Qu'est-ce un signal ?
Le signal de surpression acoustique (par rapport à la pression atmosphérique) correspond à une grandeur ondulatoire. Quand une source diffuse du son, le signal est un champ de pression défini en tout point et à chaque instant p(x,y,z,t). Bien que l'aspect spatio-temporel d'un signal soit riche d'applications, on s'intéressera, dans ce cours introductif, aux signaux dont les variations sont uniquement temporelles.
Dans une chaîne complète de traitement, le caractère spatial ou temporel d'un signal n'est pas absolu. On peut passer de l'un à l'autre, par exemple à fin d'enregistrement, comme dans l'exemple qui suit. Un signal natif temporel y est codé spatialement. Le signal acoustique p(t) qui tombe sur un microphone peut être enregistré sous forme d'un microsillon gravé dans une matière ductile (cire, vinyle, etc.).
Le microsillon est un signal à variation spatiale et c'est la hauteur du sillon qui en est la grandeur physique. À la restitution, la variation spatiale est restituée en variation temporelle, par la rotation du disque à vitesse angulaire constante par la relation θ=ωt.
Analogique versus digital
Un signal analogique correspond à une grandeur physique définie à chaque instant. Comme le temps s'écoule continûment (au moins à notre échelle), le modèle mathématique d'un signal analogique correspond à une fonction du temps. Comme les grandeurs physiques ne peuvent généralement passer instantanément d'une valeur à une autre, arbitrairement différente à cause de l'inertie, un signal analogique est généralement modélisé mathématiquement par une fonction continue du temps.
Si on trace p(t) de manière classique (t en abscisse et p en ordonnée), le signal est caractérisé par une double continuité sur chacun des axes. Les quatre vidéos qui suivent illustrent cette notion de signal temporel.
Le microphone comme transducteur mécano-électrique (Source : INSA) :
Visualisation du signal issu du microphone à l’oscilloscope numérique (Source : INSA) :
Visualisation du signal issu d’un disque vinyle à l’oscilloscope analogique (Source : INSA) :
Visualisation du signal issu d’un disque vinyle à l’oscilloscope numérique (Source : INSA) :
Le passage du signal analogique vers le signal numérique passe par la discrétisation de l'un, puis des deux axes du signal p(t). La discrétisation consiste à renoncer à la variation continue pour des variations par saut de valeurs. Elle est nécessaire, et liée à l'incapacité des systèmes de traitement électroniques (les processeurs) à traiter un nombre infini de valeurs.
L'échantillonnage consiste à renoncer à la continuité de l'axe des temps. Des échantillons sont régulièrement prélevés à des instants discrets. La période d'échantillonnage est le temps écoulé entre deux échantillons successifs. Les deux photos qui suivent montrent deux fréquences d'échantillonnage. La première est plus faible que la deuxième.


Des échantillons du signal sont prélevés à intervalles de temps réguliers sur un signal analogique visualisé ici sur un oscilloscope analogique. Sur la figure du bas, la fréquence d’échantillonnage est doublée par rapport à la figure du haut.
La quantification consiste à renoncer à la continuité sur l'axe des ordonnées. La résolution est la plus petite variation de la grandeur physique qui définit le signal ; dans notre exemple, la surpression acoustique.
Un signal numérique désigne généralement un signal qui a subi les deux discrétisations sur les deux axes. Si on ne veut évoquer que la discrétisation sur l'axe des temps et conserver la continuité sur l'axe des ordonnées, on parle alors de signal échantillonné.
Capteurs/transducteurs
Les signaux les plus « plastiques » — en ce sens qu'ils donnent lieu à une multiplicité de traitements relativement aisés — sont les signaux électriques. Peu de signaux sont électriques natifs. Il convient donc de les convertir en signal électrique, tension ou courant. C'est le rôle du capteur appelé aussi transducteur, plus rarement senseur (de l'anglais sensor).
On comprend à présent pourquoi on parle de signal analogique qui, par abus de langage, désigne aujourd'hui les signaux continus à variations temporelles (ou spatiales) continues. Les deux capteurs suivants sont très classiques dans la chaîne de traitement du signal acoustique.
Le microphone est un capteur très répandu. L'adjectif électrostatique est relatif à son principe de fonctionnement. La surpression acoustique fait vibrer une armature d'un condensateur, et cette vibration est convertie en tension électrique analogique, qu'on peut visualiser à l'oscilloscope.
Le diamant suit le profil du microsillon au gré de la rotation du disque. Le signal acoustique est codé spatialement sur le disque par les variations de hauteur du profil.
Échantillonnage
Pour assurer la numérisation au sens de la double discrétisation (cf. supra), il faut échantillonner le signal puis effectuer une conversion analogique numérique. Concrètement, l'échantillonnage consiste à « figer » la valeur analogique d'un signal à un instant précis.
On peut réaliser cette opération sur le plan de son principe en chargeant un condensateur par fermeture de l'interrupteur qui le connecte au signal pendant un temps bref. Si la résistance série du condensateur est faible, la charge est rapide (mais pas instantanée). Lorsqu'on ouvre l'interrupteur, la tension à ses bornes représente la valeur analogique échantillonnée du signal.
Une fois échantillonnée, la tension analogique doit être numérisée par un convertisseur analogique numérique et pour ce faire, la tension échantillonnée doit rester constante pendant toute la durée de conversion. C'est le rôle de l’échantillonneur/bloqueur illustré dans la figure ci-dessous à titre purement indicatif.

Convertisseur analogique numérique
Le convertisseur analogique numérique (CAN) (ADC pour Analog to Digital Converter) est un composant électronique hybride, en ce sens qu’il interface le mode analogique et le mode numérique. Sa constitution interne est largement au-delà de l’ambition de cet enseignement.
Nous nous contenterons d’en décrire le principe général du point de vue de ses entrées/sorties, et nous listerons ses principales caractéristiques qui permettent de guider le choix du concepteur quand il s’agit de déterminer une référence particulière dans un problème de conception. Du point de vue des entrées/sorties, il est conforme à la figure ci-dessous :

Le composant a pour entrée la tension analogique à convertir, notée Vin, et détermine en sortie un mot codé sur n bits, équivalent numérique de l’entrée selon l’équation :
est appelé pas de quantification donné par
où et sont deux tensions connectées sur les deux broches du même nom du composant CAN.
À titre d’exemple, pour n=10 (convertisseur 10 bits), et alors
Dans ce cas, quand , alors et quand alors
est une erreur systémique appelée erreur de quantification, qui n’est pas liée aux imperfections de la technologie mais au principe même de la conversion, qui fait correspondre un nombre entier entre 0 et à une infinité de valeurs possibles en entrée, puisque varie continûment au sens des nombres réels sur la plage à .
Pour compléter le panorama sur les principales caractéristiques des CAN, il faut encore citer sa rapidité donnée par le temps de conversion. Ce temps de conversion doit être compatible avec la fréquence d’échantillonnage visée. En audio, on échantillonne couramment à 48 kilo-échantillons par seconde. Si nous arrondissons à 50 kilo-échantillons par seconde pour l’ordre de grandeur, ça signifie qu’il faut faire 50 000 conversions par seconde ; autrement dit, il faut que le temps de conversion soit inférieur à 20 microsecondes.
En résumé
Nous savons à présent comment acquérir un signal, qu'il soit numérique natif ou analogique, pour en faire des listes organisées de nombres. La puissance de traitement des systèmes numériques est basée sur la manipulation de ces listes organisées par l'intermédiaire d'algorithmes. Dans le chapitre suivant, nous allons esquisser une brève histoire du calcul basé sur les nombres exprimés dans le système décimal.