Les frontières entre éthique, déontologie et loi sont poreuses. Pour faire simple :
la loi énonce des principes, d'application obligatoire sur le territoire où elle s'exerce. Elle définit des crimes et délits et l'échelle des sanctions ;
la déontologie, au sens strict, désigne des règles et devoirs qui régissent une profession, exigeant souvent une prestation de serment. Elle est réglementée par un ordre professionnel qui applique des sanctions en cas de manquement. C'est le cas chez les avocats, magistrats, notaires, médecins, journalistes, architectes, etc.
l'éthique désigne l'ensemble des comportements vertueux, respectueux de la loi, des personnes et de l'environnement. Les recommandations éthiques (d'une charte par exemple) sont généralement incitatives.
Ainsi, pour appliquer une éthique professionnelle, vous devez :
commencer par la connaissance et le respect de la loi ;
puis intervenir en amont, en prévention. Car quand la loi réprime, c'est a posteriori, quand une plainte est déposée. Et c'est donc que l'éthique a échoué ;
répondre à la question "Comment ?". En éthique, il s'agit de convertir les principes de droit en bonnes pratiques ;
agir suivant des principes éthiques généraux, mais déclinés de façon spécifique, en fonction de la cartographie des risques de votre organisation.
Et pour cela, vous devez commencer par identifier les enjeux éthiques prioritaires pour votre organisation et votre activité, en commençant avec ceux qui découlent des obligations légales.
C'est ce que nous allons faire en remplissant la première partie de votre guide éthique !
Identifiez les 5 grands enjeux éthiques des organisations
Ces 5 grands enjeux concernent tout type d'activité. Alors, soyez attentifs ! :)
Enjeu l'éthique n°1 : le développement durable
En France, c'est la loi de 2001 sur les NRE (nouvelles régulations économiques) qui oblige les entreprises cotées en bourse à publier un rapport d'informations relatives aux conséquences sociales et environnementales de leurs activités. C'est ce qu'on nomme la RSE : Responsabilité sociétale des entreprises.
Le développement durable repose sur trois piliers fondamentaux :
le pilier écologique (une croissance soutenable) ;
le pilier économique (une croissance viable) ;
le pilier social (une croissance équitable).
Les principes d'actions et les obligations de reporting sont détaillées sur le site de l'ORSE (Observatoire de la responsabilité sociale des entreprises).
Les entreprises françaises occupent la 4e place de l'OCDE en matière de RSE, après le Royaume-Uni, la Suède et le Danemark. La France accuse toutefois un retard sur les questions de gouvernance : corruption, fraude fiscale et conflit d'intérêts.
Enjeu éthique n°2 : la lutte anticorruption
La corruption, c'est quand une personne :
demande, propose, accepte ou promet,
directement ou indirectement,
un avantage à titre professionnel et/ou personnel : argent, service, bien, voyage, divertissement, avancement, distinction, contrat, accord, passe-droit, etc.
pour elle-même ou pour un proche.
La corruption peut être active (le corrupteur) ou passive (le corrompu).
Certaines organisations interdisent à leurs salariés d'accepter les invitations somptueuses (un voyage, un restaurant très coté) et d'accepter les cadeaux d'une valeur de plus de 50 euros.
Les principaux actes de corruption sont :
Conflits d'intérêt | Une personne a un intérêt personnel de nature à influer sur l'exercice impartial et objectif de ses fonctions. Par exemple, vous statuez sur un appel d'offres avec un projet déposé par un vieil ami d'université... |
Délits d'initié | Une personne procède à des opérations boursières favorables, en fonction d'informations dont elle dispose et qui n'ont pas encore été rendues publiques. |
Trafics d'influence | Cela consiste à monnayer son influence ou promettre de le faire pour faire obtenir ou faciliter l'obtention d'une décision favorable. |
Paiements de facilitation | Il s'agit de sommes versées pour aider à la conquête d'un marché ou d'un contrat, accélérer une procédure ou des formalités administratives. |
Sont particulièrement sensibles :
les achats ;
les relations avec les fournisseurs et sous-traitants ;
les relations avec les collectivités et l'administration publiques ;
le recrutement de personnes de la même famille ;
la gouvernance et la composition des conseils d'administration ;
le mécénat ;
les appels d'offres et l'attribution de marchés ;
le lobbying.
En 2003, la France a commencé à appliquer la loi issue de la signature de la convention anti-corruption de l’OCDE (2000).
Pourtant, à ce jour, aucune entreprise n’a été condamnée en France, alors que parmi les entreprises les plus lourdement condamnées pour corruption au niveau international, figurent 3 entreprises françaises : Total, Alstom et Technip.
Le droit anglo-saxon est très développé en matière de corruption, contrairement à la France qui résiste culturellement. C'est donc par leurs filiales que les entreprises françaises sont confrontées aux lois anticorruption américaines et britanniques, payant des sommes astronomiques.
Il existe désormais deux grandes lois dans ce domaine :
la loi anticorruption "Sapin 2" (2016). Elle permet, pour la première fois, de devancer la condamnation par les tribunaux anglo-saxons sur les activités internationales des groupes français. Le dispositif est très dissuasif (amendes très fortes) et oblige les entreprises à prouver la mise en place d'un plan interne anticorruption ;
la loi anticorruption "Potier" ou loi "Rana Plaza" (du nom de l'immeuble qui s'est effondré en 2016 au Bangladesh, qui abritait des ateliers de confection pour des marques internationales, tuant plus de 1 000 employés). Elle instaure un devoir de vigilance aux grandes sociétés, qui doivent s'assurer que leurs activités, celles de leurs sous-traitants et fournisseurs, respectent les droits humains fondamentaux et les règles sociales et environnementales.
Enjeu éthique n°3 : la lutte contre les discriminations
La Constitution française, le Code pénal et le Code du travail affirment l'égalité entre les citoyens et inscrivent la discrimination comme délit puni par la loi.
Un salarié s'estimant victime de discrimination peut saisir le Défenseur des droits, afin d'intenter une action en justice, ou porter plainte auprès du conseil des prud’hommes (civil) ou encore auprès du procureur de la République (pénal).
Deux règlementations imposent des quotas en faveur de la diversité :
les personnes en situation de handicap : un minimum de 6 % de travailleurs handicapés doivent être présents dans les entreprises ;
la parité hommes / femmes : un quota de 40 % de femmes est obligatoire dans les conseils d’administration.
Une personne sur quatre déclare avoir été victime de discrimination au travail ou dans sa recherche d'emploi au cours des cinq dernières années (selon le 11e baromètre sur la perception des discriminations dans l'emploi, réalisé par le défenseur des droits).
La lutte contre les discriminations est un terrain privilégié pour la prévention car le cadre légal français ne suffit pas à rétablir les équilibres. En fonction des types de discrimination, vous pouvez vous orienter vers des ressources spécifiques, par exemple :
sur l'égalité femmes / hommes, le Guide de bonnes pratiques du gouvernement ;
sur les seniors, un dossier sur les solutions possibles ;
sur la religion, un guide pratique du fait religieux dans les entreprise, etc.
Voici un exemple : la lutte contre les discriminations dans les embauches :
Enjeu éthique n°4 : bien-être et bientraitance
Le bien-être
Il est l'aboutissement du constat que la pression exercée sur les salariés devient contre-productive à long terme. Ainsi, les conflits relationnels et organisationnels, ainsi que les comportements illicites qui relèvent du harcèlement sexuel ou moral :
pénalisent la performance ;
provoquent des recours en justice qui sont un coût significatif pour les personnes et les organisations en termes économique, de performance et d’image.
Voici 5 bonnes pratiques favorisant le bien-être. Pour savoir comment concrètement les mettre en œuvre, vous pouvez cliquer sur les liens qui vous renvoient vers des cours. :)
Fixer des objectifs SMART aux autres et à vous-même.
Actionner le levier de la reconnaissance, donner et recevoir un feedback éthique.
Adopter une communication positive.
Veiller à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, avec 3 angles d'action :
en améliorant l’efficacité professionnelle (gestion du temps, réunions) ;
en aménageant les temps de travail et de congés, en décourageant le présentisme, en évitant appels et emails hors du temps travaillé ;
en prenant en compte la parentalité. Par exemple, une charte de la parentalité a été initiée en 2008 par SOS Prema et L’Oréal.
Former toutes les équipes à la gestion éthique du conflit.
La bientraitance
La bientraitance est un ensemble de comportements de respect, de bons soins, de manifestations de confiance et d'aide envers des personnes en situation de vulnérabilité. La bientraitance amène donc à s'adapter aux personnes vulnérables, et non l'inverse. Elle vise l'autonomisation des personnes.
Cela concerne donc tout particulièrement les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, dont en particulier le champ médico-social.
Enjeu éthique n°5 : la protection des systèmes d'information et des données personnelles
Que devient la notion de vie privée dans notre société numérique ? Peut-on sans précautions utiliser des données personnelles ?
La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) devient l’autorité nationale de contrôle. Elle prend en charge la publication de référentiels, de codes de bonne conduite et de règlements types.
Un droit à l’information de la personne est créé. Les personnes exercent un droit d’accès, de rectification et d’effacement des données les concernant.
Le traitement de données personnelles relatives à l’origine ethnique, aux opinions politiques, convictions religieuses ou philosophiques ou à l’appartenance syndicale est interdit.
Il est également interdit de traiter des données génétiques ou biométriques aux fins d’identifier une personne physique, des données concernant la santé ou la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne.
Pour les mineurs de moins de quinze ans, le consentement des titulaires de l’autorité parentale est nécessaire pour le traitement des données personnelles.
Enjeux éthiques | Définition |
Utilisation licite, légitime et loyale | Les données doivent être obtenues, collectées, analysées ou utilisées de toute autre manière par des moyens licites, légitimes et loyaux. |
Compatibilité de l’utilisation des données avec la finalité | Toute utilisation de données doit être compatible, pertinente et non excessive par rapport aux finalités pour lesquelles les données ont été obtenues. La finalité du traitement des données ne peut être changée, à moins que ce ne soit sur une base légitime. |
Évaluation des risques, des préjudices et des avantages | Elle doit être réalisée selon une procédure systématique avant toute nouvelle utilisation de données ou tout changement substantiel de leur utilisation (notamment la finalité). Des mesures adéquates d’atténuation des risques devraient être prises. |
Obligation de moyens sur la sécurité des données | Elle est essentielle pour garantir leur confidentialité et leur protection. Cette obligation doit inclure un suivi efficace de l’accès aux données et des procédures de notification des violations des données. |
Conservation et minimisation des données | L’accès aux données, leur analyse et toute autre utilisation qui leur est réservée doivent être limités au minimum nécessaire pour atteindre la finalité pour laquelle les données sont traitées. |
Mais la loi ne couvre pas totalement les risques éthiques en matière de données personnelles.
Cartographiez les risques éthiques liés à votre métier
Ces risques, que vous pouvez rattacher aux 5 catégories, sont détaillés ici en fonction des métiers. Ce tableau cible les risques liés à votre fonction ou votre équipe :
Métiers | Risques éthiques |
Gouvernance |
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Achats |
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Recherche |
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Marketing* |
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Technique - production |
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Comptabilité - finance |
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Commercial |
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International |
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Informatique* |
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Ressources humaines |
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Management et vie des équipes |
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En résumé
Toute organisation est concernée de près ou de loin par ces 5 catégories d'enjeux éthiques, et c'est un champ d'intervention considérable.
Vous devez également identifier les risques éthiques spécifiques à votre fonction.
Vous pouvez ainsi remplir la cartographie des risques de votre métier dans votre guide :
Les risques généraux sont en priorité 2, dans la mesure où la responsabilité est partagée avec d'autres métiers. Elle est donc peut-être gérée de façon centralisée, et l'enjeu est surtout de vous tenir informé. Si rien n'est prévu, vous pouvez prendre l'initiative.
Les risques "métier" sont en priorité 1 par rapport aux risques généraux parce que :
vous avez une responsabilité directe ;
vous possédez l'expertise de la fonction/l'activité ;
la sanction sur la performance est la plus immédiate.
Vous avez passé en revue les 5 grands enjeux éthiques. Vous avez ensuite spécifié les risques éthiques propre à votre activité. Vous disposez maintenant de la cartographie des risques de votre métier. Il est temps de contacter ceux qui travaillent éventuellement sur le sujet dans votre organisation afin d'approfondir les divers thèmes, d'obtenir informations et formation !