L’empathie, c’est éthique, mais dans le cadre du conflit, c’est surtout pragmatique !
Ce qui compte, ce n’est pas d’avoir raison, c’est d’obtenir ce que vous souhaitez dans des conditions satisfaisantes pour chacun, sans quoi le répit sera de courte durée.
Pour traiter durablement un conflit, vous devez absolument comprendre les motivations et le fonctionnement des parties qui s’opposent. A contrario, cette empathie ne doit pas vous faire oublier les besoins et les intérêts en jeu : soyez assertif ! La bonne posture consiste à trouver un équilibre entre empathie et assertivité.
Commençons par l'empathie.
Développez votre perception des états émotionnels chez vos interlocuteurs
Repérez les signaux faibles
Dans vos interactions relationnelles, selon la répartition d’A. Mehrabian :
Le verbal, c’est-à-dire la signification des mots, représente 7 % de la perception du message.
Le non-verbal représente 93 % de perception consciente et inconsciente du message.
38 % du message se joue sur le son et l'intonation vocale.
55 % du message est visuel : expressions du visage et langage corporel.
La part du non-verbal est si importante que nous devrions être spontanément de grands décodeurs émotionnels, capables d'interpréter tous les signes même faibles de fébrilité, d'agressivité, d'indifférence, de fuite, etc.
Ce n'est pas ce qui se passe en général car :
tous nos interlocuteurs ne sont pas forcément démonstratifs.
nos filtres (déni, rationalisation, déplacement) créent un décalage. Souvent, le verbal (ce qui est dit) est dissocié, voire contredit le non-verbal.
Identifiez le décalage entre le verbal et le non-verbal
Quand le verbal et le non-verbal ne coïncident pas, c'est ce qu'on appelle la non-congruence. Autrement dit, un décalage.
Par exemple, « je suis très content de vous revoir » en évitant le regard et/ou en étant de dos par rapport à l'interlocuteur.
La difficulté vient du fait que le corps peut masquer les signaux non verbaux. C'est qui se produit quand une personne s'est façonnée une attitude défensive, protectrice, depuis longtemps.
Toutefois, jusqu’à un certain point seulement : l’émotion est une impulsion du corps. Des signaux sont donc toujours observables et vous pouvez apprendre à les repérer au niveau :
du corps : posture générale, mouvements des bras, mains, jambes, inclinaison de la tête ;
de la voix : aiguë/basse, rapide/lente, criée/détimbrée, hésitante ou saccadée / flot de paroles ;
de la bouche : rictus, ouverte, sourire (d’aise ou de malaise) ;
des yeux : exorbités/fermés/plissés, yeux au ciel, évitements du regard ;
de la coloration de la peau : pâleur, rougeur ;
du reste du visage : tension de la mâchoire, plissement des yeux, levé / froncement des sourcils ;
de la respiration : coupée ou saccadée/haletante, soupirs.
Écoutez les sous-entendus du verbal
Le verbal, en atténuant le ressenti ou en le masquant, livre tout de même des informations. Certains indices peuvent être repérés :
Des déclarations utilisant des adverbes à contresens de la phrase, par exemple : « En tout cas, la direction a apprécié le compte-rendu d’audit. »
Un simple « je ne comprends pas » qui peut signifier « je ne suis pas d'accord. »
Certaines phrases faussement objectives. Elles commencent parfois par « moi, je », ce qui est une piste, mais pas toujours. Par exemple, « moi je suis toujours très ponctuel » peut signifier :
Je n'ai jamais été en retard.
J'aime la ponctualité.
Tout le monde ici n’est pas toujours très ponctuel.
Être en retard est irrespectueux.
Cette ponctualité est un véritable effort, car j’habite à plus d’une heure de route.
Je suis d’une grande rigueur.
Je suis digne de confiance.
Suivant le contexte, la phrase peut masquer une attitude défensive ou un besoin de reconnaissance avec des émotions du type peur, colère, tristesse, dégoût ou bien énoncer une identité.
Cernez le profil émotionnel de votre interlocuteur (et le vôtre !)
Nous allons nous baser sur la définition des 8 archétypes émotionnels de G. Berger.
Ces 8 archétypes émotionnels distinguent :
Le rapport à l’action :
4 sont « actifs », c’est-à-dire produisant une énergie qui permet un passage à l’acte facile, non reporté et stimulant.
4 sont « non actifs » : pour ces personnes, l’action est souvent un effort, reporté ou bien accompli par devoir davantage que par plaisir.
Le degré d’émotivité :
la personne est peu émotive, d’humeur égale, garde son sang-froid et ressent les situations modérément.
l’émotif sursaute souvent, est troublé et s’enthousiasme facilement, n’est jamais indifférent, manifeste un grand potentiel sensible. Son ressenti est vif, et suivant le niveau actif/non actif, extériorisé ou intériorisé.
Le circuit émotionnel :
est « primaire » si le temps de réaction à partir du stimulus (le détonateur) est rapide (moins d'une minute) : la réaction est spontanée, sans filtres, très rapidement consciente d’elle-même.
est « secondaire » si ce temps est plus long, parce que la réaction est plus inhibée, ressassée, calculée. Elle met du temps à parvenir à la conscience (de plusieurs minutes à plusieurs jours).
D'où les 8 profils suivants.
Rapport à l'action | Degré d'émotivité | Circuit primaire | Circuit secondaire |
Actif | Émotif | Colérique | Passionné |
Actif | Peu émotif | Sanguin | Flegmatique |
Non actif | Émotif | Sentimental | Nerveux |
Non actif | Peu émotif | Amorphe | Apathique |
Tenez compte des différences de systèmes de valeur
Vos interlocuteurs raisonnent en fonction de leurs modèles mentaux, c'est-à-dire de leurs principes d’action et de leurs systèmes de valeurs. Il est donc plus prudent de ne pas projeter d’emblée les vôtres : il y a des chances pour que ça ne coïncide pas exactement, voire pas du tout !
Les valeurs impliquent des droits et des devoirs
Même quand des valeurs communes sont largement partagées, leur importance relative varie d’un individu à l'autre. Repérez dans la liste non exhaustive de valeurs ci-dessous, les 3 plus importantes pour vous, dans leur ordre de priorité. Ensuite, stimulez votre curiosité et envisagez ces autres modèles sans jugement avec une vraie volonté de comprendre.
Valeurs | Mes droits (exemples) | Mes devoirs (exemples) |
Liberté | "J'aime raconter des histoires drôles et je pense qu'on peut plaisanter de tout" | "Chacun fait ce qu'il veut de sa vie, je ne juge pas" |
Justice | "Les emplois précaires sont injustes" | "J'attribue la vente à mon collègue qui s'est longuement occupé de cette cliente alors que c'est moi qui encaisse" |
Égalité | "Le salaire des femmes et des hommes doit être égal à compétences et missions égales" | "J'accepte de changer de créneau de vacances d'été chaque année" |
Respect | "C'est important que mes collègues respectent mon identité culturelle" | "Je n'évoque pas la vie privée de mes collègues devant des tiers" |
Solidarité | "Il est normal que je puisse compter sur l'aide de mes collègues en cas de besoin" | "Mes collègues peuvent compter sur moi en cas de besoin" |
Autonomie | "Je n'ai pas à faire des heures supplémentaires pour compenser les erreurs répétées du siège" | "Je suis indépendant et ne suis à charge de personne" |
Civilité | "J'apprécie que mes collègues prennent le temps de me saluer le matin" | "Même quand je suis débordé, je prends toujours un temps minimum pour répondre à mes collègues" |
Imaginez maintenant le risque d'incompréhension entre une personne qui placerait la valeur de liberté en première place alors que son collègue privilégierait le respect. L’un fera un jour ou l’autre une blague sur la religion, tandis que l’autre s’en plaindra. Si l'un place en second la solidarité et l'autre l'autonomie, l’un partira quoi qu’il arrive à 18 h 30, tandis que l'autre fera des heures supplémentaires dans les périodes où les délais sont difficiles à tenir.
Morale des principes vs morale des conséquences
Une autre source de différence et d'incompréhension, même quand les valeurs sont communes, certaines personnes raisonnent en termes de principes et d'autres en termes de conséquences. Refaites l'exercice précédent. Êtes-vous plutôt "principes" ou "conséquences" et pour quelles valeurs ?
Valeurs | Morale des principes | Morale des conséquences |
Performance | "En entreprise, c'est la performance qui compte. Je comprends que l'on sacrifie certaines de mes exigences pour le bien collectif ou la réussite des objectifs" | "La performance collective est la raison d'être d'une organisation/société, mais elle ne doit pas se faire au détriment du bien -être d'un individu. Donc, il faut trouver un compromis et accepter une productivité moins forte." |
Vérité | "Je ne mens pas, quelles qu'en soient les conséquences. Je peux accepter toute vérité, même désagréable" | "Je n'aime pas mentir et j'évite de le faire. Mais si la vérité doit avoir des conséquences graves pour un collègue, je préfère me taire." |
Soyez assertif
Concept forgé par A. Salter, l’assertivité, de l’anglais to assert, « affirmer », est l’affirmation simple, directe et non agressive de soi. C’est un savoir-être et un savoir-faire. Elle implique une réciprocité : la possibilité d’assertivité pour l’interlocuteur.
Être assertif, c’est s’affirmer avec fermeté tout en comprenant l’autre. Pour cela, vous devez bien vous connaître :
vos besoins et vos limites (résistance à la frustration des besoins) ;
votre profil émotionnel ;
vos filtres ;
vos détonateurs ;
votre système de valeurs.
L’assertivité a besoin d’une estime de soi satisfaisante. L’estime de soi varie avec les contextes et sa vitalité peut nécessiter un travail en profondeur. Mais parfois, aussi, elle est juste en sommeil, alors boostez-la en écrivant :
la liste de vos qualités (au moins 7) ;
la liste et de vos réalisations professionnelles : elles sont nombreuses !
En résumé
Pour pouvoir traiter un conflit durablement et avec efficacité , vous devez acquérir un savoir-être qui est un équilibre à trouver entre empathie et assertivité. Ces deux qualités s'acquièrent par la connaissance de soi puis des autres.
L'empathie se développe en améliorant :
ses capacités d'observation afin de reconnaître les "signaux faibles" du verbal et du non-verbal ;
sa compréhension et son acceptation des différences de systèmes de valeurs (valeurs prioritaires, "postures", vision selon les principes ou les conséquences).
L'assertivité est une affirmation non violente de soi qui nécessite :
de se connaître ;
d'assumer ses besoins.
Plus en contrôle de vos émotions, décidé à développer votre empathie et votre assertivité, il vous reste deux autres compétences à acquérir afin de mettre en œuvre efficacement la méthode de résolution des conflits : l'écoute active et la communication positive !