Le sourcing est un concept relativement récent ; il est donc important de comprendre de quoi il s'agit, d'où il vient et comment il fluctue.
Son terrain de jeu est le marché du travail. Il va donc varier en fonction de l'offre et de la demande !
Il vous faudra comprendre ses variables actuelles dans un environnement socio-économique mondialisé et rempli d'inattendu !
Le sourcing fluctue au rythme de notre économie. Il est important de comprendre cette dépendance conjoncturelle.
La spécificité de notre époque réside dans la digitalisation effervescente du recrutement, l'uberisation du travail et l'accélération de la transformation des métiers et des compétences.
Définir le sourcing
En matière de recrutement, il s'agira de concevoir une stratégie permettant de déclencher un flux de candidatures adaptées à vos besoins de recrutement.
C’est une phase qui se situe donc entre le plan de recrutement, c’est-à-dire l’analyse du besoin, et la phase de sélection des candidats.
Cette stratégie intégrera de nombreux éléments :
l'utilisation du plan de recrutement défini en amont — il décrira les postes à pourvoir ainsi que les moyens alloués au sourcing en termes de budgets, de délais et parfois d'outils préconisés ;
le "profiling" du candidat idéal, détaillé dans le "profil de poste" ;
le choix de médias et outils adaptés à votre budget et au type de personnes recherché ;
la préparation d'offres d'emplois et d'une communication adaptées aux médias sélectionnés ;
un plan d'action qui permettra d'optimiser le sourcing, c'est-à-dire de piloter le processus de diffusion, de réponse, de première sélection, afin de valider le ROI (Return on Investment ou Retour sur Investissement).
Le sourcing a un coût en temps et en argent.
L'intérêt est de sourcer quantitativement et surtout qualitativement. Ces deux critères sont étroitement liés si vous voulez rentabiliser votre investissement.
La quantité doit être adaptée au type de recrutement à effectuer. Trop de candidatures amènent à se poser la question de la pertinence du profiling ; vous risquez de perdre beaucoup de temps à trier des candidatures inadaptées à votre recherche. Si vous recevez des centaines de CV inadaptés aux jobs à pourvoir, c'est du temps perdu pour vous et de l'argent perdu pour l'entreprise !
Vous obtiendrez des candidatures de qualité si vous avez bien posé les critères de profil du candidat recherché. Vous aurez donc intérêt à vous créer une console de pilotage, afin de pouvoir gérer et analyser les flux pendant toute la phase de sourcing.
Son évolution
Le fait de "Déclencher l'arrivée de candidatures ciblées" a toujours existé, mais les opérations ont été longtemps moins complexes qu'aujourd'hui. Il suffisait de décider de recruter, écrire une "petite annonce", puis la diffuser dans la presse locale, régionale ou nationale selon le type de candidats recherchés.
La presse était le support favori des recruteurs. Le choix était large allant du quotidien local (Ouest France, l'Est Républicain, La Provence…) au magazine économique hebdomadaire (L'Express, Le Point, Les Echos…).

Le "bouche à oreille" fonctionnait aussi très bien et de nombreux postes étaient pourvus par relations de voisinage, voire familiales. La méthode est toujours utilisée, économique et souvent efficace ; aujourd'hui, on appelle cela la cooptation !
Les cabinets de recrutement se sont beaucoup développés avec l'essor économique des années 60-70 ; les entreprises ont commencé à déléguer le recrutement, qui s'est professionnalisé, tout comme la gestion des ressources humaines. Ceux-ci géraient la rédaction de l'offre, le choix des médias, la diffusion des annonces, parfois la première sélection des candidats. L'objectif était de communiquer à l'entreprise des CV de qualité, en nombre suffisant pour pouvoir organiser des entretiens de sélection aboutissant à une embauche !
Pour les recrutements de dirigeants, certains cabinets se sont orientés vers la chasse de têtes, c'est à dire la recherche de la perle rare en approchant des professionnels en poste, qu'il fallait alors séduire et décider à changer d'entreprise.
L'activité de sourcing s'est véritablement professionnalisée avec l'arrivée du digital ; l'explosion des job-boards va nécessiter le développement de compétences nouvelles. Le métier de recruteur se fragmente et se spécialise ; certains vont sourcer, d'autres sélectionner.
Le sourceur doit être un chasseur dans l'âme, un super communicant qui trouvera les bons mots, les bonnes façons d'approcher et de donner envie.
Dans cette ère du digital, il doit aussi posséder des talents de "geek", à l'aise dans tous les environnements online : job-boards, réseaux sociaux, blogs, emails, vidéos, etc.
Bref, un équilibre exceptionnel "cerveau droit - cerveau gauche" pas toujours facile à trouver !
Le sourcing est donc l'une des activités du métier de recruteur et c'est parfois un emploi à part entière.
Une dépendance à la conjoncture socio-économique !
Pour que le sourcing existe, il faut :
des candidats, des personnes qui sont en recherche d'emplois ou qui sont prêtes à en changer ;
des jobs, des postes à pourvoir, c’est-à-dire des entreprises qui recrutent !
Le recrutement est étroitement connecté au "marché du travail". C'est à dire à une loi :
de l'offre : les entreprises doivent être en mesure de proposer des emplois, avoir des besoins de recrutement, être donc en développement ;
de la demande : des travailleurs doivent être en situation de recherche d'emploi ou de mobilité, prêts à changer de job.
Les fluctuations de ce marché vont dépendre de nombreux facteurs socio-économiques.
Les aspects économiques
Deux grandes crises économiques ont bousculé le monde du recrutement durant les 30 dernières années. La plus grave a été de loin celle de 2008/2009, où le PIB a reculé en France de 2,6% contre 0,9% en 1993.
Les pertes d'emplois ont été énormes : 183 000 en 2008 puis 331 000 en 2009. En 2010, la vapeur s'est inversée mais seulement 74 000 emplois ont été créés.
Ces vagues de licenciements ont mis sur le marché du travail de nombreux travailleurs expérimentés mais souvent insuffisamment qualifiés. En effet, les jeunes, les ouvriers et les bas salaires ont été les plus touchés, dans une époque où l'activité industrielle décroît au profit des activités de service.
Impact de la crise sur l'emploi et les salaires en France- www.tresor.economie.gouv.fr
Bien évidemment, il ne faisait pas bon être recruteur à cette époque ; des cabinets ont mis la clé sous la porte, de nombreux recruteurs se sont reconvertis quand ils avaient la chance d'être au sein de grandes entreprises. De nouveaux cabinets spécialisés sont apparus, spécialisés cette fois dans l'outplacement, c'est à dire l'accompagnement des plans sociaux et l'aide à la réinsertion professionnelle des salariés licenciés.
En dehors de cette pénurie d'offres d'emplois, les candidats sont devenus très frileux dans ces périodes de récession économique ; beaucoup n'osaient plus quitter une entreprise où ils avaient acquis une ancienneté, une stabilité, pour tenter l'aventure dans des entreprises qui n'apportaient pas la garantie de leur pérennité et de leur réussite ! La mobilité professionnelle s'est retrouvée en panne.
L'essor de la communauté européenne a aussi introduit des variables importantes en matière de recrutement. Ainsi, l'espace Schengen, qui comprend actuellement 26 États membres, offre une liberté de circulation des travailleurs et permet à toute personne d'accéder à un emploi offert ou proposé sur le territoire de l'Union européenne. Les salaires pratiqués, les équivalences de diplômes, les facilités de transport, les contextes économiques très variés de ces 26 pays ont ouvert la voie vers un sourcing européen encore embryonnaire.
Des coûts de main d’œuvre très différents, des niveaux de formation de plus en plus comparables permettent de recruter facilement chez nos voisins européens, mais encouragent aussi nos forces vives à s'exporter et mettre en concurrence les offres qui leur sont faites en France !
La mobilité du travail: une opportunité pour beaucoup d'Européens - ec.europa.eu
Une autre variable : la démographie
La démographie modèle le marché du travail. Quelques exemples :
Au vingtième siècle, deux guerres mondiales ont énormément favorisé l'insertion professionnelle des femmes. Les hommes de 18 à 40 ans sont partis à la guerre, malheureusement beaucoup ne sont pas revenus. Les usines ont réclamé des bras pendant et après la guerre pour reconstruire et faire fonctionner l'économie. Les femmes ont changé de rôle, développé leur autonomie, prouvé leurs capacités et obtenu des droits dès la fin de la seconde guerre mondiale. Peu à peu, les écoles, les entreprises, de nombreux métiers leur ont ouvert leurs portes et ne seraient plus prêts de les refermer !
Évolution du travail des femmes- archivesdepartementales.puydedome.fr
Les baby-boomers, ces bébés nés peu de temps après la Seconde Guerre mondiale, ont profité de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans (votée en 1959) et sont entrés sur le marché du travail avec un niveau d'étude bien supérieur à la moyenne des travailleurs. Ils ont profité des "30 Glorieuses", ces décennies de plein emploi de 1945 à 1975. Le taux de chômage des 15-24 ans ne dépassait pas les 10% avant 1979.
Le sociologue français Louis Chauvel, dans Le Destin des générations (éd. PUF, 1998), explique : “Il est préférable d’avoir 20 ans en 1968, lorsque le taux de chômage dans les deux ans de la sortie des études est de 4%, qu’en 1984, 1994 ou 2009, où ce taux culmine à 33%”. L'ascenseur social est tombé en panne juste après cette génération. Les bébés nés à partir des années 60, malgré des niveaux de diplômes supérieurs, vont connaître la récession économique et des licenciements à tout âge qui vont générer un changement de mentalités important.
Un taux de natalité élevé s'est maintenu en France jusqu'à la fin des années 60. Les départs en retraite sont donc très importants actuellement et jusqu'en 2020 environ. Selon l'INSEE, un tiers des personnes en emploi en 2005 aura définitivement quitté le marché du travail en 2020. Les hypothèses prévoient donc une baisse du chômage dans les prochaines années, due au nécessaire remplacement de tous ces nouveaux retraités.
Le taux de natalité est donc déterminant. Dans l'Union Européenne, la France est championne depuis plusieurs années en dépassant le taux de fécondité de 2 naissances par femme. Avec un taux de fécondité de 1.47, l'Allemagne, dynamique économiquement, rencontre des difficultés de renouvellement de sa population active. Dans certains pays, la difficulté pour les femmes de s'absenter de leur travail lors d'une maternité, l'absence d'infrastructures, d'aides financières ou de dispositif adapté de congés, a influé sur le nombre de naissance. Or moins de naissance signifie 20 ans plus tard, moins de main d’œuvre entrant sur le marché du travail."

L'évolution des mentalités
On constate un changement profond d'attitude parmi les jeunes générations. Les moins de 40 ans ont vu leurs parents se débattre dans plusieurs crises économiques, souvent perdre leur travail malgré leur investissement et leur confiance dans un employeur à qui ils avaient "juré fidélité" comme leurs parents l'avaient fait.
Cet ascenseur social tombé en panne ne permet plus de croire qu'un dévouement, une implication sans faille dans un travail au sein d'une entreprise sera symbole de réussite sociale et financière assurée !
Par ailleurs, le souci de "performance à tout prix" des entreprises a enclenché un phénomène de non remplacement des départs, c'est à dire faire plus avec des équipes moins nombreuses .
En RH, l'apparition de la notion d'ETP (équivalent temps plein) est symbole de la "financiarisation" des RH dans les années 90. On a vu apparaître l'explosion des emails, de la réunionnite, du travail à distance, de la connexion permanente à son travail via le digital.
Le burn-out augmente, on arrive aujourd'hui à un enjeu de santé publique qui a amené le gouvernement à légiférer. Cette dégradation de la qualité de vie au travail ne donne pas envie à de nombreux jeunes d'intégrer les grandes entreprises, qui doivent donc se remettre en cause.
L'explosion des startups est l'une des conséquences ; face à des entreprises frileuses ou hyper-compétitives, souvent trop directives, ces "digital-natives" préfèrent créer leur entreprise, surfer sur le web, inventer des concepts que leurs ainés ne maîtrisent pas aussi bien qu'eux et devenir CEO, Directeur-rice… parce qu'ils le valent bien !
Pour obtenir le fameux CDI, la majorité des jeunes doivent passer par le stage, l'alternance, le CDD, la micro-entreprise de plus en plus souvent. Les contrats se sont multipliés de pair avec la précarité du travail et un recul de l'engagement de l'employeur dans la durée de la collaboration.
On voit même aujourd'hui des supers diplômés quitter l'entreprise pour se réorienter vers des métiers manuels, bref changer de vie, devenir boucher, apiculteur, ébéniste, plombier, etc.
En résumé
Nous l'avons vu, le sourcing peut varier énormément d'une époque à l'autre.
Une crise financière peut bloquer le système en quelques semaines ; une nouvelle Loi Européenne peut le modifier en profondeur. L'arrivée permanente de jeunes sur le marché amène un renouvellement permanent des approches et des aspirations à travailler autrement.
Le marché du travail s'intègre à un système complexe où tout interagit sur tout.
Le sourcing est l'un des premiers métiers à subir les conséquences des changements de sociétés .