Avant de vous lancer dans la création et l’engagement de communautés, posez-vous les bonnes questions ! Dans quel type d’organisation agissez-vous ? Quels seront vos alliés pour donner plus d’impact à vos actions ?
La légitimité des actions
Dans un premier temps, comprenez bien l’ADN de la marque pour laquelle vous travaillez !
Quelle est sa personnalité, que pense-t-on d’elle de l’extérieur ? A-t-elle une légitimité sur certains sujets ou sur certaines prises de position ?
En effet, vous devez absolument être vigilants quant aux sujets et communautés que vous voulez aborder. Si vous vous emparez d’un sujet sociétal comme l’environnement, les inégalités, les droits des femmes, c’est une très bonne nouvelle. Mais faites-le vraiment ! Internet ne vous pardonnerait pas une posture dénuée d’actes.
Vous devez être sincère, cohérent et irréprochable dans votre démarche. Si ce n’est pas le cas, ne vous exposez pas sur ces sujets.
Pour la Journée internationale des droits des femmes : McDonald’s a symboliquement retourné son logo pour représenter le “W” de “Women”. Une démarche louable. Seulement, les internautes ont fait remarquer que l'enseigne n’était pas un employeur irréprochable sur ce sujet. McDonald’s n’a pas répondu à ces remarques.
Cet exemple est à rapprocher de communications maladroites et opportunistes sur ce même sujet. Là aussi, il y a des retombées négatives :
À l’inverse, une démarche sincère et bien gérée de A à Z est très appréciée et comporte beaucoup moins de risque. L’Oréal l’a compris, et a lancé For Women in Science, en partenariat avec l’UNESCO, une bourse pour des femmes scientifiques, qui vise à leur offrir plus de chances, mais également à offrir plus de diversité à la science. Un empowerment plus parlant qu’une culotte offerte pour l’achat d’un soutien-gorge, vous en conviendrez !
Vous devez donc définir les objectifs recherchés par votre organisation. Souhaitez-vous engager votre communauté pour :
Les faire aimer votre marque et leur donner un rôle de prescripteur ;
Améliorer votre image de marque et augmenter vos ventes sur le long terme ;
Faire des “coups” et augmenter vos ventes sur le court terme ;
Assurer un service client efficace ;
Prévenir les crises ;
Porter une cause commune ;
Développer votre marque employeur ?
Ou, si vous avez un objectif de communication interne :
Rendre vos collaborateurs fiers de leur société, pour les fidéliser et pour qu’ils soient les ambassadeurs de votre marque employeur ;
Fédérer vos collaborateurs autour d’un sujet spécifique, par exemple en management du changement ?
Quels que soient les objectifs poursuivis, vous avancerez sans le savoir sur d’autres objectifs. Par exemple, si vous souhaitez engager votre communauté pour porter une cause commune :
Votre image de marque en bénéficiera ;
Vous pourrez prévenir une crise en mettant en avant la sincérité de votre démarche ;
Vous attirerez des talents ;
Vous fédérerez vos collaborateurs ;
Ainsi que toutes les externalités positives que vous pouvez imaginer !
Une démarche court terme
De façon générale, plus une démarche est court terme, plus elle est collée au produit, et plus elle peut être perçue comme une perturbation commerciale (l’usager du réseau se dira “ah tiens, c’est encore de la pub”). Ici, on se sert principalement de l’aspect “média” des réseaux sociaux.
On va d’ailleurs principalement avoir une communication “descendante”, c’est-à-dire diffuser et non discuter.
Côté call-to-action, on sera principalement sur des liens vers de l’achat, ou une adresse pour un événement ou un point de vente physique. On peut aussi proposer des concours avec des lots conséquents et bien identifiés. Bref, on veut bénéficier d’un trafic à court terme.
Par exemple, ici, en masquant l’identité du joueur, L’Équipe a fait le choix d’avoir un maximum de clics. Cela se fait au détriment des conversations, car le sujet est brûlant et aurait pu déchaîner les passions. Ce choix est rationnel de leur part, L’Équipe est un média qui vit du trafic, et c’est aussi lui-même un réseau social, qui héberge des conversations.
Une démarche long terme
À l'inverse, plus une démarche est long terme, plus on recherche le sens derrière les produits ou les services, plus on a des conversations intéressantes. Celles-ci mènent ensuite à une conversion plus pérenne, mais plus lente.
Ici, on utilise une palette plus large des fonctionnalités des réseaux sociaux : conversations, écoute, humour, complicité, expression d’une idée complexe. On crée ainsi un amour inconditionnel. À l’extrême, on n’aurait pas besoin de call-to-action.
Dans la plupart des cas, vous en mettrez quand même, mais ils seront plus fins :
Si vous faites un concours, le lot peut être plus flou et moins massif : valorisation, échantillon, privilège, rencontre avec les dirigeants, avant-première, etc. ;
Les liens vers vos produits/services pourront là aussi intégrer une dose de storytelling. Pas de "cliquez vite ici pour des promos dingues !”, mais plutôt "Ce weekend, avec Olivier, on a fait de la confiture, des tapenades et des compotes. Avec Olivier, avec amour, comme toujours ❤” ;
Vous pouvez également appeler à la conversation, avec des questions ouvertes : “Qu’en pensez-vous ?”, “Comment … ?”, “Pourquoi … ?”, “Racontez-nous votre premier macaron Ladurée”, etc. Vous prendrez naturellement part à la conversation !
Vous devez simplement trouver le bon moment pour convertir votre communauté, l’engager durablement, puis lui offrir un call-to-action clair. Toujours d’une façon respectueuse, avec une proposition de valeur. Car la conversation amène in fine à la conversion.
Cette étape supplémentaire avant de chercher à convertir prend du temps et de l’énergie. Mais elle démultiplie l’effet de votre communication.
Bob Thacker, VP Marketing à Office Max, résume bien cet état d’esprit : "Le secret, c’est de respecter le consommateur. Vous interrompez sa vie. Toute publicité est non désirée, alors si vous voulez vous inviter à une fête, vous devez apporter le champagne !".
Une vision partagée par Maurice Lévy, président du conseil de surveillance de Publicis Groupe : "Notre responsabilité est de concevoir des publicités désirées".
Les messages publicitaires agressifs ou directs ne sont plus désirés. L’usage d’adblock est devenu mainstream. 11 % de la population mondiale utilise un bloqueur de publicité. Aux États-Unis, un tiers des 35-50 ans en utilise un. 45 % des 25-34 ans. 55 % des 16-24 ans. Et la plus forte progression est chez les +60 ans : +30 % en un an.
Les raisons invoquées sont riches en enseignements : le retargeting (50 %). Le format est trop invasif (40 %), le contenu n’est pas assez original (28 %).
Par exemple, les cofondateurs de Frichti, ici, expliquent la vision qu’ils portent et pourquoi ils lancent un supermarché en ligne. Ils peuvent se permettre un format long (dit "thread" sur Twitter), car ils ont pris soin de garder une communauté engagée. Ils s’ouvrent à la conversation, y prennent part. Aussi, ils lancent un concours avec de petits lots qui permettent de tester les produits.
Ressemblez-vous plutôt à Frichti ? Ou à L’Équipe ?
Dans cet exemple, le retour sur investissement est bien plus long chez Frichti que chez L’Équipe. Cela résulte d’un business model différent, mais aussi sans doute de convictions différentes.
Organisez vos actions
Une fois les objectifs définis et validés, il vous faut à présent solliciter les ressources qui pourront intervenir sur le sujet.
Tout d’abord, à quels services rattacher ces compétences ? Tout dépendra évidemment de la structure de l’organisation concernée et des objectifs fixés !
Mais vous pourriez être rattaché au service qui représente vos objectifs principaux.
S’ils sont liés à la vente, vous pourriez être rattaché au service marketing, commercial ;
Si vous travaillez surtout sur l’image, vous dépendrez du marketing ou de la communication ;
Vous vous occupez principalement du SAV ? Vous serez rattaché au service client ;
Vous faites plutôt de la veille et de l’influence ? Vous pourriez dépendre des relations presse (RP) ;
Et si l’enjeu du social media est perçu comme essentiel dans votre société, vous pourriez être rattaché directement à la direction générale, tout en travaillant en transverse avec les services communication, marketing, commercial, qualité, SAV, ou RP.
Vous devez vous assurer d’avoir suffisamment d’alliés au sein de votre organisation. Vos interlocuteurs doivent comprendre votre démarche et être alignés sur vos objectifs.
Vous devez vous efforcer d’expliquer par exemple :
Au département commercial, que la construction d’une communauté est une démarche de longue haleine et qu’il faut attendre les bonnes occasions pour passer un message commercial ;
Au département qualité, que la réputation de votre service/bien évolue vite, surtout lorsque celui-ci fonctionne mal. Certaines situations sont donc urgentes et demandent une priorisation des plaintes venant du social media.
Par exemple, ici Chevignon a sans doute voulu satisfaire son département relations publiques en plaçant ces retombées presse. Les produits sont entourés de produits concurrents. C’est valorisant pour la marque en interne, c’est important pour les lecteurs du magazine, mais pas intéressant pour la communauté.
Portez la voix de la communauté
Votre équipe social media porte la parole de votre organisation au sein de la communauté. Et elle porte la parole de votre communauté au sein de l’organisation. L’un ne va pas sans l’autre.
Il est donc nécessaire de sensibiliser vos interlocuteurs qui ne sont pas familiers avec le sujet. Ils doivent comprendre les opportunités et les obligations que représente une présence active sur le social media. S’ils comprennent vos enjeux, ils sauront se rendre disponibles en cas de besoin et pourront également vous solliciter si une occasion se présente !
Une démarche communautaire très horizontale permet même à chacun de s’approprier des outils marketing auparavant maîtrisés en interne. Voici quelques exemples reprenant les 4P du Marketing Mix :
Le produit
Chaque année, de 2006 à 2010, la communauté vote pour voir commercialiser telle ou telle saveur de Danette.
On pense aussi à l’initiative Connect & Develop de Procter & Gamble, ou à des demandes toutes simples, comme avec Decathlon, ou Arte. De la même manière, il y a 20 ans, on téléphonait à une station de radio pour entendre tel ou tel morceau de musique.
Le prix
Radiohead a laissé ses fans télécharger son album In Rainbows pour un prix libre. C’est le concept de “pay-what-you-want”.
“Peu de gens ont finalement pris l’album gratuitement. Mais laisser les fans fixer un prix leur a sans doute fait 'chaud au cœur', ce qui les a poussés en retour à payer un prix juste” (Source citation).
Lidl a aussi permis à sa communauté Twitter de faire baisser les prix de ses produits pour Noël. Plus on tweete, plus le prix baisse.
Le lieu de vente (“place”, en anglais)
Burger King en France joue régulièrement avec sa communauté pour lui permettre d’avoir un restaurant près de chez elle. Ici, l’enseigne a même personnalisé un restaurant pour la personne ayant écrit le plus grand nombre de commentaires sur Facebook.
En dehors de cet exemple, de nombreuses jeunes sociétés se basent notamment sur les membres de leur communauté pour ouvrir leurs premiers points de vente.
les outils de communication (“promotion”, en anglais)
C’est déjà le cas pour toutes les sociétés, tout avis, tout commentaire, toute réaction impacte l’image de l’organisation - en bien ou en mal. La maîtrise de la communication est donc déjà entre les mains de la communauté. Mais l’organisation peut aussi créer des contenus avec certains membres de la communauté.
Par exemple, Vampire Diaries a intégré à ses bandes-annonces certains tweets positifs de fans de la série, à la manière de coupures presse.
Monoprix a laissé le choix du packaging à sa communauté Facebook.
Et, enfin côté B2B, cela se fait beaucoup de mettre en avant certains avis de clients. Si vous lisez l'anglais voici un exemple, sinon lisez la légende pour le comprendre 😊.
Votre organisation est-elle assez agile et ouverte à ce type de vision ? Pouvez-vous, voulez-vous, conduire ce changement ?
Et si vous pensiez à nouveau aux communautés dont vous faites partie ?
Lorsque c’est une organisation qui anime les conversations, diriez-vous qu’elle donne une partie du pouvoir à sa communauté ?
Si vous étiez extrêmement engagé, quel est l’impact maximum que vous pourriez avoir sur l’organisation ?
Votre équipe
Posez-vous ensuite les bonnes questions en terme d’organisation. Qui sera en charge d’animer les communautés, de gérer au quotidien les conversations ?
Plusieurs possibilités s’offrent à vous :
Vous pourrez recruter une personne ou une équipe qui sera en charge des réseaux et de l’animation des communautés ;
Vous pouvez également confier cela à une agence ou à un freelance ;
Enfin, vous pouvez confier cette mission à une ou plusieurs personnes dans la société, cela peut être un(e) assistant(e) de direction, une direction de la communication, un(e) chef de produit ! Cela dépend à nouveau des objectifs qui ont été fixés, et de la taille de votre structure.
Votre budget
Quel budget pouvez-vous proposer pour mettre en place les actions ? Là encore tout dépendra de vos objectifs.
Si vous dépendez d’un département en particulier, vous bénéficierez d’un budget alloué à votre mission. En retour, des retombées seront attendues. Elles peuvent être mesurées :
En nombre de personnes touchées, en taux d’engagement (service communication) ;
En coût d’acquisition (service marketing, ou trafic) ;
En volume de vente, panier moyen, retour sur investissement (service marketing, ou commercial) ;
En équivalent achat d’espace (service relations presse) ;
En ratio de conversations positives/négatives (service qualité, SAV).
Votre budget dépendra donc de votre capacité à rentabiliser les ressources impliquées et les éventuels achats d’espaces.