Lors d'une conférence, le public présent sur place est plutôt large ; la moyenne tournant autour de 200 personnes. Parmi les contextes et configurations possibles, c'est souvent l'exercice le plus stressant de tous dans le domaine de la prise de parole en public.
👩🏻 (Laurène) : J'ai eu l'opportunité de faire une conférence TEDx il y a quelques années, et je crois bien que c'est, à ce jour, le plus gros stress de ma vie.
Il est dû à plusieurs choses :
Le public est nombreux : tout le monde nous regarde.
La scène marque une séparation entre soi et le public : on est tout seul.
C'est du direct et c'est souvent filmé : il faut respecter le temps imparti et ne pas dire de "bêtises".
On a en général appris son texte par cœur : il ne faut pas oublier son texte.
Bref, on se dit que l'on n'a pas le droit à l'erreur… et c'est ça qui met une pression énorme.
👩🏻 (Laurène) : Je me souviens que j'avais peur d'une quantité de choses annexes à ma prestation en elle-même : peur de tomber en montant sur la scène, peur de m'empêtrer dans le fil du micro, peur d'avoir la voix qui déraille, d'avoir besoin de boire, de tousser et de ne plus réussir à m'arrêter…
Il s'agit en réalité de la peur du regard et du jugement des autres.
Pour combattre ce stress, il est bénéfique de comprendre déjà dans un premier temps que l'absence totale de stress n'est pas non plus une bonne chose. Stresser avant une conférence est parfaitement normal. Si vous ne stressez pas, ne serait-ce qu'un peu, posez-vous des questions.
Mettez-vous en condition
Ne cherchez pas à évacuer votre stress, c'est impossible ; en revanche, vous pouvez jouer avec afin qu'il vous porte et non qu'il vous paralyse.
Recyclez l'énergie dans votre corps
Vous ne supprimerez jamais les battements de cœur avant de monter sur scène… Alors acceptez-les avec amour : dites-vous qu'ils font partie du jeu, que votre cœur bat parce que vous allez dire quelque chose d'important (ou de grand, de beau, de profond…).
Transformez vos symptômes physiques de nervosité en énergie positive, en excitation !
Pour vous aider à comprendre comment faire, nous vous encourageons vivement à regarder la conférence d'Amy Cuddy ci-dessous (et de la regarder à nouveau, chaque fois que vous vous préparez à faire face à une situation stressante) :
En résumé : avant votre prestation, ne restez pas prostré dans un coin à attendre votre tour. Si possible, essayez de vous isoler quelques minutes avant votre passage dans une pièce. Et levez les bras vers le ciel en position de gagnant ; ce qu'Amy appelle les "winning poses".
Ce type de pose va faire baisser votre niveau de cortisol (l'hormone du stress), et faire augmenter votre confiance en vous. C'est scientifique. 😉
Si vous avez un peu plus de temps, 15-20 minutes, vous pouvez faire d'autres exercices qui auront le bénéfice de renforcer l'efficacité des "winning poses" :
Toujours isolé, faites le tour de la pièce en marchant rapidement et avec dynamisme, cela aura pour effet de faire circuler l'énergie dans votre corps et de vous réveiller, cela améliorera votre concentration au moment fatidique.
Appuyez sur un mur vos deux mains, écartées et à hauteur de tête, une jambe vers l'arrière tendue, et l'autre plus près dur mur, genou un peu fléchi. Poussez sur le mur comme si vous vouliez le déplacer. Cela libèrera les tensions accumulées dans votre corps pour les porter sur un objet externe, hors de vous. Poussez avec force, tout en soufflant par la bouche. Répétez 4-5 fois.
Et gardez les "winning poses" pour la fin : levez les bras en V de la victoire juste avant votre passage sur scène (quand vous êtes seul, pas devant les autres, sinon c'est bizarre ; dans les toilettes, par exemple), en pensant au bien que vous voulez faire et en vous répétant que ça va être une super expérience, que vous serez fier de vous une fois que ce sera passé.
Enfin, en marchant vers la scène pour aller vous placer, répétez-vous mentalement votre première phrase, votre phrase d'accroche, cela vous rassurera car à ce moment-là on peut avoir l'impression que l'on a tout oublié, que l'on ne sait plus notre texte.
Se répéter la première phrase, c'est une obsession facile à satisfaire et à calmer. Une fois que vous aurez prononcé à voix haute votre première phrase, les symptômes du stress auront déjà un peu diminué et vous pourrez enchaîner sur la suite de votre discours.
Faites des exercices d'élocution
Un autre symptôme du stress très commun, qui peut entraver l'élocution, c'est la langue "pâteuse". 😝
Le syndrome de la langue "pâteuse" est gênant :
pour soi-même : on s'en aperçoit, cela est inhabituel et cela nous déconcentre, ce qui augmente notre stress ;
pour le public, qui lorsqu'il entend des bruits de bouche perçoit notre stress et l'absorbe. Au lieu d'enchanter le public, on le met mal à l'aise. 😟
Dans le même registre, le stress peut altérer notre capacité à bien articuler. Pour remédier à cela, faites un exercice simple quelques minutes avant votre passage :
Placez votre langue entre vos dents du haut et du bas.
Serrez les dents jusqu'à la tenir fermement (sans vous faire mal, évidemment).
Prononcez à voix haute les premières phrases de votre discours tout en gardant la langue entre les dents.
Veillez à rester le plus intelligible possible : si quelqu'un était en face de vous, il devrait être en mesure de comprendre ce que vous dites. Cette configuration (qui vous semblera un peu grotesque et ridicule) vous forcera à bien articuler afin de vous faire comprendre.
Relâchez, et parlez à présent normalement (sans la langue entre les dents) : votre élocution est beaucoup plus fluide et claire.
Si vous faites cet exercice juste avant de passer sur scène, vous vous apercevrez avec plaisir que vous parlez sans accroc et sans friction.
Occupez l'espace
Faites de la scène votre terrain
Comment se tenir lorsque l'on parle à une conférence ?
Dans la très grande majorité des cas, un conférencier est debout face au public. Il faut faire attention à comment se tenir, pour ne pas donner une mauvaise image au public.
Ne mettez pas les mains dans votre dos.
Ne croisez pas les bras.
Ne tenez pas vos mains sur les hanches.
Ne mettez pas les mains dans vos poches.
Ne prenez pas appui sur une seule jambe.
Ne tenez pas vos bras.
Ne baissez pas la tête, les yeux vers le sol.
À la place, préférez une posture neutre mais solide : tenez-vous droit, les jambes écartées à la largeur des hanches, la tête bien haute.
D'accord, mais que faire de ses mains, alors ?
Effectivement, on ne peut pas rester les bras ballants. Vous devez faire des gestes.
Attention, cela dit, par "gestes" on veut dire des gestes qui accompagnent votre discours.
Faut-il marcher sur la scène ?
Oui vous pouvez. Mais pas en permanence.
Marchez pendant les transitions, entre deux parties de votre discours. Et pendant ce temps de marche, ne parlez pas en même temps : cela permet de marquer la transition.
Et afin de l'aider à vous suivre, n'oubliez pas de regarder le public avec la fameuse méthode du W.
"Contrairement à ce que vous pensez peut-être, le regard de votre public va vous stabiliser."
Prendre la parole en public, Bernard Blein
Faites-vous entendre/comprendre
Souvenez-vous des chapitres précédents. Pendant votre prestation, vous devez soigner votre élocution :
le rythme de votre diction est soutenu mais pas trop rapide ;
les mots importants sont marqués, appuyés.
Et en conférence, vous avez un avantage par rapport à d'autres situations de prise de parole, car là vous connaissez en général votre texte par cœur ou presque. Lorsque l'on connaît un texte par cœur, c'est nettement plus facile de faire les mots en gras et d'avoir un débit adapté !
Après, il suffit de bien parler dans le micro. Si vous n'avez pas un micro cravate, vous tiendrez un micro dans la main. Et ce n'est pas toujours évident, car on n'en a pas l'habitude.
Par ailleurs, le stress peut poser problème si vous tremblez. De plus, cela peut être fatigant de porter le micro (c'est toujours plus lourd qu'on ne croit) surtout si votre intervention dure un peu.
Mais heureusement il y a des astuces.
Comment doit-on tenir le micro ?
"Serrez-le au creux de votre main comme vous tiendriez un marteau."
Prendre la parole en public, Bernard Blein
Ensuite, vous devez le maintenir près de la bouche :
calez le micro sur votre menton ; vous serez à la bonne distance et disposerez d'un appui.
ou alors, si vous tremblez beaucoup :
calez l'avant-bras qui tient le micro contre votre poitrine, en plaçant le micro 2 ou 3 centimètres au-dessous de votre bouche.
Si vous tenez une télécommande dans l'autre main, vous aurez les deux mains prises : vous ne pourrez donc pas tenir une feuille et c'est tant mieux ! Sinon vous allez la lire et perdre votre public, ou amplifier le tremblement de vos mains… dans les deux cas c'est mauvais.
Si cela vous rassure, aidez-vous d'un diaporama pour garder le fil de votre discours.
Faites face aux imprévus
Vous pouvez par exemple rencontrer un problème technique : le son, la lumière ou l'ordinateur qui projette votre présentation, si vous en avez une, peut tomber en rade.
C'est pour cela que dans la mesure du possible, vous essaierez d'arriver dans la salle en avance afin de faire un repérage avec l'équipe technique, avant que le public n'arrive.
La personne clé à trouver à ce moment-là est le régisseur de la salle. Cela a beaucoup d'avantages et vous permet :
de donner la clé USB de votre support de présentation à projeter, par exemple : ainsi, vous êtes sûr d'avoir la dernière version ;
de tester le vidéoprojecteur, le micro, la télécommande, etc. ;
de comprendre comment vont fonctionner les lumières sur vous, la prise de son, comment le micro s'allume et s'éteint…
Mais, même avec toute la préparation du monde, il peut y avoir des imprévus :
Que faire si j'ai un trou de mémoire ?
C'est courant d'avoir des trous de mémoire, mais ce n'est pas nécessairement grave car ils peuvent être imperceptibles : en effet, lorsque l'on a un trou de mémoire, le public ne s'en aperçoit pas forcément. Si vous parlez sereinement et faites des silences entre vos phrases, le public ne percevra pas une pause de 3 secondes comme étant un trou de mémoire.
Si donc vous avez un trou, prenez quelques secondes et prenez une inspiration le temps de retrouver votre fil. Mais sachez que même si le trou de mémoire dure plus longtemps, le public ne vous en voudra pas. 😘
Le public n'attend pas votre chute : il vous écoute et s'intéresse à priori à ce que vous dites. Il ne vous jettera pas des tomates si vous avez un trou de mémoire. Le public est comme vous : humain. Et par empathie, il va chercher à vous encourager, par des applaudissements, notamment.
Le public est bienveillant ; pour vous en convaincre et vous rassurer, regardez cette conférence TEDx d'Hippolyte Labourdette. Il va avoir 2-3 trous de mémoire, mais le public va l'applaudir ; c'est normal, son sujet est intéressant, le public veut connaître la suite. 😇
Hippolyte a sans doute stressé, mais observez bien son soulagement et sa fierté lorsqu'il a terminé.
Faites comme lui, profitez des applaudissements pour retrouver votre texte, et si vous n'y parvenez pas, retrouvez la mind map de votre discours, et rattrapez-vous à une autre branche, ce n'est pas grave si vous avez sauté une ou plusieurs phrases.
Que faire si ma voix part en vrille ?
Si votre voix déraille, ne vous en faites pas une montagne, cela arrive : éloignez le micro un instant, toussez ou éclaircissez-vous la voix, puis excusez-vous et reprenez le fil de votre discours.
Que faire si à la fin de ma conférence quelqu'un me pose une question à laquelle je ne sais pas répondre ?
Vous n'avez pas la science infuse, et vous pouvez ne pas savoir répondre à toutes les questions que l'on pourrait vous poser. Ne vous blâmez pas et surtout n'essayez pas de broder, de mentir, ou d'improviser…
Prenez le temps d'écouter et d'analyser la question, puis, si vous ne connaissez pas la réponse, soyez honnête et sincère : osez dire "je ne sais pas". Et le mieux c'est encore de dire quelque chose du genre :
Très honnêtement, vous me posez une colle et j'ai besoin de réfléchir avant de pouvoir vous donner une réponse, venez me voir à la fin, je serai ravi d'en discuter avec vous et que vous m'expliquiez votre point de vue.
Décryptez le charisme des grands conférenciers
Steve Jobs – Annonce de la sortie de l'iPhone en 2007
Steve Jobs fait partie de ces grands conférenciers, il est excellent dans l'exercice.
Grâce aux chapitres précédents, vous devriez être en mesure de détecter ce qui fait la force de cet orateur. Regardez cette conférence mythique et profitez-en pour analyser les points forts de cette conférence, et pourquoi pas, essayez de les reproduire.
Voici deux autres conférences que nous vous proposons de regarder.
La première rassurera les introvertis sur leur capacité à prendre la parole en public ; la seconde vous démontrera comment on peut faire usage du "storytelling" à des fins pédagogiques :
En résumé
Le stress est une réaction normale et inévitable. Il est préférable d’apprendre à jouer avec, en transformant les symptômes physiques de nervosité en énergie positive :
Augmentez votre confiance en vous en faisant des « winning poses ».
Faites des exercices d’élocution et hydratez-vous afin de conserver une élocution fluide et claire.
Faites de la scène ou de l’estrade votre terrain de jeu :
Tenez-vous droit, les jambes écartées à la largeur des hanches, la tête bien haute.
Faites des gestes qui accompagnent votre discours, marchez pendant les transitions et ne parlez pas en même temps.
Regardez le public avec la méthode du W.
Tenez le micro près de votre bouche en le calant sur votre menton.
Faites face aux imprévus en vous préparant, mais aussi en dédramatisant le jour J !
Et voilà, vous avez désormais les clés pour parler en conférence. Rejoignez-moi dans le chapitre suivant pour découvrir les bonnes pratiques pour faire cours devant une classe !