Pas de conflits sans émotion, donc pas de gestion du conflit sans gestion des émotions. Ce chapitre regorge d'astuces, n'hésitez pas à les mettre en pratique immédiatement !
Quand elle se prolonge au-delà de son cycle de vie court, qu’elle est trop récurrente, ou trop expressive, l’émotion présente alors trois risques :
elle épuise ;
elle nuit à la vie collective et à la coopération ;
elle démobilise l’usage du raisonnement et de la rationalité.
L'émotion est une astuce du corps pour mobiliser l'énergie nécessaire aux situations urgentes. Parce que l’émotion est une réaction du corps, c’est par le corps que sa régulation sera la plus efficace. Je vais vous montrer quelques techniques simples pour la réguler !
Dès lors, dans le contexte spécifique de l’entreprise et du conflit, gérer les émotions, c’est :
les reconnaître, pour vous connaître en contexte et en prendre acte ;
les réguler, pour assurer votre bien-être et favoriser la coopération dans le travail.
Écoutez et reconnaissez vos émotions
Longtemps dénigrées, les émotions commencent à être réhabilitées. Leur rôle dans l’apprentissage, la créativité, l’innovation, l’entrepreneuriat et le leadership est maintenant reconnu.
Un certain nombre d’attitudes défensives peuvent occulter vos émotions. Vous reconnaissez-vous dans l'une de ces quatre postures ?
Le déni : vous niez l’émotion, surtout si elle est violente comme la colère. En général, des signes corporels sont repérables, mais souvent habilement masqués. Le refoulement est une variante de cette négation de l’émotion. Dans ce cas, elle ne devient visible qu'à la longue avec des manifestations psycho-somatiques.
La transformation : un trouble émotionnel est bien présent mais la véritable émotion est masquée. Par exemple, vous transformez une colère en tristesse parce que la colère était mal vue quand vous étiez enfant.
La rationalisation : sous le coup d’une forte émotion, vous déconstruisez les raisons de cette émotion et perdez toute spontanéité.
Le déplacement de l'émotion : vous projetez votre émotion et l’attribuez à quelqu’un d’autre : « Je vois que tu es triste. » Ou bien vous transférez l’émotion sur un autre objet : vous êtes triste de ne pas avoir été promu et rejetez cette tristesse sur votre collègue (ou votre conjoint), provoquant une culpabilisation abusive et des malentendus.
Quel que soit votre degré d’émotivité, écouter et réguler vos émotions diminuera le risque de somatisation de l’organisme : insomnie, migraine, anxiété, manifestations cutanées, etc.
Régulez vos émotions
Découvrez le cycle énergétique de l'émotion
Il comporte 4 phases :
Tout d'abord, un détonateur met le feu aux poudres. C'est le stade du déclenchement. Ces détonateurs sont souvent récurrents et une bonne observation de vous-même peut vous permettre de les identifier : un type d'attitude, un mot, un regard, une absence de réaction vous mettent-ils hors de vous ?
Au stade de la charge, l’énergie s'accumule : ça bouillonne intérieurement.
Cette énergie est libérée dans la décharge. Chez certains d'entre nous, elle est très visible : tremblement, rougissement, fuite, ton de la voix qui monte jusqu'au cri, gestuelle éloquente, etc.
Quand l'émotion est passée, il y a une phase de détente plus ou moins complète. C'est justement quand la détente est incomplète que des retenues s’accumulent et provoquent somatisation, insomnies, etc.
L’émotion produit ainsi un cycle énergétique court et vertueux. Mais certains dysfonctionnements portent atteinte au libre jeu de l’émotion et augmentent les risques de mal-être et de conflit :
Une disproportion de la réponse émotionnelle par rapport au contexte : le détonateur répété et ancré a créé une sur-sensibilité et votre réaction est excessive. Ou bien la décharge émotionnelle est retardée par vos filtres (déni, rationalisation, déplacement) jusqu’à ce que "ça explose". C’est l’effet « goutte d’eau qui fait déborder le vase ».
Dans d’autres cas, la sur-sensibilité est quasi permanente et tout devient émotionnel. L’émotion devient un mode d’être récurrent. L'estime de soi est en berne et aggrave le phénomène, car les remises en causes et provocations vous touchent démesurément.
Une expression inappropriée de cette émotion (forme, intensité, moment, lieu) : si l’émotion doit pouvoir s’exprimer pour aller au bout de son cycle, les modalités de la décharge doivent aussi être canalisées afin de préserver les relations et la coopération. Il faut parfois savoir repousser le moment de la décharge et/ou contrôler ses manifestations.
Et peut-on diminuer le risque de débordements d'émotions ?
La réponse est oui ! Chacun peut et doit apprendre à réguler ses émotions ! C’est-à-dire laisser s’accomplir les 4 phases de l'émotion et parfois en différant la décharge. Le comportement à adopter est différent selon la phase du cycle.
1- Le déclenchement : écoutez-vous et reconnaissez vos émotions
Un détonateur s’est enclenché : parole, comportement, etc. Vous êtes troublé émotionnellement : prenez-en acte!
Si vous êtes seul, ne cherchez pas à contenir immédiatement les manifestations émotionnelles. Prenez-en conscience : quelles parties de votre corps réagissent ? Si vous avez du mal à vous concentrer, connectez-vous à vous-même en regardant votre pouce et en respirant doucement.
Si vous n’êtes pas seul, passez directement à l’étape suivante.
2- Canalisez la charge
Comment exprimez-vous habituellement votre tension émotionnelle : votre voix se durcit-elle ? Vous agitez-vous ? Fuyez-vous brusquement ? Fusillez-vous du regard ?
En contexte professionnel, l’expression de la tension doit être canalisée. Ces signes, même infimes, peuvent être reçus avec une grande violence. Vous devez donc apprendre à repérer les signes extérieurs de la charge émotionnelle afin de les canaliser et surtout d'éviter le moment d'"explosion"!
3- Reportez la décharge émotionnelle
Limitez les risques de débordement avec une hygiène de vie adaptée : équilibrez votre alimentation , comblez ou limitez les carences vitaminiques, le déficit de sommeil, évitez les excès d’excitants. Sachez aussi que le rire est un excellent dissolvant des tensions. Mais l’humour n’est pas toujours mobilisable sur commande…
Si vous ne pouvez pas vous isoler immédiatement :
Ne répondez pas / ne prenez pas la parole immédiatement (le silence est d’or).
Détournez votre regard et posez-le sur un objet. Éloignez-vous (sans brusquerie) si nécessaire.
Comptez jusqu’à 10.
Respirez doucement : 3 inspirations/expirations discrètes par le ventre.
Servez-vous et buvez lentement un verre d’eau.
Puis, vous pouvez répondre en contrôlant votre voix : basse, calme et lente.
Si vous avez tendance à être cinglant, amorcez un sourire avant de parler.
Si vous pouvez rapidement vous isoler (sinon plus tard) :
Respirez : asseyez-vous, dos bien droit, bien calé dans la chaise, jambes dans l’axe des hanches, pieds bien au sol et décroisés, mains posées sur les cuisses, prenez une inspiration profonde (respiration ventrale), décomposez lentement l’expiration en 4 temps. Au 4e, expulsez tout l’air restant. Recommencez jusqu’à effet.
Faites l’exercice de "la fontaine de lumière" suivant : assis dans la même position que précédemment, fermez les yeux. Imaginez un grand flot de lumière blanche qui rentre par vos pieds et remonte lentement par les jambes, le buste, les bras, le cou et sort par le haut de votre tête, puis coule le long de vos bras et remonte par vos pieds. Cette fontaine vous lave de vos énergies négatives.
Allez passer vos mains sous de l'eau chaude en cas d’angoisse, de tristesse, honte, surprise, jalousie, dégoût ; sous de l'eau froide en cas de colère.
Il est très important que cette émotion s'exprime tôt ou tard !
Si le contexte s’y prête et que vous vous maîtrisez, une décharge douce, immédiate, par le relais du langage, est optimale :
votre posture corporelle est ouverte,
vous exprimez factuellement votre désaccord,
vous expliquez votre besoin calmement, suivant les règles de la communication positive sans culpabiliser vos interlocuteurs.
Cela demande une certaine maturité émotionnelle et que vos interlocuteurs soient également capables d'entendre votre demande.
4- Assurez-vous d'une détente la plus complète possible plus tard
Travaillez sur les causes : identifiez les besoins frustrés en reprenant la pyramide de Maslow, en particulier si ce schéma émotionnel se répète souvent. « Faites la paix » avec ces causes si elles sont liées à votre vécu et à votre histoire personnelle. Une introspection peut vous aider à y voir plus clair.
Le travail et la volonté de gérer ses émotions donnent d’excellents résultats : entraînez-vous dès à présent !
En résumé
Gérer ses émotions, c’est, par des exercices pratiques :
les reconnaître en prenant conscience des détonateurs et des filtres éventuels (déni, transformation, rationalisation, déplacement)
contrôler leur intensité (la charge) et être capable de différer leurs manifestations nuisibles à la vie collective (la décharge)
laisser s’exercer pleinement leur cycle énergétique et leur rôle vital en veillant à la qualité de la détente.
Découvrez maintenant les autres qualités nécessaires à la résolution des conflits : rejoignez-moi au chapitre suivant pour développer votre empathie et votre assertivité !