur intéressante de commande pour une orientation d'antenne permettant d'annuler cette quantité (commande de direction). La sensibilité du système peut être accrue :
en augmentant θq (mais le gain de recoupement risque alors d'être trop faible et cela entraînerait une sensibilité au bruit en cas de pointage correct) ;
en diminuant θ0 , ce qui revient à travailler avec des lobes d'antenne fins (mais le risque de "rater" une cible est alors accru, ce qui entraînerait une diminution de la probabilité de détection).
De manière générale, la fonction permettant de détecter la direction d'une cible est appelée fonction d'écartométrie ε . Il existe de nombreux systèmes permettant d'obtenir la grandeur ε :
Exploitation par traitement logarithmique des signaux →S1 et →S2 pour obtenir
ε≈(2⋅ΔΣ)θ→0Problématique : si les amplificateurs logarithmiques ne sont pas rigoureusement identiques, alors ε ne s'annule plus si θ = 0.
Exploitation par commande automatique de gain (amplificateur de gain A) des signaux →Σ et →Δ pour obtenir :
ε≈(A2ΔΣ)θ→0Problématique : si les voies d'amplification ne sont pas identiques (déphasage), alors la sensibilité sur ε est dégradée. Il faut noter aussi la "lenteur" de la commande automatique de gain.
Traitement par amplificateur limité des signaux →Σ et →Δ pour obtenir
ε≈ΔΣProblématique : si le signal →Δ n'est pas très petit par rapport au signal →Σ , alors une non-linéarité est introduite au dénominateur avec [Δ+Σ]2 .
Traitement par exploitation de phase des signaux →Σ et →Δ par l'intermédiaire des signaux →R1=→Δ+ȷ→Σ et →R2=→Σ+ȷ→Δ . Chaque voie étant amplifiée avec un gain G1 et un gain G2 , nous obtenons alors :
ε=G1⋅G2⋅sin(2⋅arctan(ΔΣ))
Toutes ces grandeurs sont obtenues en considérant une variation d'amplitude du signal reçu après réflexion par la cible radar. Il est possible d'effectuer le même raisonnement de poursuite en considérant les variations de phase de ce même signal reçu.
Même chose pour une poursuite de type monopulse de phase
Dans le cas d'un système monopulse de phase, il s'agit de retrouver la position de la cible avec l'envoi (et donc la réception) d'une impulsion. La détermination de la position de la cible se fait par l'intermédiaire d'une mesure de différence de phase des signaux reçus sur chaque antenne du système récepteur. Dans ce cas, les antennes de réception sont identiques, d'axes parallèles, et reçoivent d'une cible des signaux →S1 et →S2 de même amplitude, mais déphasés de :

Le principe de traitement permettant d'obtenir une tension d'erreur ε proportionnelle à l'angle de dépointage θ est très proche de celui utilisé dans le traitement du monopulse d'amplitude à exploitation de phase.

La sortie des amplificateurs limités est de la forme G1⋅→S1/S1 et G2⋅ȷ→S2/S2 . Ainsi, nous montrons que la quantité d'écartométrie \varepsilon s'écrit avec :
Ainsi, pour des faibles angles θ , nous avons :
Il est important de noter que, si les voies ne sont pas identiques et présentent un déphasage supplémentaire ϕ0 , nous avons alors :
une diminution de la sensibilité proportionnelle à cosϕ0 ;
une erreur statique sur la grandeur d'écartométrie égale à −G1⋅G2⋅sinϕ0 .
Exprimer le rapport signal à bruit des performances du système impulsionnel pour la poursuite angulaire de type scanning
Nous admettons que le bruit agit à la fois sur le signal en phase et en quadrature. Ce bruit limite la capacité du système à la poursuite angulaire et diminue la précision de mesure de la position angulaire de la cible. Nous avons déjà vu que l'écart-type σE du bruit b(t) en sortie d'un démodulateur est donné avec σE=(1/A)⋅√B/2 où B représente la variance du bruit et A l'amplitude du signal sur lequel le bruit agit. Ainsi, l'écart-type de la mesure d'écartométrie pour la poursuite angulaire en amplitude de type scanning est donné avec :
où S/B peut aussi se présenter sous la forme A2/2B . Il est intéressant de noter qu'une opération de moyennage du signal d'écartométrie sur n impulsions permet de réduire l'écart-type par un facteur de 1/√n . Cet aspect de post-traitement est intéressant en termes de précision de la mesure, mais défavorable en ce qui concerne la vitesse de mesure.
Même chose pour un système de poursuite angulaire de type monopulse d’amplitude (ou de phase)
Nous considérons qu'en fréquence intermédiaire (f_i), le bruit peut s'écrire sous la forme →α+ȷ→β . Le bruit s'applique sur les signaux →Σ ( (S+B)Σ=→Σ+→αΣ+ȷ→βΣ ) et →Δ ((S+B)Δ=→Δ+→αΔ+ȷ→βΔ ). La fonction d'écartométrie (pour le monopulse d'amplitude ou monopulse de phase) revient à effectuer le produit scalaire des grandeurs ((S+B)Σ) et ((S+B)Δ) . Nous avons alors :
Si la cible est au voisinage de l'axe radioélectrique de l'antenne (globale), alors Σ≫Δ et Σ≫αΔ,Σ , ainsi que Σ≫βΔ,Σ , ce qui donne :
Nous remarquons alors que la composante du bruit présent sur la voie dite "différence" (en phase avec →Δ ) est prédominante. C'est donc cette composante qui limite les performances de poursuite du radar.