La modélisation et la simulation de flux n'ont rien de nouveau. Des logiciels existent et sont utilisés depuis plusieurs décennies.
En revanche, c'est une pratique encore peu répandue. Avec la transformation numérique en cours, cela tend à se démocratiser. D'ailleurs, ces logiciels évoluent vers le jumeau numérique.
Ne soyez donc pas étonné si je regroupe les deux notions dans ce chapitre.
Simulation de flux et jumeau numérique
Quelle est la différence entre simulation de flux et jumeau numérique ?
Les deux permettent de faire de la modélisation et de la simulation de flux. En revanche, seul le jumeau numérique est connecté à la ligne réelle de fabrication. Ainsi, il est mis à jour par des données terrain, mais surtout, il peut piloter la ligne de fabrication.
La simulation de flux consiste à modéliser un système réel et à réaliser des simulations (expériences) sur le modèle créé, afin de comprendre le comportement de ce système et d’en améliorer les performances.
L'autre différence, peut-être, c'est que l'on ajoute à la partie fonctionnelle (la simulation) un aspect esthétique (la 3D). Je suis un peu provocateur quand je dis que la 3D n'est qu'esthétique ; car celle-ci va permettre ensuite d'autres utilisations (étude ergonomique d'un poste de travail en réalité virtuelle, par exemple) et c'est elle qui va également permettre de rendre plus accessible la simulation de flux. L'interface homme-machine est là, facilitée, puisque l'on retrouve un environnement que l'on connaît, et dans lequel nous avons l'habitude d'évoluer.
Le jumeau numérique (digital twin, en anglais) est le double numérique d'un objet ou d'un système physique, qui repose sur des données de capteurs, permettant d'avoir une vision du produit durant tout le cycle, de sa conception jusqu'à son utilisation et sa maintenance.
On comprend vite alors que le jumeau numérique va jouer un vrai rôle d'interface entre toutes les technologies :
Finalement, chaque métier va être impacté, voici par exemple les impacts lors de la conception de systèmes complexes (industrialisation) :
Ainsi, plus qu'une représentation virtuelle de l'usine, c'est une réplique numérique avec :
le design 3D de l'usine, ses équipements, leurs composants et leurs propriétés ;
les données remontées du terrain (pour le faire évoluer dans le même sens) ;
des algorithmes d'intelligence artificielle lui permettant de prendre des décisions.
Grâce à lui, l'accès aux données est facilité, ainsi que les manipulation de ces données ; et ce, même à distance. Il aide à prendre des décisions en permettant de tester différents scénarios. La nouvelle génération de jumeau numérique qui arrive, est même capable d'automatiser des actions : le jumeau reçoit les datas, teste des scénarios, puis, une fois le meilleur scénario retenu, déclenche automatiquement des actions. On gagne ainsi en performance.
Quand je parle de performance, il y a bien entendu la performance en termes de vitesse et de flexibilité de la ligne, mais il y a aussi la qualité du produit, la sécurité des salariés et, de plus en plus, la performance énergétique.
En effet, ces systèmes vont être capables de s'autogérer pour réduire leur impact environnemental, en réduisant les émissions de CO2 par l'optimisation des flux énergétiques.
En maîtrisant davantage les procédés, vous pourrez diminuer la consommation des matières premières, des énergies, de l'eau, diminuer également la quantité des chutes, des rebuts et des déchets.
Comment ?
En mesurant et en surveillant tous les procédés de fabrication pour :
détecter les défauts automatiquement, et arrêter ou corriger la ligne à la moindre dérive ;
alimenter une base de données et faire de la maintenance prédictive ;
maîtriser les phases de démarrage et de montée en cadence de la production.
Pour répondre au défi énergétique, il faudra aussi mettre en place une démarche d'écoconception des produits, et travailler sur l'empreinte carbone du bâtiment en lui-même.
Découvrez un outil de modélisation
Afin d'illustrer mes propos, je vous propose de découvrir et manipuler un logiciel de simulation de flux : Simio. Pour cette démonstration, je ne vais aborder que la partie Simulation de flux, pour montrer l'intérêt de l'outil.
Nous allons modéliser la ligne de fabrication des makis de la société McQui King.
Pour rappel, voici les données à prendre en compte :
demande client = 24 makis en 2 min (soit 6 tranches) ;
temps de cycle Poste 1 Laminage : environ 5 s ;
temps de cycle Poste 2 Répartition Sauce : environ 15 s ;
temps de cycle Poste 3 Garnissage/Enroulement : environ 30 s ;
temps de cycle Poste 4 Découpe/Conditionnement : environ 10 s.
Modélisez un processus et précisez ou modifiez des paramètres de production
Un projet d'étude se décompose en 2 parties :
la modélisation ;
la simulation.
Les étapes de modélisation sont les suivantes :
définition des objectifs et rédaction d'un cahier des charges (Plan) ;
collecte des données pour alimenter le modèle + modélisation (Do) ;
vérification du modèle : conformité du modèle par rapport au cahier des charges (Check) ;
validation du modèle : cohérence et comparaison du fonctionnement par rapport au réel (Act).
Un modèle, c’est :
une représentation des flux : ce qui va circuler (matière, informations) ;
un parcours :
un début ;
des événements comme des attentes, des transformations, des assemblages, etc. ;
une fin.
des règles ;
une durée : on observe l'évolution des flux sur une période donnée.
C'est parti !
Retrouvez le mode opératoire détaillé pour les étapes de conception ici.
Simulez un scénario et tirez des conclusions
Les étapes de simulation :
définir les scénarios/hypothèses que l'on veut tester (Plan) ;
réaliser les simulations (Do) ;
vérifier le fonctionnement des simulations et analyser les résultats (Check) ;
valider ou invalider les scénarios/hypothèses (Act).
Ici, par exemple, nous allons réaliser une expérimentation en jouant sur 3 paramètres (les en-cours maximum à chaque poste de travail), et ainsi tester plusieurs scénarios. Nous regarderons alors l'évolution de deux indicateurs :
le nombre moyen de tranches de pain de mie en cours de production ;
le temps de traversé moyen d'une tranche de pain de mie.
C'est quoi, déjà, un temps de traversé ?
Pour rappel, c'est le temps entre le moment où l'on commence à faire entrer un produit dans le processus, jusqu'au moment où il va en sortir. Il sera le reflet de notre réactivité !
Allons-y !
Retrouvez le mode opératoire détaillé pour mener des expérimentations ici.
Grâce à l'outil de simulation, nous allons être en mesure de comparer les résultats des scénarios. Notamment grâce à une boîte à moustaches.
Ainsi, la boîte à moustaches du scénario 1, avec les en-cours illimités, nous indique que l'étendue des valeurs des temps de traversé (sur les 10 essais/réplications) vont environ de 375 à 460 secondes, avec une médiane à 440 secondes environ.
Tandis que la boîte à moustaches du scénario 2, avec la mise en place des IPK (en-cours limités à 1), nous indique que l'étendue des valeurs des temps de traversé vont environ de 120 à 150 secondes, avec une médiane à 140 secondes environ.
Donc, la simulation montre l'efficacité de la mise en place des IPK. De plus, la forme plus aplatie de la deuxième boîte montre également qu'il y a moins de variations dans les résultats obtenus.
Vous constatez que vous avez donc été capable, en quelques minutes, de créer une modélisation de flux et de faire tourner une simulation. Dans cette simulation, nous avons joué sur quelques paramètres et observé quelques indicateurs. Mais vous imaginez les possibilités infinies qui s'offrent à vous.
En synthèse, cet outil de simulation de flux nous permet d'aller plus loin que ce que nous étions capables de faire avec la VSM. Voici un comparatif des deux approches, qui à mes yeux sont complémentaires :
Critères | VSM | Simulation de flux |
Données | Issues du terrain (donc plus proches de la réalité), saisie manuelle | Issues de mesures ou de bases de données des SI industriels. Plus représentative en termes de volume (attention à l'exactitude des datas) |
Résultats | Photo à un instant t avec nécessité de recalculer à chaque modification | "Vidéo" représentative de la réalité, avec possibilité de tester des configurations différentes |
Présentation des optimisations | Élaboration d'un VSD | Simulation de différents scénarios |
La simulation de flux va surtout permettre de valider l'hypothèse de ce que l'on aurait imaginé lors d'une VSD, en :
ayant une vision dynamique (temps) ;
raisonnant d'après les flux ;
reproduisant la réalité (faute de pouvoir la calculer).
Dans cette partie consacrée à l'industrie du futur, vous avez pu découvrir un certain nombre de nouvelles technologies et nouvelles pratiques, mais les évolutions et innovations ne cessent d'apparaître. Vous devrez donc maintenir vos compétences sur le sujet à jour, et réaliser une veille sur les domaines qui vous intéressent.
Nous arrivons à la dernière partie de ce cours, où vous verrez comment déployer une démarche Amélioration continue efficacement.