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Last updated on 3/4/22

Découvrez les biais cognitifs

Découvrez le fonctionnement de votre cerveau

Pour vous plonger dans le sujet, voici une petite énigme. Un croissant et un bonbon valent à eux deux 1,10€. Le croissant coûte 1€ de plus que le bonbon. Combien coûte le bonbon ?

Vous avez répondu 10 centimes ? Eh bien vous vous êtes trompé, comme la majorité des personnes qui ont fait ce test ! La bonne réponse était 5 centimes. Faites le calcul à nouveau, vous verrez que j'ai raison ! 😉

Votre cerveau a cherché le chemin le plus court pour se forger une conviction, et a utilisé un raccourci : il a gardé en tête les chiffres 1,10 et 1, a effectué un rapide calcul, pour aboutir à une conclusion erronée.

Ces raccourcis se manifestent quand on utilise notre système intuitif. Selon Daniel Kahneman, psychologue et économiste, nous aurions deux systèmes de pensée :

  1. Le système intuitif, qui permet de décider rapidement ;

  2. Le système analytique, qui est plus réfléchi et plus lent.

Système 1 - Rapide et intuitif Système 2 - Lent et analytique
Deux systèmes de pensée

Découvrez l'origine des biais cognitifs

Chaque jour, nous sommes bombardés d’informations que notre cerveau doit percevoir, analyser, trier et parfois même stocker. Notre cerveau aime ce qui est cohérent, familier et constant, et pour maintenir cet équilibre sans dépenser trop d’énergie, il utilise des raccourcis.

Les heuristiques répondent aujourd’hui à quatre grandes nécessités :

  1. Savoir faire le tri parmi toutes les informations que nous recevons.

  2. Identifier ce dont nous devons nous souvenir (ou pas !).

  3. Agir vite.

  4. Donner du sens à ce qui se passe autour de nous. 

1 - Savoir faire le tri 2 - Identifier ce dont nous devons nous souvenir (ou pas !). 3 - Agir vite. 4 - Donner du sens à ce qui se passe autour de nous.
4 situations dans lesquelles les heuristiques sont utiles

Les heuristiques nous facilitent la vie, la plupart du temps. Mais elles peuvent parfois entraîner des erreurs de jugement. On les qualifie alors de biais cognitifs

Camille Rozier, chercheuse en neurosciences, nous en dit plus dans une interview :

Pour définir un biais cognitif, nous pourrions dire que c’est un mécanisme systématique de la pensée qui provoque des erreurs de perception ou de décision, sans que l’on s’en aperçoive. Décortiquons ensemble cette définition pour mieux la comprendre !

Pourquoi un mécanisme “systématique” ?

Par défaut, à tout instant, votre cerveau choisit les chemins les plus évidents, qu'il connaît déjà, pour décider quelle action entreprendre. Il a aussi tendance à éviter les “dissonances cognitives”.

Là tu m’as perdu ! C’est quoi une dissonance cognitive ?

Une dissonance cognitive, c'est l'espèce de tension que vous ressentez à l'intérieur de vous lorsque que vos croyances, vos connaissances considérées comme “acquises” sont remises en question. Votre cerveau les déteste ! Par les raccourcis qu'il emprunte, il va donc chercher à éviter ces moments d’inconfort… quitte à faire des erreurs. Contrer cet élan naturel et automatique demande un peu d’efforts. 😉

Pourquoi ce mécanisme se produit-il “sans que l’on s’en aperçoive” ?

Notre cerveau se met naturellement en mode "off" – déconnexion – dans des moments répétitifs ou habituels. C’est son mode de fonctionnement automatique. Mais rassurez-vous, la plupart du temps, c’est plutôt une bonne chose ! Cela vous permet d’agir rapidement sans trop réfléchir.

Identifiez les biais cognitifs les plus courants

Il existe plus de 200 biais cognitifs. Renversant, non ? 🤯 Bien sûr, nous ne pourrons pas tous les aborder dans ce cours. Mais nous avons décidé de cibler les biais cognitifs les plus courants. Allons-y ! 🤩

Biais n°1 : le biais de confirmation

Exemple : vous souhaitez changer vos habitudes alimentaires et êtes tenté de suivre un régime hyper protéiné. Avant de vous lancer, vous faites quand même une recherche rapide sur internet. Vous tapez "avantages du régime hyper protéiné". Vous êtes alors soumis au biais de confirmation !

Le biais de confirmation consiste à donner plus d’importance aux hypothèses qui vont dans le sens de vos convictions ou opinions, et à donner moins de poids aux informations qui vont à l’encontre de ce que vous croyez. En d’autres termes, c'est “tirer la réalité à soi” en sélectionnant, interprétant et mémorisant les informations qui nous arrangent.

Biais n°2 : l'effet de surconfiance (ou effet Dunning-Kruger)

Prenons un exemple : on vous confie une nouvelle mission, dans le cadre de votre travail. C'est un sujet tout nouveau, que vous découvrez. Dès que votre manager vous en parle, la tâche ne vous paraît pas si difficile : vous vous dîtes qu'en quelques jours, la mission sera bouclée. Vous êtes alors victime de l'effet Dunning-Kruger !

L'effet de surconfiance ou effet Dunning-Kruger consiste à surévaluer nos compétences ou notre capacité à gérer quelque chose. Souvent, il intervient lorsqu'on ignore la complexité du sujet dans lequel on se plonge : on ne sait pas qu'on ne sait pas, et on a tendance à manifester un excès de confiance, par ignorance.

Biais n°3 : négligence de la taille de l'échantillon

Prenons un exemple : on cherche à évaluer la probabilité d’avoir 100 % d’individus de sexe masculin dans une famille. Si on ne sélectionne que des familles comptant un ou deux enfants, le résultat sera biaisé : il est beaucoup plus probable d’avoir 100 % de petits garçons que dans des familles à 6 enfants ! 

Il s’agit d’utiliser des faits qui portent sur un échantillon non représentatif pour tirer des conclusions générales. En d’autres termes, c’est faire d’un cas particulier une généralité !

Biais n°4 : le biais du survivant

Imaginons qu'on cherche à évaluer la performance des entreprises durant la période du COVID. Si on s'appuie exclusivement sur les chiffres des entreprises qui sont toujours en activité, que se passe t-il ? On obtient une analyse qui ne tient pas compte de celles qui ont mis la clé sous la porte durant cette période !

Le biais du survivant un biais de sélection. Il s’agit de d’évaluer une idée ou une initiative en s’appuyant seulement sur les personnes qui ont réussi, et qui sont donc des exceptions statistiques : des survivants ! 

Biais n°5 : l'escalade d'engagement

Imaginez la situation suivante : l'un des projets sur lequel vous travaillez depuis des années montre des résultats très insatisfaisants. Vous êtes invité à une réunion pour en discuter. Il est alors question de mettre fin à ce projet, sur lequel vous vous êtes énormément investi. Quelle est votre première réaction ? Vous aurez tendance à ne pas vouloir voir le problème et à vouloir persister : vous avez tellement mis d'énergie et de temps au service de ce projet, il est inconcevable de s'arrêter maintenant !

C'est ce qu'on appelle l'escalade d'engagement : une attitude à ne pas vouloir changer de cap malgré les résultats négatifs. Il est aussi appelé "biais des coûts irrécupérables".

Biais n°6 : l'effet de simple exposition

Vous partez en vacances avec un ami. Dans la voiture, il vous fait écouter une nouvelle musique. Sur le coup, vous n'accrochez pas spécialement. Mais vous écoutez cette musique une deuxième, une troisième, une quatrième fois... à la fin du séjour, vous finissez par l'apprécier.

Plus vous êtes exposé à une personne, à un produit ou à un lieu, plus vous avez de chances de l’aimer. C’est le biais cognitif nommé “effet de simple exposition”.

Biais n°7 : l'effet IKEA

Vous décidez de retaper vous-mêmes les vieux meubles de votre grand-mère. Vous les poncez, les repeignez, les remettez en état... Quand des années plus tard il est décidé de les revendre, vous proposez des prix qui dépassent largement les montants en vigueur sur le marché. Vous êtes soumis à l'effet IKEA !

Selon l’effet IKEA, notre cerveau donne plus de valeur aux choses et idées dans lesquelles nous nous sommes impliqués… qu’aux choses ou idées produites par d’autres. En entreprise, c’est ce biais qui peut pousser les dirigeants à surévaluer leurs propres décisions !

Pratiquez la suspension de jugement

Vous l'aurez compris, nos interprétations sont souvent biaisées. Notre culture, notre identité, notre vécu, viennent aussi impacter notre façon de voir le monde : nous avons tendance à appréhender les situations selon notre propre vision, avec la conviction que c'est la vérité. 

Deux personnages discutent. L'un voit un 6 l'autre un 9.
Deux personnes qui tentent de se comprendre

L'image ci-dessus est assez révélatrice : un même objet ou sujet peut être soumis à des conclusions très différentes selon notre angle de vue...

Pour contrer ces biais et porter un regard éclairé sur une situation, il existe une clé : la suspension de jugement. C'est une attitude profondément contre-intuitive, puisque comme vous le savez, votre cerveau déteste que vos croyances les plus ancrées soient remises en question. 

Visuel représentant l'idée de prendre du recul sur ses propres pensées
Suspension de jugement

Il s'agit d'accepter que vos conclusions intuitives soient soumises à des interprétations biaisées. Attention, ça ne veut pas dire que vos conclusions sont nécessairement fausses ou mauvaises ! Mais vous allez chercher à observer objectivement si vous avez de bonnes raisons de penser ce que vous pensez, ou non.

À vous de jouer !

Seriez-vous capable d’identifier les raccourcis empruntés par votre cerveau ? Je vous propose une petite activité pour le savoir. Faites place à votre capacité d’analyse et à votre imagination !

L’objectif de cette activité est d’imaginer des situations qui peuvent nous conduire à commettre des biais cognitifs.

Pour cela, voici les étapes à suivre :

  1. Sélectionnez un ou plusieurs biais qui vous parlent particulièrement. 

Pour cela, vous pouvez vous appuyer sur les biais décrits plus haut, ou prendre le temps d’explorer de nouvelles sources : le blog de Cédric Limousin, ou le CODEX des biais cognitifs, basé sur les travaux de John Manoogian III et Buster Benson.

       2. Construisez et rédigez votre histoire.

À vos stylos ! Je vous invite à écrire une situation professionnelle dans laquelle les biais que vous avez choisis pourraient s’exprimer.

Besoin d’inspiration ? Je vous donne un exemple, révélateur du biais “effet de vérité illusoire”. C'est une situation professionnelle que j’ai inventée de toutes pièces…

À la pause café, Cindy, du service RH, explique à Rémi avec sérieux que l’État envisage de taxer certains avantages qui étaient mis à la disposition des salariés. Elle lui relate que les ordinateurs, smartphones, tablettes, mis à disposition par l’entreprise, ne pourront plus être utilisés dans un cadre personnel sans être taxés davantage. Elle l’a lu sur un site spécialisé et sérieux. Plus tard, lors d’une réunion, le responsable RH lance une pique concernant le budget et de “nouvelles taxes”… Automatiquement, le cerveau de Rémi fait le lien avec le propos de Cindy. Que l’information soit factuelle ou bien une “fake news”, elle paraît finalement plausible et même probable, à cause des connexions automatiques que crée le cerveau…

       3. Prenez du recul sur la situation imaginée.

Relisez l’histoire que vous avez imaginée… Rétrospectivement, cela ressemble-t-il à des situations que vous avez vécues ? Peut-être que cet exercice vous rappelle certaines réactions de vos collègues, ou certaines erreurs qui n’avaient pas de causes apparentes...

En résumé

Nous avons donc découvert dans ce chapitre que :

  • Les biais cognitifs trouvent leur origine dans l’histoire évolutive de l’espèce humaine. Ils découlent de notre instinct de survie.

  • Ce sont des raccourcis mentaux (heuristiques), nous permettant d'agir rapidement, surtout en contexte d'incertitude.

  • Ils surviennent indépendamment de notre volonté et pour s’en prémunir, il faut suspendre notre jugement.

  • Ils sont très nombreux : il en existe plus de 200 ! La grande majorité est étudiée pour mieux comprendre comment nous réfléchissons et prenons nos décisions. 

Au fil des prochains chapitres, nous allons poursuivre notre exploration des biais cognitifs et vous proposer des approches concrètes pour développer votre esprit critique. Commencez à pratiquer l'art du doute rationnel, au prochain chapitre ! 

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