Planifier la demande c’est déjà la prévoir, et pour y parvenir il est bon de suivre quelques étapes :
Définir la prévision dite « maître », résultat des historiques de vente et marketing.
Définir la prévision au niveau article ou client.
Respecter le périmètre de chacun : le directeur Marketing est responsable du résultat des prévisions, tandis que le responsable Supply Chain est chargé de la conformité de la méthode.
Il existe des facteurs impactant la prévision, pouvant même dans certains cas déstabiliser l’organisation du fait des besoins saisonniers, exceptionnels, etc.
Caractéristiques de la demande
Le besoin client est en constante évolution, en perpétuel changement, ce qui implique des répercussions sur nos approvisionnements, notre fabrication, notre distribution, notre stockage.
Pendant de longues années et encore dans certaines organisations, les méthodes de réapprovisionnement traitaient les produits indépendamment les uns des autres ; mais dans les années soixante, Joseph Orliky, ingénieur chez IBM, mit en évidence que la demande pouvait être dépendante ou indépendante.
Une demande dépendante n’existe que parce qu’elle dépend d’autres produits, c’est-à-dire que le besoin d’un article utilisé dans la nomenclature d’un produit fini dépend de la demande de ce dernier.
Une demande indépendante n’est pas liée à d’autres produits ; prenons le cas des besoins de pièces de rechanges.
Une demande peut donc être à l’instant T soit dépendante soit indépendante du produit fini, comme notre pièce de rechange qui peut être utilisée dans la fabrication du produit fini ou servir à dépanner le client.
La source de la demande sera prise en compte par Joseph Orliky qui développera une méthode d’approvisionnement, le “Material Requirements Planning” (MRP), en vue de lier la consommation des composants à la consommation des produits finis, afin de réduire le stock de composants et de faciliter la fabrication des produits finis (voir chapitre précédent).
Tendances
Saisonnalité
La rentrée des classes est, par exemple, un événement représentatif des enjeux de la saisonnalité. Chaque année, toujours sur la même période, des pics et des creux sur les courbes de ventes, ce que l’on appelle la saisonnalité des ventes.
La saisonnalité est un paramètre essentiel à considérer pour garantir le bon stock, au bon moment, au bon endroit, en quantité suffisante.
Il est donc impératif de savoir gérer et d’anticiper les pics de demande, et de supprimer le risque de rupture. C’est pour cette raison que l’on utilise des outils de gestion type S&OP pour Sales & Operations Planning, inventé en 1984 pour optimiser la gestion des opérations (achats, production, supply chain) en vue de répondre au mieux aux trois fondamentaux du besoin client (qualité – coût – délai).
C’est un processus formel qui engage l’intégralité des maillons et des fonctions de l’entreprise, en vue de déployer sa stratégie dynamique. La conséquence directe de cet outil est de passer d’un management axé sur le contrôle à un management autonome.
Enfin, nous passons d’une gestion de la demande axée sur les prévisions de ventes à la gestion de la demande.
Aléatoire
La demande est sujette à des évolutions imprévisibles, comme les consommations impactées par les phénomènes météo.
Stable
La demande peut varier d’une période à l’autre, mais reste relativement stable sur la période.
Prévisions et gestion des commandes clients
Prévisions
Il s’agit là de donner une orientation pour la prévision et la gestion des commandes clients ; c’est aussi garantir un juste équilibre entre la charge générée par la demande et les capacités de la supply chain.
En effet, il s’agit de définir les horizons de planification, ces derniers étant eux-mêmes définis par le délai de mise en œuvre de décisions portant sur les objets les plus critiques : matière première, fournisseurs, composants, opérations spécifiques/techniques, etc.
On distingue deux types de prévisions :
les méthodes qualitatives que l’on utilise principalement pour des prévisions dites tactiques (consolidées et basées sur l’intuition et le jugement, initiées par les experts) ;
les méthodes quantitatives nécessaires pour l’élaboration des prévisions opérationnelles, détaillées au niveau article. Il s’agit de prévisions issues d’analyses rationnelles de la demande, que l’on doit toutefois valider avec nos experts Marketing et commerciaux.
Ces méthodes quantitatives se classent en deux catégories :
les méthodes intrinsèques, la demande future est corrélée aux ventes réalisées sur ce produit dans le passé, et pour un nouveau produit, nous utiliserons les données de référence similaires pour une même gamme, complétée par des études marketing.
Le modèle de calcul est le suivant : Ventes = Saisonnalité x (Moyenne + Tendance) ;
les méthodes extrinsèques : la demande des produits est corrélée à l’activité d’un ou plusieurs secteurs, comme par exemple la sidérurgie et l’automobile.
Pour cela, nous verrons qu’il est possible de planifier et gérer les commandes à l’aide de solutions et outils : le processus Sales & Opérations Planning, S&OP, est le processus de mise en adéquation de la demande et des ressources d’une activité au niveau global de l’organisation. Il offre la possibilité de se projeter sur 12 à 18 mois, à condition bien évidemment que les adaptations et décisions d’ajustement de la capacité soient opérées en temps et en heure.
Cliquez ici pour afficher le schéma du processus décisionnel d'arbitrage en plein écran.
Pour l’utiliser, il est nécessaire de suivre quelques règles :
segmentez la demande +/- 10 familles technologiques représentatives de la charge des ressources critiques que l’on aura identifiées ;
définissez les règles de calcul des plans de charges et leur valorisation ;
structurez les liens avec les processus opérationnels de planification de la supply chain, la vente, le plan de production (PDP), le plan d’approvisionnement…
Moyennes mobiles
La méthode des moyennes mobiles se traite en deux temps et permet de lisser les prévisions de la demande par rapport à l’évolution permanente des ventes.
Dans un premier temps, il s’agit de calculer la moyenne des ventes sur une période donnée et d’effectuer les moyennes, en vue de dresser une moyenne de deux moyennes mobiles. Regardons l’exemple suivant :
| Trimestre 1 | Trimestre 2 | Trimestre 3 | Trimestre 4 | Moyenne annuelle |
2016 | 150 | 170 | 139 | 201 | 165 |
2017 | 160 | 200 | 250 | 180 | 197,50 |
2018 | 320 | 350 | 380 | 290 | 335 |
La moyenne mobile non centrée.
Soit la moyenne de 4 trimestres consécutifs :
moyenne 1 : (150+170+139+201) / 4 = 165
moyenne 2 : (170+139+201+160) / 4 = 167,50
moyenne 3 : (139+201+160+200) / 4= 175
La moyenne mobile centrée de deux moyennes non centrées consécutives :
(M1 + M2) / 2= (165 + 167,50) / 2 = 166,25
(M2 + M3) / 2 = (167,50+175) / 2 = 171,25
(M3 + M4) / 2 = (175+202,75) / 2 = 188,75
(M4 + M5) / 2 = (202,75+197,50) / 2 = 200,12
Prévisions de lissage exponentiel
La méthode de lissage exponentiel consiste à extrapoler la demande future à partir de données issues d’un historique de vente, présentant une tendance et une saisonnalité marquées.
La prévision de la nouvelle période (Pn+1) est égale à la prévision de la période précédente (Pn) plus un pourcentage (a) correspondant à l’erreur de prévision de la période antérieure (Rn – Pn).
Pn+1 = Pn + a(Rn – Pn) = a Rn + (1 – a) Pn
Rn = ventes réalisées lors de la période précédente ;
a = coefficient de lissage compris entre 0 et 1 (plus il est proche de 1, plus le poids des informations récentes est important et plus le lissage est réactif aux variations des ventes).
Chaque composante de l’historique est remise à jours séparément à chacune des périodes de l’historique
moyenne M : Mn = a (Rn / Sn-p)+ (1- a) (Mn-1 + Tn-1) ;
tendance T : Tn = β(Mn – Mn-1) + (1- β) Tn-1 ;
saisonnalité S : Sn = χ (Rn/Mn) + (1- χ) Sn-p.
Avec a, β, χ comme coefficients de lissage respectifs de la moyenne, la tendance et la saisonnalité. P est la période de saisonnalité, soit le plus souvent l’année (12 mois). Pour initialiser les composantes suivantes, procédons ainsi :
moyenne M = moyenne sur la période précédente de saisonnalité ;
tendance T = 0 ;
saisonnalité S = saisonnalités x (Rn / moyenne de la période de saisonnalité précédente.
Par conséquent, la prévision à la période n+h se calcule ainsi :
Pn+h = (Mn + h x Tn) x Sn+h-p
Prenons un exemple :
Nous prenons pour coefficient de lissage :
A = 0.3 - β = 0.1 - χ = 0.2
Exemple de calcul de moyenne mensuelle
M = 0.3 * (263.9 / 0.7) + (1-0.3) * ( 571.3+0) = 512.6
soit la saisonnalité de janvier n-1 est Sn-p
T = 0.1* ( 512.6-571.3) + (1-0.1)*0 = -5.9
S = 0.2 * (263.9 / 512.6) + (1-0.2) *0.7 = 0.67
Pn+h = (512.6-7*5.88) * 0.62 = 294
Suivez les prévisions
Suivre les prévisions est un exercice compliqué, car le besoin client est en perpétuelle évolution, et nous devons suivre le marché.
Ce qui caractérise le mieux ce phénomène, c’est l’effet « coup de fouet » illustré par les courbes suivantes :
L’effet « coup de fouet » ou "Bullwhip effect", mis en évidence par le théoricien des systèmes J. Forrester en 1961, symbolise l’amplification des variations de la courbe des prévisions des ventes. Quand une variation est détectée au niveau du client, elle s’amplifie en remontant chaque maillon de la chaîne logistique, ce qui induit des à-coups sur les unités de production.
Cette amplification s'explique par les tailles de lot et surtout le manque de communication entre les processus de production, ou encore les délais de traitement de l'information, qui prennent en compte, chacun à leur niveau, la variabilité de la demande du processus aval, avec une marge de sécurité.
L'évolution subie du besoin, par chaque processus, n'étant pas coordonnée, l'augmentation des stocks intermédiaires (muda) pour faire face à une éventuelle répétition de cette variation de la demande, s'amplifie en remontant la chaîne de la valeur.
Cela agit d'ailleurs sur la demande elle-même qui, constatant un manque de réactivité de la production, risque d'anticiper avec une marge de sécurité du besoin.
L'approche Lean, et en particulier son pilier juste-à-temps, permet de contrer l'effet coup de fouet par la mise en place d’un :
supermarché de produits finis qui agit comme un tampon capable d'absorber ces variations ;
flux tiré, qui instaure un dialogue entre les processus amont et aval, permettant de faire remonter la consommation réelle du client à toute la chaîne de la valeur ;
lissage de la production et d’une réduction des tailles de lots, qui permettent de répondre avec une plus grande flexibilité aux évolutions de la demande client (on produit de tout, tout le temps).
Pour réduire l’effet coup de fouet :
Se baser sur les besoins réels et non sur les prévisions.
Partager l’ensemble des informations sur toutes la chaîne.
Échanger les prévisions de vente entre les acteurs pour réduire les marges de sécurité, “le cas où”.
Étudier la pertinence de la fabrication par lots, et non selon la demande.
Réduire le nombre d’intermédiaires dans la chaîne logistique.
CPFR
Le CPFR signifie “Collaborative Planning, Forecasting and Replenishment”, ou comment confier au fournisseur l’approvisionnement des entrepôts et/ou des magasins. Cela implique la mise en place de règles de gestion et de collaboration définies dans un contrat. On parle de pilotage collaboratif des prévisions de ventes, des plannings de production et d’approvisionnement.
Les avantages que procurent cette collaboration :
Pour l’industriel :
lissage des approvisionnements ;
pérennité de son référencement chez le distributeur ;
davantage de visibilité et de réactivité sur des approvisionnements.
Pour le distributeur :
fiabilité de l’approvisionnement qui garantit du stock en linéaire ;
un temps de gestion des approvisionnements redéployé sur le conseil et la vente en magasin.
Pour l’industriel et pour le distributeur :
augmentation du taux de service pour le client final, en intégrant les stratégies commerciales des acteurs dans le processus de planification ;
réduction des ruptures et augmentation du chiffre d’affaires ;
réduction des surstocks (muda) sur l’ensemble de la supply chain.
Méthodologie à suivre en vue d’une optimisation de notre future collaboration :
Élaborer un accord de coopération + règles de confidentialité (rôles des acteurs et indicateur de performance communs).
développement d’un plan commercial commun (objectif de niveau de stock – capacité de production et approvisionnement – tendance du marché).
Établissement des prévisions de ventes et de demandes consommateurs.
Proposition de prévisions (à ce stade non validée).
Validation des prévisions.
Plan d’approvisionnement de l’industriel (en tenant compte des contraintes et des capacités de production).
Identifier les ordres planifiés et fermes non validés.
Lancement des commandes et de la fabrication.