Quand l’entreprise est internationale et que certains de ses établissements sont situés à l’étranger, ce n’est évidemment plus le droit français qui régit les pratiques de paie. Mais le principe moral d’équité s’applique toujours : il n’est pas question de privilégier une localisation plutôt qu’une autre dans les pratiques de paie.
La loi, le marché et les pratiques locales varient d'un pays à l'autre, et ce sont autant de paramètres à prendre en compte dans les pratiques de rémunération.
Nous le rappelons, être équitable, c’est aussi prendre en compte les spécificités liées au contexte.
Alors, comment arbitrer entre harmonisation globale des salaires et différenciation locale, lorsqu'on est manager RH d'une entreprise internationale ?
Dans cette partie, nous traiterons de l'équité au-delà des frontières. Vous allez apprendre :
quel est le rôle des RH en ce qui concerne la rémunération à l’échelle internationale ;
en quoi l’équité au-delà des frontières nécessite d’arbitrer entre standardisation et spécificités locales ;
comment gérer l’équité des salaires en cas de mobilité internationale.
C'est parti ?
« Gestion internationale des ressources humaines » et rémunération
La GIRH a plusieurs missions, parmi lesquelles :
trouver l’équilibre entre :
harmonisation des pratiques de gestion du personnel dans l’ensemble des pays dans lesquels l’entreprise est localisée,
adaptation aux contraintes locales pour s’assurer du respect du droit, des normes et pratiques culturelles de chaque pays.
Cet équilibre doit être trouvé dans le respect du droit et de l’éthique, et de façon à servir au mieux les objectifs de l’entreprise ;
promouvoir, faciliter et accompagner les mobilités internationales des collaborateurs et des Talents entre les différentes entités de l’organisation ;
coopérer avec les équipes RH au-delà des frontières ;
créer du lien et de la collaboration entre les salariés au-delà des frontières ;
sensibiliser les managers des équipes internationales au droit et aux pratiques spécifiques au pays de chacun des membres de leurs équipes.
Assurer l’équité de la rémunération au-delà des frontières nécessite d’arbitrer entre standardisation et spécificités locales
Concevoir une politique de rémunération lorsque l’entreprise est présente dans plusieurs pays nécessite un arbitrage entre :
harmonisation globale des pratiques de rémunération ;
adaptation aux spécificités locales.
Harmonisation
Les grands principes qui sous-tendent les décisions de rémunération doivent être applicables dans l'ensemble des pays où est implantée l'entreprise, pour des questions de cohérence stratégique et culturelle. Par exemple, il ne semble pas cohérent de rémunérer à la performance dans un pays, et de rémunérer à l’ancienneté dans un autre.
Aussi, si certains éléments de rémunération peuvent varier selon les pratiques locales, le type de système et sa philosophie doivent être identiques et répondre au même objectif.
Il en va de même pour la structure de la rémunération selon les familles de métiers. Les éléments qui composent la rémunération d'un poste spécifique doivent être relativement identiques à l’échelle internationale, sauf si le droit ou la pratique locale vont à l’encontre de cette harmonisation.
Par exemple, si les commerciaux ont des variables en France, il est logique et équitable qu’ils en aient en Angleterre. Sans cela, une perception d’inégalité de traitement peut se répandre entre les différentes entités, voire une perception de discrimination en fonction de la nationalité.
Adaptation
Une adaptation aux spécificités locales est évidemment nécessaire pour certains éléments de rémunération, avantages, ou niveaux de salaires, puisque l'équité nécessite de prendre en compte les spécificité du contexte !
Il est notamment pertinent d'adapter le niveau ou la structure de paie selon :
le droit local.
En effet, les exigences en termes de minima salariaux ne sont pas les mêmes selon les pays. De même, les avantages en nature obligatoires ou encore les règles de la participation aux résultats de l’entreprise peuvent différer d’un pays à l’autre ;
le marché local.
Le coût de la vie ainsi que l’état du marché économique local peuvent amener l’entreprise à adapter le niveau des salaires.
Par exemple, le salaire fixe (rapporté en dollars) pour deux postes similaires, l’un basé en Thaïlande et l’autre aux USA ne sera pas le même : il sera plus élevé aux États-Unis, puisque que le coût de la vie y est plus élevé qu’en Thaïlande. C'est cette différenciation qui va permettre au salarié américain et au salarié thaïlandais exerçant le même poste de vivre avec le même train de vie ! Et donc d'être équitable ;
les spécificités culturelles.
Les incitations (financières et non financières) proposées par les entreprises doivent correspondre aux pratiques culturelles pour être efficaces : certains éléments de rémunération peuvent être extrêmement incitatifs dans certains pays, et très peu dans d’autres, selon la culture !
À titre d'exemple, les stocks-options sont bien plus pratiqués dans les pays anglo-saxons que dans les pays latins. Ou encore, dans certains pays aux relations de travail très formelles, les avantages tels que les événements d'entreprise ne sont pas particulièrement appréciés ;
les différences organisationnelles locales.
Des différences liées à la stratégie locale, des différences dans le stade de développement de la filiale, ou encore des pratiques opérationnelles locales peuvent aussi pousser l'entreprise à différencier selon ses emplacements.
C’est parce qu’il faut arbitrer entre adaptation locale et harmonisation globale que notre grille de rémunération permet une différenciation des postes par pays.
Étudions le cas du salaire fixe (nous ne nous attarderons pas ici sur les autres éléments de rémunération) en France et en Bulgarie, pour les métiers de la fonction « Commerciale ».
Vous voyez ici que le salaire proposé en Bulgarie (en euros) est plus faible qu'en France, pour un poste identique. Pourquoi?
À titre d’information, pour simplifier, un rapport de 1 à 5 a été appliqué entre les rémunérations françaises et bulgares. Il correspond au rapport entre le Smic Français et le salaire minimum en Bulgarie en 2017.
Évidemment, il s’agit là d’un calcul simplifié, qui aurait été effectué plus précisément par des équipes Compensation & Benefits. D’ailleurs, d’autres paramètres locaux auraient été pris en compte.
Gérez l’équité en cas de mobilité internationale
Et la rémunération a son rôle à jouer ! Selon le type d’accompagnement financier proposé aux collaborateurs mobiles, le départ en mobilité géographique devient plus ou moins incitatif.
À tel point que l'entreprise peut avoir tendance à survaloriser les rémunérations des candidats au départ... surtout lorsqu’il s’agit de Talents que l’on souhaite retenir ou de compétences clés à réallouer dans l’organisation !
Cependant, même si la mobilité est stratégique, la politique de rémunération en matière de mobilité internationale doit rester équitable.
Un package de mobilité adapté grâce à un choix de contrat approprié
Plusieurs types de contrat peuvent être proposés aux collaborateurs mobiles, chacun d’eux ayant un impact différent sur la rémunération offerte dans le cadre de la mobilité. Une pratique plutôt qu’une autre dépend généralement de la politique de l’entreprise et parfois… du collaborateur concerné.
Parlons ici du détachement et du contrat local, pour comprendre l’importance du choix du contrat pour l’équité salariale.
Le détachement
Quelles en sont les implications?
Nous avons deux scénarios :
Quand le salarié part dans un pays où le coût de la vie est plus cher :
Son salaire est trop faible par rapport au coût de la vie local.
Lorsque le salarié est détaché dans un pays où le coût de la vie est moins élevé :
Il gagne le différentiel de salaire.... ce qui est extrêmement coûteux pour l'entreprise !
Alors quel est l'avantage ? Le détachement est alors extrêmement incitateur pour le salarié au départ qui conserve sa rémunération initiale, plus élevée. Cette pratique peut être très intéressante pour un Talent que l’on souhaite retenir ou rendre mobile.
Cette perception d’un traitement de faveur est souvent renforcée quand le salarié est issu de la maison mère : les employés du pays d’accueil peuvent ressentir un ethnocentrisme de la part de l’entreprise.
Contrat local
À ce titre, sa rémunération est revue, pour s’adapter aux rémunérations du pays d’accueil.
Là aussi, nous avons 2 scénarios :
si le pays d’accueil a un coût de la vie moins élevé que le pays de départ, le nouveau contrat offrira un salaire plus faible au salarié ;
Si le coût de la vie dans le pays d’accueil est plus élevé, le nouveau salaire du salarié sera augmenté en fonction.
En fait, quel que soit le type de contrat, des compléments spécifiques de rémunération peuvent être proposés pour encadrer un départ et dédommager le salarié qui se délocalise ! L’équité se joue donc également au niveau des « petits plus » destinés à accompagner la mobilité.
Les compléments de rémunération proposés dans le cadre de la mobilité internationale
Compléments de salaire
Les compléments de rémunération financiers proposés dans le cadre de la mobilité internationale peuvent être, à titre indicatif :
la prise en charge du transport pour le salarié (et/ou sa famille) ;
une prime d’installation, dite « prime rideau », pour les frais d’installation ou l’achat de meubles ;
le financement de tout ou partie du loyer ;
une prime d’expatriation, qui est un paiement unique en dédommagement des frais engagés dans le cadre du départ.
Les avantages complémentaires
Les avantages tangibles et intangibles proposés dans le cadre de la mobilité internationale peuvent être, à titre indicatif :
des formations linguistiques ou culturelles ;
le paiement d’un ou plusieurs allers-retours annuels vers le pays d’origine ;
l’aide à la recherche d’emploi pour le conjoint ou la conjointe ;
la scolarisation des enfants…
Être équitable en offrant des compensations ou des aides à la mobilité
En revanche, il faut être vigilant à ce que :
les packages de mobilité soient harmonisés entre les collaborateurs
Par exemple, il peut être décidé qu’un certain type d’employés (les cadres dirigeants, les salariés ayant plus de 10 ans d’ancienneté, ou encore les collaborateurs les plus performants…) bénéficient de la prise en charge du transport pour leur famille, alors que les autres n’en bénéficient que pour eux-mêmes (pourquoi pas, si c’est expliqué dans la politique de mobilité !) ;
les compléments de rémunération directement intégrés au salaire pour dédommager des différences de coût de la vie ne créent par une inéquité vis-à-vis des salariés locaux.
À titre d’exemple, augmenter le salaire fixe d’un salarié français qui part vivre à New York fait sens. A condition que le montant de l'augmentation soit raisonnable et adaptée au coût de la vie à New York. En d’autres termes, que cette augmentation ne devienne finalement pas inéquitable par rapport aux salaires locaux !
L’équité de la politique de rémunération ne doit donc pas s’arrêter aux frontières !
En résumé :
Si vous êtes Manager RH d'une entreprise internationale, assurez-vous que votre politique de rémunération est équitable entre les salariés dans vos différents pays d'implantation.
Cette équité implique une harmonisation du système et de la structure de la rémunération proposée aux collaborateurs, tout en respectant les spécificités locales de chaque pays (droit, pratiques, coût de la vie). Un arbitrage entre standardisation et adaptation est nécessaire.
L’équité doit également être considérée lors des propositions financières destinées à accompagner la mobilité internationale des collaborateurs.