Partage
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur Twitter

L'effet tunnel

    27 décembre 2018 à 1:57:20

    Bonjour,

    J'ai un ami qui fait de la physique et j'ai vaguement lu ses cours d'une matière sur les particules subatomiques (je fais de la chimie à l'université).

    Du coup j'ai vu qu'il y a un "effet tunnel" qui permet à un noyau de se désintégrer en passant une barrière de potentiel qu'il ne devrait normalement pas pouvoir passer.

    La probabilité que le système évolue en passant "par un tunnel" (comme représenté par un dessin de bonhomme qui "creuse" en dessous) est inversement proportionnelle à l'énergie de cette barrière de potentiel.

    ... Du coup, d'accord, mais en quoi est-ce que c'est "l'effet tunnel" et pas seulement une conséquence du principe d'incertitudes d'Heisenberg et du fait que la science d'aujourd'hui n'explique pas tout non plus?

    • Partager sur Facebook
    • Partager sur Twitter
      29 décembre 2018 à 15:16:34

      Je pense qu'il suffit de considérer des ordres de grandeur pour se rendre compte que le principe d'incertitude joue un rôle totalement secondaire dans l'effet tunnel.

      On peut schématiser une barrière de potentiel monodimensionnelle  par une barrière rectangulaire de hauteur \(V_0\). Ce modèle simple a l'avantage de permettre une résolution explicite facile de l'équation de Schrödinger tout en permettant une bonne compréhension du mécanisme de franchissement.

      L'effet tunnel résulte de la dualité onde -corpuscule. Une particule qui rencontre une barrière de potentiel peut se  comporter à la fois - simple image !-  comme une balle qui rebondit contre un mur et comme une onde qui traverse la matière.

      Si on résout l'équation de Schrödinger avec le potentiel 0-\(V_0\) -0 , la fonction d'onde, qui nous donne la probabilité de présence de la particule prend, dans la barrière,  la forme d'une exponentielle réelle rapidement décroissante mais non nulle.
      Le calcul permet d'expliciter un coefficient de transmission \(T\) et un coefficient de réflexion \(R\) avec \(T+R= 1\).

      Pour cette barrière rectangulaire, le coefficient de transmission sans approximation  est donné par : \( \frac{1}{T}=1+ \frac{V_0^2}{4E(V_0-E)}\sinh^2(\alpha L)\)

      où \(E<V_0\) est l'énergie de la particule, L la largeur de la barrière , \(\alpha=\frac{\sqrt{2m(V_0-E)}}{h^{*}}\) avec \(m\)  masse de la particule , \(h^{*}\) constante de Planck réduite.

      En raison du sinus hyperbolique, il y a une décroissance exponentielle de T non seulement avec la hauteur de la barrière mais aussi sa largeur et la masse de la particule.

      En ordre de grandeur, on se rend compte que, en général,  \(L\) doit être inférieure au nanomètre pour  qu'il y ait effet tunnel significatif .

      Par exemple, pour un flux d'électrons d'énergie 1 eV rencontrant une barrière de 2 eV, on obtient \(T \sim 0.8\) pour \(L=0.1\) nm.

      Mais pour \(L=1\).nm , \(T \sim 0.15.10^{-3}\) seulement !

      Le rôle de la masse peut s'illustrer par l'effet tunnel pour un proton dans les mêmes conditions . \(T\) chute à environ \(10^{-19}\) pour \(a=0.1\)nm !

      (A plus grande échelle, un chat même de Schrödinger, ne peut que s'écraser lamentablement sur la barrière! :lol: )

      Pour la désintégration \(\alpha\) qui s'explique par effet tunnel, on est dans un autre ordre de grandeur. En effet, la largeur de la barrière résultant des forces attractives nucléaires est de l'ordre de \(L \sim 10^{-15}\) m soit le femtomètre ( la largeur de la barrière, c'est la taille du noyau), mais avec des énergies   qui se chiffrent en Mev.  .
        Un calcul plus rigoureux que le modèle simple rectangulaire monodimensionnel nécessite de considérer une barrière sphérique et un potentiel non constant ayant une décroissance coulombienne à l'extérieur du noyau. Néanmoins, moyennant quelques approximations, on arrive à calculer un  coefficient de transmission \(T\) d'une particule \(\alpha \) tentant de s'échapper du noyau où elle est confinée par la barrière nucléaire avec de bons ordres de grandeur . 

      décroissance radioactive

      Cette désintégration \(\alpha \) concerne uniquement certains  noyaux lourds de masse atomique supérieure à 200. On peut relier le facteur de transmission \(T\) à la constante radioactive\(\lambda\) intervenant dans la loi bien connue donnant l'évolution macroscopique des noyaux selon \(N(t)=N_0e^{-\lambda t}\) moyennant un modèle d'oscillation des particules interne au noyau. On en déduit la  période radioactive ou demi-vie  \(T_{1/2}\) ( ne pas confondre ce T avec T facteur de transmission!).

      La sensibilité du phénomène aux différents paramètres se traduit par une très grande dispersion des valeurs de période radioactive  totalement inexplicable de façon classique  , allant  du jour au milliards d'année, avec un point particulier étonnant,  celui du polonium 212, de période de l'ordre de la nanoseconde ! Le modèle quantique de l'effet tunnel permet de justifier, au moins qualitativement, une telle dispersion.

        La relation d'incertitude énergie- temps ne peut pas expliquer l'effet tunnel. Cette relation \(\Delta E.\Delta t \geq h^{*}/2\) est un peu délicate d'interprétation en particulier sur la signification du \(\Delta t\)(*)
      . On peut le considérer de diverses façons:    le temps d'une  mesure d'un observable , le temps d'évolution d'un phénomène quantique comme une désintégration etc ...induisant une incertitude sur énergie mesurée ou émise. 

      Dans tous les cas on constate  que l'ordre de grandeur du \(\Delta E\) est quasiment toujours négligeable devant la hauteur de la barrière de potentiel compte tenu de la valeur de la constante de Planck. Avec des énergies qui nécessiteraient des incertitudes de l'ordre du Mev pour franchir la barrière par incertitude sur l'énergie, il faudrait un \(\Delta t \)  de l'ordre de \(10^{-40}\)s .

       Même dans l'exemple de l'électron de l'exemple initial tentant de franchir une barrière de 1 ev, il faudrait une incertitude de l'ordre de (\Delta t sim 10^{-16}\) s . 

      Pour conclure, une des applications les plus spectaculaire de l'effet tunnel est celle du microscope ... à effet tunnel . Elle permet de "voir" la matière à l'échelle de l'atome !

      (*) commentaire sur la relation d'incertitude : fondamentalement,  les relations d'incertitude sont les conséquences de la non-commutation des opérateurs représentant deux observables  que on cherche à mesurer simultanément ( par exemple opérateur position/impulsion).

      Ici, si l'énergie est bien associée à l'opérateur hamiltonien, le temps est un paramètre associé  à aucun opérateur comme pour tout observable quantique.   Néanmoins, sans entrer dans les détails, on déduit bien cette relation d'incertitude qui traduit une profonde relation entre le temps et l'énergie. Le temps est mesurable sans être un observable ! Le temps n'existe que si il y a un changement dans un système, donc un échange d'énergie, et l'incertitude sur une mesure de la durée d'un changement  se traduit par une incertitude sur ce changement, donc sur l'énergie. Le temps en tant que tel n'existe pas en l'absence de changement ! Ainsi pour un système stable d'énergie parfaitement déterminé ( les niveaux d'énergie quantifiés d'un atome stable par exemple) où  \(\Delta E =0 \),la relation d'incertitude implique \(\Delta t = \infty\) ... repos éternel :ange:!

      -
      Edité par Sennacherib 29 décembre 2018 à 15:32:30

      • Partager sur Facebook
      • Partager sur Twitter
      tout ce qui est simple est faux, tout ce qui est compliqué est inutilisable

      L'effet tunnel

      × Après avoir cliqué sur "Répondre" vous serez invité à vous connecter pour que votre message soit publié.
      × Attention, ce sujet est très ancien. Le déterrer n'est pas forcément approprié. Nous te conseillons de créer un nouveau sujet pour poser ta question.
      • Editeur
      • Markdown