Dans cette nouvelle partie, nous nous intéresserons à deux protocoles : EIGRP qui est un protocole de routage à vecteur distance et OSPF qui est un protocole de routage à état de lien. Si nous étudions ces deux protocoles, c’est que l’un est un protocole développé par CISCO et que l’autre est issu d’une RFC de l’IETF. Je vous propose donc de les découvrir avant de les mettre en pratique lors des deux prochaines parties.
EIGRP : un protocole développé par CISCO
EIGRP pour Enhanced Interior Gateway Routing Protocol est un protocole développé par CISCO. En 2013, il s’est ouvert à la communauté Internet et est même décrit dans une RFC de l’IETF. Cependant, il reste sous le contrôle de CISCO, qui est le seul à pouvoir le modifier. Les autres constructeurs sont seulement autorisés à l’utiliser.
Découvrez les caractéristiques d’EIGRP
EIGRP résout un des problèmes majeurs des protocoles de routage à vecteur de distance, celui des boucles (comme pour les switchs). S’il peut le faire, c’est qu’il a connaissance du réseau et non pas seulement de ses voisins directs (comme un protocole à état de lien).
La convergence des informations est relativement rapide comparé à d’autres protocoles de la même famille (RIP, Routing Information Protocol).
Il utilise la métrique, en prenant en compte la bande passante et le délai, et non pas les sauts (d’où le nom d’hybride).
Il possède, en plus d’une route vers le plus court chemin, une seconde route de secours. Ce qui est très efficace lors de panne. Notez qu’il est le seul à avoir cette route de secours.
Il peut faire du load-balancing sur des bandes passantes égales ou inégales (que deux câbles n’est pas la même capacité), ce qu’il est le seul à faire.
Il a une distance administrative de 90.
Heu... c’est quoi une distance administrative ?
Distance administrative
Il arrive que sur un réseau, plusieurs protocoles se partagent la tâche d’alimenter les tables de routage des routeurs. Dans le cas où un routeur aurait deux chemins de deux protocoles différents pour aller vers un réseau, on utilise les distances administratives pour les départager. La distance administrative définit la fiabilité d’un protocole. Le protocole le plus fiable (donc, avec la distance administrative la plus petite) gagne.
Comment fonctionne EIGRP ?
EIGRP commence par établir son voisinage en leur envoyant des messages « Hello ». S’il reçoit à son tour des messages « Hello », il enregistre les données de ses voisins. Il stocke son voisinage dans ce que l’on appelle une table de voisinage. Vous pouvez la consulter avec la commande :
show ip eigrp neighbors
.Le routeur envoie ensuite ses données au reste du système autonome. Un système autonome, c’est un réseau interne (IGP donc), connecté à Internet et qui a un fonctionnement (un protocole) cohérent. Il s’agit d’un réseau d’entreprise ou de celui d’un fournisseur d’accès.
À la réception de ces données, chaque routeur a connaissance du réseau :
show ip eigrp topology
Grâce à l’algorithme DUAL, les routeurs sont en mesure de choisir la meilleure route vers un réseau donné. Vous pouvez voir ses informations en tapant la commande :
show ip route
.
Voilà une vue d’ensemble de ce protocole très puissant et assez simple à configurer qu’est EIGRP. Nous verrons comment le mettre en pratique dans le prochain chapitre. Passons maintenant à un de ces concurrents, de la famille de protocoles à état de lien, OSPF.
Découvrez un protocole standard de l’IETF : OSPF
OSPF pour Open Shortest Path First est aussi un protocole de routage interne, comme EIGRP. C’est donc un de ses concurrents. À la différence d’EIGRP, il a été conçu par l’IETF en 1987. OSPF est actuellement en version 2, spécifiée par la RFC 2328 qui date de 1997.
OSPF est un protocole à état de lien, contrairement à EIGRP qui est hybride.
Découvrons ses caractéristiques
Découvrez les caractéristiques d’OSPF
Avec OSPF, chaque routeur connaît son voisinage, mais aussi la totalité des routeurs présents dans son réseau (ou système autonome).
OSPF choisit la meilleure route possible vers un réseau grâce à l’algorithme de Dijkstra. Il utilise comme métrique la bande passante, mais il est possible de modifier manuellement cette métrique pour influencer l’algorithme.
OSPF est capable de faire du load-balancing seulement si les liens ont la même bande passante.
Les messages « Hello » sont envoyés toutes les 10 secondes, si un routeur ne reçoit pas 4 messages d’affilés, il considère que le chemin est tombé et change directement sa topologie. Conséquence : la convergence est très rapide.
La transmission des paquets de mise à jour peut-être très lourde lorsque le nombre de routeurs est conséquent. OSPF désigne donc un routeur, appelé routeur désigné, vers qui tous les paquets de mise à jour convergent avant de les redistribuer. Cela permet de limiter l’utilisation de la bande passante. Il est possible de choisir un routeur désigné de secours, en cas de panne.
Une autre façon de limiter l’utilisation de la bande passante est de diviser le réseau en aires. Chaque aire se comporte normalement. Une connexion est faite entre deux routeurs de deux aires différentes, ce qui permet à une aire de réduire sa table de routage. Par exemple, en divisant 20 routeurs en deux aires de 10, un routeur n’aurait que 9 routeurs à gérer plus 1 aire, ce qui ne fait que 10 entrées au lieu de 19. Par conséquent, la base de données est plus légère, la convergence plus rapide et la bande passante moins utilisée.
Sa distance administrative est de 110.
Comment fonctionne OSPF ?
Chaque routeur envoie un message « Hello » à ses voisins. S’il reçoit à son tour un message « Hello », il ajoute ce routeur dans sa table de voisinage. Vous pouvez voir la liste en tapant la commande :
show ip ospf neighbor
.Il envoie ensuite cette table à tous les membres de son réseau, ou de son aire. Cette information se décompose en 4 messages appelés LSA (Link-state advertisements) :
Un routeur R1 envoie sa base de données (les routeurs qu’il connaît et leurs réseaux) dans un message appelé DBD (pour Database Description).
Le routeur récepteur R2, s’il reçoit une information d’un routeur qu’il ne connaît pas, envoie un message LSR (pour Link State Request) afin d’en savoir plus sur ce routeur.
R1 renvoie alors un message avec des informations détaillées du routeur inconnu de R2 dans un message LSU (pour Link State Update).
R2 confirme avoir bien reçu le message en envoyant à R1 un message d'acquittement LSAck (pour Link State Acquittement).
Chaque routeur peut ainsi, grâce à l’algorithme de Dijkstra, créer une route vers un réseau.
Vous mettrez tout cela en pratique avec Cisco Packet Tracer lors d’un prochain chapitre.
Maintenant que vous en savez plus sur ce protocole, regardons les différences entre OSPF et EIGRP afin que vous puissiez faire un choix entre les deux.
Faites un choix
Nous allons répertorier, dans un tableau, les différences entre OSPF et EIGRP. Cela vous permettra de faire un choix le moment venu. Le but de ce chapitre n’est pas de vous montrer qu’un protocole est meilleur que l’autre, mais bien de vous montrer leurs différences afin que vous choisissiez le bon au moment venu.
OSPF | EIGRP |
C’est un standard de l’IETF, il est donc présent sur la totalité des routeurs que vous rencontrerez. | C’est devenu un standard depuis quelques années, mais il n’est pas encore présent sur tous les routeurs du marché. |
Distance administrative 110. | Distance administrative 90. |
À état de lien | Hybride |
Load-balancing sur câble de même bande passante. | Load-balancing sur câble de bande passante différente. |
Il ne possède pas de route secondaire. | Il possède une route secondaire. |
Il peut diviser le réseau en aire pour limiter l’utilisation de la bande passante. | Notion de système autonome |
Il sélectionne un routeur désigné. | Il envoie les messages à tous les routeurs. |
Métrique par le coût (la bande passante). | Métrique par la bande passante et le délai (plus d’autres facteurs en option). |
Aucune notion de saut. | Pas plus de 224 sauts. |
Algorithme de Dijkstra | Algorithme DUAL |
Un peu long à configurer au départ (c’est un avis personnel) | Assez facile à configurer. |
Ce tableau ne reprend donc que leurs différences afin de vous aider dans votre choix.
Vous connaissez maintenant les deux protocoles que sont EIGRP et OSPF. Ils vous suffiront amplement dans votre vie d’administrateur systèmes et réseaux en ce qui concerne les IGP. Vous découvrirez dans les deux prochains chapitres leurs mises en pratique sous Cisco Packet Tracer.
En résumé
EIGRP et OSPF sont deux protocoles IGP.
EIGRP est un standard récent de l’IETF et n’est donc pas totalement déployé ; et c’est un protocole hybride, il exploite les qualités des deux familles de protocole IGP ;
La commande
show ip eigrp neighbors
permet de voir son voisinage ;La commande
show ip eigrp topology
permet de voir toutes les routes du réseau ;La commande
show ip route
permet de voir les meilleures routes ;EIGRP est le seul à faire du load-balancing sur des bandes passantes différentes et à avoir une route secondaire.
OSPF est un standard de l’IETF très utilisé dans le monde du réseau. C’est un protocole de la famille des protocoles à état de lien ;
La commande
show ip ospf neighbor
permet de voir le voisinage ;La commande
show ip ospf topology
permet de voir toutes les routes du réseau ;La commande
show ip route
permet de voir les meilleures routes ;Il permet de séparer le réseau en aire et de limiter l’utilisation de la bande passante ;
Il sélectionne un routeur désigné ce qui permet de limiter l’utilisation de la bande passante.