Dans ce dernier chapitre, nous réaliserons la description de la modulation de fréquence pour la détermination de la distance et de la vitesse avec une onde continue. Ensuite, nous donnerons une description de la structure d'un radar de type pulse-Doppler et nous analyserons les performances du système radar en termes de résolution vitesse et ambiguïté vitesse.
Décrire la forme d’onde d’une modulation linéaire de fréquence
Nous considérons une onde continue dont la fréquence instantanée fi(t) suit la loi : fi(t)=fe+αt . La phase instantanée Φ(t) est alors décrite avec : Φ(t)=2π∫fi(t)dt , ou encore :
où ϕ0 représente la phase à l'origine. Nous en déduisons alors la forme mathématique du signal émis :
Nous supposons alors qu'un tel signal est émis par un radar dans la direction d'une cible située à la distance R0 . Il convient alors d'étudier deux cas : la cible est fixe (détermination de la distance) ou la cible est mobile (détermination de la vitesse).
Étudier l’influence sur le signal radar reçu d’une cible fixe
Dans le cas d'une cible fixe, le signal reçu s'écrit avec :
Le développement de la fréquence instantanée reçue nous permet de décrire la relation suivante :
Nous pouvons alors comparer cette loi avec celle de la fréquence instantanée émise.

Il est clair que la différence des fréquences émise et reçue à chaque instant permet d'évaluer la distance de la cible. Nous avons alors :
La différence de fréquence instantanée est aussi appelée fréquence de battement fb :
En pratique, nous utilisons une modulation de type triangulaire (ou "dents de scie") dont la période de répétition est égale à T . La situation est identique.

La fréquence de battement est toujours obtenue avec fb=|fi(t)−fir(t)| et varie au rythme de la modulation triangulaire.

En négligeant les phénomènes au voisinage des transitions de la loi triangulaire, nous voyons que la mesure de Δf permet la détermination de la distance de la cible. Un tel système radar est utilisé pour des applications d'altimétrie.
Nous voyons donc que l'utilisation d'une onde continue modulée en fréquence permet de déterminer la position d'une cible par la mesure de la fréquence du signal de sortie.
Étudier l’influence sur le signal radar reçu d’une cible mobile
Il s'agit ici de vérifier que la modulation linéaire de fréquence d'une onde continue permet toujours de déterminer la vitesse d'une cible. Nous tenons compte de l'effet Doppler lorsque la distance R0 de cette cible devient maintenant la distance R(t) . Le signal reçu s'écrit maintenant avec :
Après calcul de la fréquence instantanée de ce signal et comparaison avec la fréquence émise, nous avons l'écart de fréquence qui est donné avec :
Nous pouvons donc décrire cette nouvelle fréquence de battement en séparant :
l'écart dû au retard, représenté par :
−2αcR(t)l'écart dû à la vitesse, représenté par :
2cdR(t)dt(−fe−αt+2αcR(t))
Afin d'analyser l'influence de ces écarts sur la fréquence de battement, nous pouvons considérer une hypothétique trajectoire rectiligne de la cible passant par le radar et parcourue à la vitesse constante →v par cette cible.

Dans ce cas, la distance radar-cible s'écrit avec R(t)=|R0−vt| et nous pouvons en déduire les expressions de dR(t)/dt par rapport au temps t=R0/v .

Nous pouvons donc établir l'expression de la fréquence de battement en fonction de la valeur de t par rapport à R0/v .
Nous retrouvons bien le terme lié au retard et celui lié à l'effet Doppler. Nous pouvons simplifier le terme Doppler en remarquant que l'expression analytique n'est valable que sur l'intervalle de temps limité à la demi-période T/2 : f=fe+αt si t∈[0,T/2] . Ainsi, sachant que
αT/2≪fe (car en pratique, nous avons une faible excursion de fréquence par rapport à la fréquence porteuse)
2α/c(R0−vT/2)≪fe (car α est petit devant c )
nous pouvons décrire l'expression de la fréquence de battement avec Δfi=fir(t)−fi(t)≈{−2αc(R0−vt)+2vfecsi t<R0v (rapprochement)−2αc(−R0+vt)−2vfecsi t>R0v (éloignement)
Les radars utilisant ce principe ont des fréquences de récurrence de balayage en fréquence élevées. Il est alors légitime de supposer que R(t) varie peu pendant une période de récurrence T du balayage. Ainsi, la fréquence de battement Δf peut être identifiée à un décalage de la fréquence reçue en positif ou en négatif suivant le signe de l'effet Doppler. Ci-dessous, nous décrivons le cas du rapprochement.

Les fréquences de battement obtenues sont donc décrites par :
fH=2αcR(t)+2vfec
fB=2αcR(t)−2vfec
Les transitions étant en pratique de durée très faible par rapport aux paliers, nous pouvons mesurer fH et fB . Ainsi, il est possible de déterminer la position et la vitesse d'une cible avec :
R(t)=c4α(fH+fB)
v=c4fe(fH−fB)
Nous voyons donc que l'utilisation d'une onde continue modulée en fréquence permet de déterminer la position d'une cible ainsi que la vitesse de celle-ci par la mesure de la fréquence du signal de sortie (fréquence de battement). Il convient de noter que la détermination simultanée (sur une période T) de la distance et de la vitesse de la cible est possible uniquement lorsque la modulation de fréquence est à pente positive pendant une demi-période et à pente négative pendant l'autre demi-période.
Déterminer la distance et la vitesse par l’analyse spectrale du signal reçu
Il est possible d'effectuer une mesure de la vitesse (Doppler) et de la distance (retard) en utilisant une onde modulée linéairement en fréquence (soit à pente positive, soit à pente négative) sur une bande de fréquence B .

La fréquence de battement fb contient l'information de distance et l'information de vitesse. Dans ce cas, nous définissons :
le temps court tc pendant la durée d'une modulation ( 0<tc<T ) ;
le temps long tl qui définit le numéro m de modulation tl=mT où m=0,1,…,M−1 , avec M le nombre total de modulation ;
le temps courant t=tc+tl .
La mise en œuvre de l'analyse spectrale du signal de battement est effectuée via une transformée de Fourier (à noter qu'il existe aussi des transformées de type Chirp Z-transform -CZT, qui sont la transformée en Z d'un signal le long d'un contour en spirale). L'avantage de la CZT est d'évaluer la fréquence du signal de battement uniquement dans une zone d'intérêt [Fmin,Fmax] . Nous illustrons sur la figure ci-dessous les différentes étapes pour obtenir une cartographie de fréquence Doppler en fonction de la distance à partir du signal de battement (en sortie du filtre passe-bas du récepteur).

La première transformée de Fourier est appliquée afin de former une matrice de profil de distance. Le numéro de colonne k de cette nouvelle matrice représente le profil de distance du nombre de modulations k . La seconde transformée de Fourier est appliquée à chaque ligne pour le traitement de la fréquence Doppler. La sortie de cette seconde transformée fournit une cartographie distance-fréquence de décalage de la scène. Nous proposons un exemple de simulation d'un signal provenant de 3 cibles radars pour lesquelles nous avons obtenu la distance et la fréquence Doppler.
![Exemple de détection de 3 cibles avec des distances de [50; 20; 200] m et avec des fréquences Doppler respectives de [20; 20,2; 20,6] kHz](https://user.oc-static.com/upload/2018/08/14/15342464662034_simulation_carte_range_doppler.png)
Cette carte distance-Doppler permet de détecter, localiser et caractériser (vitesse) des cibles radars par l'intermédiaire de l'envoi d'une onde continue modulée linéairement en fréquence. Il est aussi possible d'effectuer ce type de traitement (caractérisation Doppler) avec des impulsions.
Effectuer l’analyse pulse-Doppler pour extraire la fréquence Doppler
Si nous désirons avoir une grande portée radar, il est nécessaire d'avoir recours à des systèmes impulsionnels. Nous avons vu que les systèmes impulsionnels (sur 1 impulsion) ne peuvent pas effectuer de traitement Doppler. En revanche, il est possible d'exploiter l'effet Doppler sur plusieurs impulsions : radar pulse-Doppler. Le principe de base est décrit sur la figure ci-dessous.

Nous considérons être en poursuite sur une cible mobile située à une distance R(t)=R0−vrt où vr est la vitesse radiale. Le signal émis est donc modulé par un train d'impulsions. Chaque impulsion est définie par une fonction porte décrite avec rect(t/T)=1 si t∈[−T/2;T/2] , sinon rect(t/T)=0 . Ici, le signal porte s'écrit avec rect(t/τ) u) et l'impulsion "k" du train d'impulsions est décrite avec :
Ainsi, le signal reçu s'exprime avec Sr(t)=∑kimpk(t−2R(t)/c)⋅cos(2π(f0+fd)t+ϕ0) . En sortie du filtrage passe-bas, nous avons donc :
En pratique, nous avons 1/fd≫τ , ce qui revient à considérer que cos(2πfdt) est échantillonné par le train d'impulsions. La présence d'un écho mobile va généralement se caractériser par une évolution de l'amplitude des échos à chaque impulsion. Il est donc nécessaire de supprimer les échos fixes. Une première stratégie consiste à appliquer une ligne à retard sur le signal S(t).

En appliquant la forme du signal S(t) , nous obtenons pour la détection de Z(t) (à savoir |Z(t)| ) :
Le signal ainsi obtenu est différent de 0 uniquement si fd≠0 (ce qui correspond à des échos mobiles). Toutefois, nous notons d'autres cas pour lesquels |Z(t)| s'annule et fd≠0 :
phénomène des vitesses radiales aveugles
vr=lcfRf0 pour l=0;1;2;…phénomène des phases aveugles avec
tl=lπ−ϕ02πfd+TR2 pour l=0;1;2;…
Il existe une possibilité pour supprimer le terme des phases aveugles pour finalement obtenir :
Nous notons qu'en se limitant à la gamme des fréquences Doppler inférieures à fR (pour éviter les vitesses radiales aveugles), le système pulse-Doppler détecte bien les cibles mobiles ( |Z(t)|≠0 si fd≠0 ) en rejetant les cibles fixes ( |Z(t)|=0 si fd=0 ). En revanche, il persiste des ambiguïtés pour des fréquences Doppler symétriques par rapport à fR/2 . La figure ci-dessous indique l'évolution de |Z(t)| pour une impulsion et la présence d'ambiguïtés pour fd<fR/2 .

Il reste qu'il n'est pas possible d'éliminer totalement les échos de l'environnement (clutter de sol) à cause de sa relative mobilité (feuillage, mer en mouvement, etc.). Le spectre du clutter est reproduit périodiquement de part et d'autre de nfR du fait de la structure du récepteur pulse-Doppler (équivalent à une opération d'échantillonnage).

Pour mieux éliminer les échos à faible Doppler, nous pouvons effectuer une double annulation des échos fixes en répétant le montage de la suppression des échos fixes. Nous obtenons alors un signal de sortie de la forme :
|Z(t)|=sin2(πfdTR)⋅|termes correspondant aux phases aveugles|
ce qui permet, après compensation des phases aveugles, une meilleure élimination du clutter de sol.

Aborder la mesure de vitesse simultanément avec la mesure de distance induit des notions d'ambiguïté inhérentes à chaque méthode d'obtention de la grandeur concernée :
Pour disposer d'une gamme suffisante de mesures de vitesse sans ambiguïté (donc sans atteindre la première vitesse aveugle), nous sommes amenés à augmenter la fréquence de récurrence fR . La règle générale donne :
fR≥2⋅fdmaxNous avons vu que, dans le cas d'un radar à impulsions, la gamme des distances mesurables non ambiguës est :
R>c2⋅fRCette gamme diminue donc si fR croît.
Il est évident qu'il y a incompatibilité entre les mesures de distance et de vitesse dans des gammes importantes. Il convient donc de modifier la forme d'onde afin de tendre vers une mesure de performances équivalentes entre la mesure de distance et celle de vitesse. Des systèmes particuliers sont donc développés, tels que l'émission d'impulsions à modulation de fréquence.