Après avoir découvert et appliqué un certain nombre de principes et règles qui vous ont permis d’engager davantage vos apprenants dans le but de favoriser leur apprentissage, il est temps pour vous de régler le détail de chacun des temps de formation prévus, en élaborant des fiches activité.
Comment aborder cette partie du cours ?
Cette partie du cours est construite comme un catalogue d'activités pouvant servir d'exemples de ressources disponibles pour vos formations. Elle peut alors vous apparaître assez longue. Mais il ne s'agit pas pour vous ici de connaître et maîtriser ces activités, mais plutôt d'en connaître l'existence et les axes d'analyse et de construction permettant de mettre en place telle activité.
L'objectif sur lequel vous serez évalué à la fin de cette partie est donc le suivant :
Connaître au moins une activité engageante (c'est-à-dire répondant aux principes de pédagogies actives et collaboratives) répondant à chaque type d'objectif pédagogique.
Se familiariser avec des axes d'analyse et d'engagement d'activités pédagogiques.
Comment fonctionne cette partie du cours ?
Une “fiche activité” doit vous permettre de régler l’objectif, la consigne, le rôle du formateur et des apprenants, le matériel et les ressources nécessaires. Dans la suite de ce cours, vous allez approfondir les différentes sections de cette fiche, en vous appuyant explicitement sur certains modèles pédagogiques et didactiques.
Pour présenter les différentes activités dans la suite de ce cours, chaque chapitre suivra le plan suivant :
Vous remarquez dans ce chapitre deux sections (2. Descriptif général et 4. Déroulement détaillé) qui constituent la fiche activité que vous pourrez construire pour vous.
Attachons-nous à cette section 4. Vous reconnaissez le format du plan détaillé de séance pour l’activité en conception. Vous pouvez alors remplir cette partie directement dans le plan détaillé de séance. Ou bien faites vos fiches activité de façon détaillée, et conservez uniquement les grandes lignes de l'activité dans le plan détaillé de séance. Nous en reparlerons.
Quel est l'intérêt de concevoir une « fiche activité » ?
Faire une fiche par activité vous permettra d’approfondir davantage de questionnement autour du rôle, de la posture et des tâches à réaliser par les uns et les autres. Cela vous sera particulièrement utile pour vos premières expériences de formation. Après plusieurs animations, vous n’aurez plus besoin de détailler autant les activités, car vous les aurez complètement intégrées.
Rappelez-vous, la rigueur de préparation vous offre de la souplesse et de l'adaptabilité en cours de séance. Les indications de timing vous permettent d'envisager la faisabilité de votre activité, mais en pratique ce timing sera fluctuant. Il faut juste avoir une idée réaliste du temps requis par un ensemble de tâches.
Détaillons à présent les différentes colonnes de cette fiche analytique.
Adaptez votre posture
Vous avez noté dans le déroulement détaillé la présence de la colonne Posture. Au cœur de l’activité que vous choisirez se trouvent les relations entre apprenant, formateur et savoir, représentées ci-dessous dans le triangle de Houssaye.
Adapter sa posture, et celle des apprenants, a pour objectif d’équilibrer ces relations par l’engagement, pour l’apprentissage. Et ce n’est pas si simple selon la nature de l’activité.
Les risques ? Que l’un des trois acteurs du triangle se retrouve dans une position que l’on appelle de “mort” ou de “fou”.
1️⃣ Premier cas : le processus “enseigner” est exacerbé, ce qu’on retrouve par exemple lors d’un cours magistral (modèle d’enseignement transmissif). Le formateur prend une posture d’enseignement, ou de « magicien » s’il est bon. Les apprenants restent dans une posture scolaire.
Mal préparé, ou mal animé, vous risquez de perdre vos apprenants, ce qui se manifestera par des ronflements ;), ou des discussions.
2️⃣ Deuxième cas : le processus “former” est privilégié. La méthode pédagogique employée est plutôt non directive, et vous êtes dans une forme d’accompagnement de l’ordre du conseil, ou de l’orientation à suivre, sans offrir un contenu structuré. La relation se déplace vers la séduction au détriment du savoir. L’apprenant est dans la posture de faire, au risque de mal construire ses savoirs.
3️⃣ Troisième cas : le processus “apprendre” est exacerbé. Vous avez une posture d’accompagnement, facilitateur de l’autoapprentissage des apprenants. Un apport d’étayages mal calibrés risque de laisser l’apprenant face à lui-même et à ce savoir qu’il aura bien du mal à construire.
L’idée n’est pas de privilégier tel ou tel type d’activités, mais de les alterner de façon engageante, en pensant bien à la gestion de l’équilibre de cette relation à trois. De ce point de vue, l’accent sera mis dans ce cours sur les pédagogies actives et collaboratives, dans lesquelles le groupe sera un 4e acteur stabilisant.
Vous aurez l’occasion de revenir sur les postures à adopter pour éviter ces risques, sur les exemples d’activités développés dans les prochains chapitres.
Distinguez activité productive et activité constructive
Lors d’une activité pédagogique, les apprenants se mettent en action sur une tâche que vous avez prescrite. Derrière cette tâche se cache l’activité proprement dite. Par la consigne vous engagez une production, tout en espérant une construction du savoir. La partie productive de l’activité est la transformation de l’environnement par l’apprenant, la partie constructive est la transformation de l’apprenant lui-même, l’apprentissage en cours. En montant son meuble (partie productive), l’apprenti menuisier a développé sa compétence “clouer” (partie constructive). La production vous permet d’estimer ponctuellement le développement du savoir, mais pas son niveau de maîtrise, vous y réfléchirez dans le cours sur l’évaluation.
Notez bien que selon le type d’activité, et la formulation de la consigne :
soit la partie productive est mise en avant (construisez un meuble), la partie constructive est une conséquence, on parle d’apprentissage incident ;
soit la partie constructive est mise en avant, la partie productive devenant un prétexte (construisez un cours sur l’équation de Schrödinger), on parle d’apprentissage intentionnel.
Parfois, vous souhaitez cacher une partie de l’apprentissage jusqu’au terme de l’activité, par exemple pour la faire analyser après coup par les apprenants. Il vous faudra contrôler l’implicite de la tâche que vous prescrirez à vos apprenants.
Contrôlez l’implicite de la consigne
Si vous demandez à vos apprenants de remplir le panneau collaboratif “Qu’est-ce qui est nécessaire pour optimiser la vente de votre produit d’assurance ?”, voulez-vous qu’ils lisent les réponses des autres ou non ? Qu’ils commencent à en parler entre eux ? Cela peut modifier totalement la logique de la formation, en termes de découverte de votre groupe, d’interaction, ou de créativité.
L’implicite n’est pas forcément à exclure, mais soyez conscient de ce que vous attendez au-delà de la tâche prescrite. Ne laissez pas implicites certaines obligations peu évidentes : “on ne juge pas les réponses des autres, la contradiction est bienvenue, on n’accapare pas le feutre pendant 3 minutes”...
Toute consigne étant sujette à interprétation, l’implicite va rendre à l’apprenant plus ou moins de marge dans sa mise en action. Vous pouvez avoir des surprises lorsque vous découvrirez la tâche réalisée par l’apprenant. Après cinq minutes, vous réalisez qu’un seul de vos stagiaires a écrit dix idées sur le panneaux, les autres n’ont rien écrit. Cela vous convient-il par rapport aux objectifs de production et de construction ?
Chassez l’implicite, si ce n’est pour l’éliminer, au moins pour le trouver.
Projetez-vous dans l’activité, et imaginez ce que vous ne voudriez pas qu’il se passe. Relisez votre consigne, y a-t-il un moyen simple de l’éviter ?
Formulez la consigne de façon précise. Vous pouvez vous aider du tableau de verbes liés aux différents niveaux taxonomiques de Bloom.
Pour continuer sur l’exemple précédent, la consigne “Remplir le panneau en répondant à la question” peut conduire à nombre de situations possibles : par exemple l’un des participants prend le feutre et note une à une les idées qui sortent, sans faire en sorte que chacun soit impliqué, ou aille chercher des idées au fond de lui-même plutôt que de s’inspirer des idées écrites.
Pourquoi pas ! Mais vous vouliez en fait faire émerger le plus grand nombre possible de techniques de vente en réunissant les idées de chacun, puis ensuite seulement en permettant le brainstorming. Voilà comment vous auriez pu procéder :
Affichez sur le panneau la question destinée à vos apprenants.
Donnez-leur la consigne :
Pensez à une idée dans votre tête, puis venez l’écrire à tour de rôle.
Relisez le panneau, puis écrivez toutes vos idées sur une feuille.
Tout cela en silence dans un premier temps.
Vous avez ainsi cadré la première phase de l’activité en explicitant la volonté que chacun commence par chercher seul. Vous avez laissé implicite la possibilité de faire des erreurs pour les analyser ensuite en groupe.
Ludifiez un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout
L’exemple précédent est un exemple de “ludification” d’une activité. On ne peut pas dire que ce soit spécialement “drôle”, n’est-ce pas ?
Pourquoi je souhaite vous parler des activités ludopédagogiques (les activités d’apprentissage par le jeu) ? Parce que la plupart des activités qui vont être présentées dans les chapitres suivants sont des activités de ce type. Et, soyons honnêtes, ces activités ont le vent en poupe dans la formation aujourd’hui, vous en avez certainement entendu parler.
Ludifier est effectivement un outil puissant, mais il est également risqué, notamment avec des adultes.
Pourquoi un outil puissant ? Voici quelques raisons qui devraient vous conduire à les étudier avec intérêt :
D’abord, elles réunissent plusieurs critères d’engagement :
environnement et matériel varié ;
interaction systématique ;
implication “acteur” au minimum, notamment grâce à la phase d’analyse qui suit le “jeu” proprement dit ;
motivation intrinsèque.
Il est facile d’y ajouter les deux autres dimensions de l’engagement :
les idées naissantes : les erreurs sont mieux acceptées, la créativité y est courante ;
une approche complexe : elles peuvent en effet permettre d’aborder un apprentissage ou un processus (partie constructive) complexe par une tâche (partie productive) simple.
Il est souvent plus facile d’adapter sa posture d’étayage à partir de règles précisément édictées. Votre accompagnement n’en sera que plus efficace.
Pourquoi risqué ?
À cause de l’a priori tenace que « le jeu, ce n’est pas sérieux »,
ou bien à cause de l’impression que l’objet de la formation ne s’y prête pas,
ou encore à cause du sentiment que la culture d’entreprise est incompatible avec la formation par le jeu.
Il vous faudra désamorcer ces risques en argumentant votre parti pris pédagogique, qui ne doit pas apparaître comme un pari, mais comme un acte réfléchi.
Argumentez avant l’activité. Si vous sentez des réticences, n’hésitez pas à à avancer les arguments théoriques évoqués ci-dessus.
Évitez le mot “jeu”, et préférez “activité ludopédagogique”. Une formation par le jeu n’est pas une formation “drôle”. Il n’est donc pas nécessaire que le sujet soit artificiellement attirant.
Vous trouverez sur le site http://www.thiagi.fr/ nombre d’idées de jeux-cadres développés par Sivasailam Thiagarajan, alias Thiagi, maître incontesté des stratégies interactives en formation pour adultes.