Avec le raccourcissement du temps de vie des produits, l'amélioration continue post-conception devient insuffisante pour garantir la compétitivité d’une entreprise industrielle. En effet, les gains réalisés en termes de coûts ne sont visibles qu’à long terme pour la plupart, et restent trop souvent bridés par des coûts incompressibles engagés dès la phase de conception.
Dans ces conditions, sur quels autres leviers pouvons-nous nous appuyer ? Se préoccuper des coûts et les fixer dès la conception, c'est ce que propose la méthode "Design to Cost" !
Découvrez la "conception à coût objectif"
Bien plus qu’une méthode de "cost cutting" ("réduction des coûts"), le "design to cost", ou conception à coût objectif, en français, encourage à remettre en cause toute la chaîne de conception, de la définition du cahier des charges jusqu’à la mise en place de la production série. Pour cela, appuyez-vous sur 5 règles d’or :
Fixez dès le départ un objectif de coût final ambitieux ! Cet objectif constituera le moteur de la créativité des équipes.
Ayez les idées claires sur les besoins exacts du client ! Votre solution doit répondre aux besoins du client au plus juste, c'est-à-dire ce qu’il est prêt à payer.
Valorisez toutes les fonctionnalités attendues et challengez-les ! Le coût d’une fonction est-il réellement en rapport avec la valeur ajoutée au produit ?
Brisez les barrières et soyez collaboratifs ! Le succès de la démarche repose sur la participation de l’ensemble des services (bureaux d’études, achats, industrialisation, vente/marketing…), et des fournisseurs clés dans la recherche de solutions.
Engagez-vous ! La direction générale doit être moteur pour aligner l’ensemble des parties prenantes sur les objectifs, et valider les arbitrages nécessaires.
Tout le travail d'analyse fonctionnelle et de rédaction du cahier des charges en amont est indispensable. C'est une démarche globale qui, une fois de plus, doit fédérer tous les services de l'entreprise. Mais pour pouvoir fixer un coût réaliste, réalisable et satisfaisant, vous devez en comprendre les tenants et les aboutissants.
Appréhendez la notion de coûts
Il existe 4 types de coûts :
les coûts fixes sont les charges qui n'évoluent pas en fonction de l'activité de l'entreprise. Par exemple : son loyer ou son assurance ;
les coûts variables sont les charges qui varient en fonction de l'activité de l'entreprise. Par exemple : les frais de transport, les coûts énergétiques (essence, électricité) ;
le coût direct désigne les matières premières entièrement utilisées pour la production d’un bien spécifique, par exemple la main d'œuvre ;
tandis qu’un coût indirect correspond à une charge indispensable pour la production de plusieurs biens différents, par exemple les frais d'administration, de marketing, ou de location des locaux.
Le coût de revient est la somme de ces 4 coûts.
Le ratio "valeur perçue" / "coût payé" est très important à connaître. Ainsi, le prix de vente peut être calculé de différentes manières :
le coût de revient + un pourcentage de marge ;
ou le montant que le client est disposé à payer.
L'image que véhicule votre marque est très importante en termes de qualité, de démarche environnementale, etc. Plus votre marque aura des coûts, plus vous pourrez augmenter la valeur perçue.
Une méthode qui vous aidera à optimiser vos coûts et qui est largement utilisée dans l'industrie est la méthode FAST.
Utilisez la méthode FAST et les coûts par fonction
La méthode FAST, pour Function Analysis System Technique, a pour objectif d'analyser les fonctions de services que délivre un produit afin de les améliorer. Les fonctions de service sont obtenues à partir des fonctions techniques, qui elles-mêmes proviennent de solutions techniques. Ces dernières répondent à un besoin.
Rassurez-vous, c'est un outil graphique : avec le schéma, tout vous paraîtra plus clair. :o
Il se lit de gauche à droite : en partant d'une fonction de service, on recense toutes les fonctions techniques et on associe les solutions technologiques définies. Il est basé sur une méthode interrogative : pour chaque fonction technique indiquée dans un rectangle, vous devez représenter autour les réponses aux questions suivantes :
Pourquoi une fonction doit-elle être assurée ?
Comment cette fonction doit-elle être assurée ?
Quand cette fonction doit-elle être assurée ?
Le diagramme se schématise comme suit : de gauche à droite, on lit en "comment" jusqu'à la solution constructive ; de droite à gauche on lit en posant la question "pourquoi".
Prenons l'exemple du pilote automatique de bateau. Une de ses fonctions principales de service est : « Maintenir le cap ». Le diagramme FAST sera alors :
ll vous faudra réaliser un diagramme FAST pour chacune des fonctions de service, notamment des fonctions contraintes. L'une des fonctions contraintes ici pourrait être « résister à l'humidité ».
À vous de jouer ! Prenez quelques minutes pour réaliser le diagramme FAST de la fonction "résister à l'humidité" de notre produit.
Vous avez terminé ? Voici ma proposition !
Ainsi la méthode FAST est, comme l'AMDEC, un travail qui se réalise en équipe. Le diagramme permet d'avoir une vision globale de toutes les fonctions et de leurs interactions. Elle permet de vérifier que les solutions répondent bien au besoin.
La méthode FAST identifie donc toutes les fonctions en mettant en face la solution technique. Le coût de votre produit correspondra à la somme des coûts de toutes les solutions. Vous allez devoir optimiser la conception et la fabrication en fonction de ces solutions.
Optimisez les coûts avec la matrice d'aide à la décision
Pour optimiser les coûts, vous allez devoir travailler étroitement avec votre service Achats. En effet, tout ce qui s'achète doit passer par ce service qui est compétent en la matière !
Optimiser les coûts, c'est en partie :
optimiser ses achats, par exemple en groupant ses achats, en impliquant les fournisseurs dans les innovations ;
optimiser sa production, grâce aux outils de l'amélioration continue (comme "le juste à temps") ; et ce, dès la conception du produit.
Dans votre projet, il vous faudra prioriser et faire des choix ; cet exercice est loin d'être facile !
Mais comment bien faire ? Nous ne sommes jamais sûrs à 100 % de nos choix... :-°
Les matrices d’aide à la décision sont des outils permettant de classer entre elles des options selon des critères prédéfinis. Elles sont utilisées pour aider à départager plusieurs solutions à un problème ou un objectif donné. Dans le cadre d’un investissement, par exemple, pour faire le choix entre plusieurs offres, on pourra les comparer en termes de coût, de performance, de maintenabilité, de sécurité, etc.
Tableau multicritères
Ce type de tableau permet de classer des solutions selon des critères pondérés. Un critère (le coût, par exemple) peut être deux fois plus important qu’un autre.
Il s'agit bien sûr de critères de jugement ; ce qui implique qu'en fonction de la personne, ils peuvent varier. La pondération peut se faire en utilisant "1/2/3", ou de 1 à 10, ce qui accentuera les écarts.
La loi de Pareto ou 20/80
Plusieurs chercheurs, dont l'économiste italien Vilfredo Pareto, ont constaté que très fréquemment, 20 % d'un ensemble de données représentait 80 % des impacts observés. C'est la fameuse loi des 20/80. Cette loi est utilisable dans de nombreux domaines, et apporte une aide précieuse dans la prise de décision. En effet, elle facilite l'identification des options qui ont le plus d'impact.
Prenons l'exemple d'une livraison non conforme. On a plusieurs raisons, mais dans 80 % des cas il s'agit d'un retard transporteur ou d'un colis perdu. Le graphe nous permet d'identifier facilement les causes sur lesquelles nous devons travailler et porter les améliorations.
Remarques et limites des matrices d’aide à la décision
Malgré cette nécessité de tendre à la plus grande objectivité, ces outils ne sont qu’une aide à la décision, et restent grandement subjectifs. Ce sont, comme leur nom l'indique, des matrices "d'aide". À chaque décision prise, prenez du recul et posez-vous la question du bon sens et de la cohérence. N'oubliez pas que votre capacité à analyser et à réfléchir prime sur l'outil. :o
En résumé de la partie 2
Vous avez pu appréhender dans cette partie les notions indispensables à la conception et au développement d'un nouveau produit. Il ne s'agit pas uniquement d'avoir une idée lumineuse. :magicien:
En effet, la conception d'un produit innovant répond à un processus précis. Si les différentes étapes sont bien suivies, alors votre projet a des chances de réussir. Il est important d'anticiper des éventuelles défaillances, et l'AMDEC est l'outil qui vous permet de mener à bien cette étude de risque. Enfin, le budget et les coûts financiers étant importants, la méthode "Design to Cost" vous permettra de gérer au mieux les dépenses liées au projet.
Une fois le quiz suivant réalisé, je vous invite à découvrir comment l'innovation fait aujourd'hui partie intégrante de l'industrie. Sa place devient primordiale et son utilisation incontournable. Rendez-vous dans la partie suivante !