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J'ai tout compris !

Mis à jour le 04/03/2022

Repérez les pièges argumentatifs

Faire preuve d'esprit critique dans une conversation ou un débat n’est pas toujours facile. Et pour cause : les discours et discussions sont parfois truffés d’arguments douteux qu’il faut savoir repérer… Bonne nouvelle, tout cela s’apprend ! Dans cette troisième partie du cours, nous allons découvrir les pièges argumentatifs dans lesquels on peut facilement tomber, et trouver des parades pour les déjouer.

Identifiez l’origine des pièges argumentatifs

Quand on discute avec une autre personne, pourquoi ne se comprend t-on pas toujours ?

Il existe des tas de perturbateurs, qui peuvent générer des problèmes d’émission d’abord, et des problèmes de réception par l’interlocuteur.

Nos communications sont influencées par plusieurs phénomènes :

  • L’utilisation intuitive du langage : lorsque nous parlons, le message transmis dépend aussi d’autres signaux que les mots prononcés. L’intonation de la voix, le regard, la posture, voire le champ lexical, sont autant d’éléments pouvant influer sur le sens d’un mot, d’une phrase. Si l’on veut se faire comprendre sans ambiguïté, il est important d’être vigilant à ces “éléments de langage”... D’autant plus que ceux-ci nous semblent parfois totalement naturels !

  • Notre propre perception de la réalité : celle-ci dépend de notre culture, de notre humeur, de notre contexte… 

  • Le rejet des dissonances cognitives : souvenez-vous que nous détestons “naturellement” avoir tort et remettre en question notre vision du monde. Afin que le point de vue de notre interlocuteur s’accorde au nôtre, nous allons parfois déformer quelques réalités, de façon consciente ou non. Nous allons même parfois tenter de le convaincre, voire de le persuader.

D’un interlocuteur à un autre, les informations peuvent donc se déformer. Plusieurs facteurs en sont responsables : le manque de temps, la mauvaise foi, la flemme, l’écoute sélective… Et nos biais cognitifs interviennent aussi dans les discours, les discussions, les débats !

Pour limiter ces problèmes de communication, voici quelques conseils :

  1. Mettez-vous d'accord sur la définition des termes au début de la conversation, pour éviter les quiproquos.

  2. Proposez à votre interlocuteur de reformuler, avec ses propres mots, ce qu’il a compris de votre message.

  3. Pratiquez l’écoute active.

  4. Prenez le temps nécessaire pour comprendre votre interlocuteur et transmettre votre message.

  5. Faites preuve d'humilité intellectuelle : n’hésitez pas à donner un “indice de sûreté" lorsque vous avancez une information, surtout si vous n’en êtes pas tout à fait certain.

  6. Ne catégorisez pas l'autre en fonction de ses propos, vous pourriez alors vous enfermer dans une discussion peu constructive.

Distinguez les bons des mauvais arguments

Qu’est-ce qu’un argument ? 🤔

Un argument est une affirmation présentée à l'appui d'une démonstration. Mais… certains arguments sont plus recevables que d’autres ! Pour faire preuve d’esprit critique lors d’un débat, il est essentiel de distinguer les bons des mauvais arguments.

Lors d’un échange verbal, il existe deux cas :

  1. Vous cherchez à convaincre, mais sans volonté de tromper. Votre discours, même s’il est faux, est honnête.

  2. Votre objectif est de faire valoir votre argumentation coûte que coûte. Quitte à mentir et tromper votre interlocuteur. Remporter l’adhésion à votre opinion l’emporte sur votre intégrité.

Dans tous les cas, le résultat est le même, votre interlocuteur ou le public peut voir son point de vue potentiellement bousculé... Mais pas pour de bonnes raisons ! On entre dans le champ de la manipulation. ⚠️

Selon La Théière Cosmique, il est possible de démontrer avec certitude si un argument est bon ou mauvais. Il y aurait trois critères définissant un bon argument :

  1. Il ne contient que de vraies propositions ou affirmations. C’est ce qu’on appelle des prémisses.

  2. Il ne contient aucun raisonnement ayant l'apparence de la vérité, mais en réalité faux et non concluant. Ce type de raisonnement est un sophisme. Il est généralement avancé avec mauvaise foi, pour tromper ou faire illusion.

  3. La conclusion découle nécessairement des prémisses.

Seul un argument respectant ces trois critères serait recevable. Si un argument est bon, alors vous devez nécessairement accepter ses conclusions. Si un argument est mauvais, alors vous devez nécessairement le rejeter.

N’oubliez pas que vous pouvez choisir de refuser une conversation ou un débat. Vous pouvez vous appuyer sur cet arbre de décision, inspiré de Christophe Michel, animant la chaîne YouTube Hygiène Mentale.

Si vous êtes prêt à :  - changer d'avis - ne pas utiliser d'arguments fallacieux - respecter les règles de la logique Alors vous pouvez mener la discussion avec votre interlocuteur, de façon constructive.
Arbre de décision - Accepter ou non une discussion

Repérez les moisissures argumentatives

Le CORTECS, « Collectif de recherche transdisciplinaire esprit critique & sciences », met à disposition sur son site une ressource pédagogique nommée « Petit Recueil de 25 moisissures argumentatives pour concours de mauvaise foi », accessible sous forme d’une page web ou d’un livret très accessible. Cet outil a vocation à nous éclairer sur les pièges argumentatifs dans notre discours et celui des autres.

Il définit trois catégories de sophismes :

  1. Les erreurs logiques : par exemple, tirer des généralités à partir d’un échantillon non représentatif, faire des analogies douteuses, créer de faux liens de cause à effet...

  2. Les attaques : il s’agit de techniques qui ont souvent pour objectif de décrédibiliser l’interlocuteur, par exemple en l’attaquant personnellement, en le comparant à un personnage servant de repoussoir...

  3. Les travestissements : il peut s’agir par exemple de réduire ou déplacer le problème qui est posé, à son avantage.

À vous de jouer !

Il est temps de passer à l’action ! Je vous propose de lire un faux article, et d’essayer d’identifier les trois types de sophismes suivants :

  1. L’argument d’autorité (ou argumentum ad verecundiam) : convoquer une personnalité faisant ou semblant faire autorité dans le domaine concerné.

  2. L’appel à l’ignorance (ou argumentum ad ignorantiam) : prétendre que quelque chose est vrai seulement parce qu’il n’a pas été démontré que c’était faux, ou que c’est faux parce qu’il n’a pas été démontré que c’était vrai.

  3. Le faux dilemme : réduire abusivement le problème à deux choix pour conduire à une conclusion forcée.

Saurez-vous reconnaître les sophismes 1,2 et/ou 3 dans le faux article suivant ?

Télétravailler : de multiples problèmes à résoudre...

Face au confinement, lors de l’épisode de pandémie de Covid-19 de 2020, le télétravail a vu le nombre de ses adeptes fortement progresser. Il apparaît dorénavant clairement deux groupes : les télétravailleurs, et ceux qui refusent cette activité. Par ailleurs, le taux d’équipement ne cesse de s’améliorer, mais le choix des moyens de connexion reste limité : avec ou sans fil.

Madame Denoisia, responsable des ressources humaines chez un géant du jouet européen, et présidente de l'Association française de la communication interne, reste catégorique : la flexibilité des solutions sans fil des quatre opérateurs nationaux n’atteindra jamais la fiabilité d’un câble Ethernet avec des débits allant jusqu'à 10 Gbps ! De son côté, l’expert en TMS (troubles musculosquelettiques), le Pr Chartier, chef du service Pathologies et ergonomie du poste de travail à la Pitié, nous mettait en garde : “[...] les mauvaises installations à domicile génèreront rapidement des problèmes de posture inhérents à la multiplication des télétravailleurs”. De son côté, son collaborateur, le Dr Malouani, responsable du laboratoire de phytothérapie et bien-être de la FNMD (Fondation nationale des médecines douces), complétait lors d’une interview : “Nos protocoles de tests n’attendent qu’à être utilisés. Dans l’attente que les études que nous recommandons soient réalisées, l’homéopathie n’a pas pu montrer l’absence de bénéfices dans le traitement des TMS. Depuis des années, nous élaborons des solutions extrêmement sérieuses, comme BOTANICA MUSCLA 9 CH ou ALOE MINUSICA 13 CH.”. Enfin de bonnes nouvelles pour nos lecteurs qui envisagent de pratiquer le télétravail.

Alors ? Où se cachaient donc les mauvais arguments dans ce texte ?
  1. L’argument d’autorité : il apparaît 2 fois. Une première lorsque madame Denoisia est citée comme légitime, sur un sujet qui semble sortir de son champ de compétences. La deuxième fois en citant le Dr Malouani, dont le titre de docteur ne présume en rien de ses connaissances en médecine. Ce docteur n’est responsable que du laboratoire d’une fondation, cela n’est pas un critère suffisant pour accorder de la crédibilité à ses propos.

  2. L’appel à l’ignorance est utilisé par le même Dr Malouani. Il insiste, de façon détournée, sur le fait que la recherche n’a pas voulu démontrer l’absence d’effets bénéfiques des produits homéopathiques cités. Mais c’est surtout parce que les protocoles réclamés ne sont pas scientifiques. De fait, cela ne prouve pas pour autant d’effets bénéfiques avérés.

  3. Les faux dilemmes : on en compte deux dans le texte. Le premier lorsque l’auteur impose deux uniques catégories de travailleurs : les télétravailleurs et “ceux qui refusent”. Il est aisé d’imaginer de nombreuses alternatives entre ces deux populations, en imaginant simplement des personnes qui ne “télétravaillent” que ponctuellement. Le deuxième faux dilemme est utilisé par madame Denoisia lorsqu’elle oppose la flexibilité des solutions de connexion 3G, 4G et bientôt 5G à la fiabilité d’une connexion câblée. De nouveau, un simple exemple d’alternative suffit à pointer le faux dilemme. Par exemple, le Wi-Fi en entreprise peut être extrêmement fiable et en même temps, très flexible (tant pour les utilisateurs que pour les responsables informatiques, d’ailleurs).

Cet exercice montre parfaitement la problématique soulevée par la loi de Brandolini : « La quantité d'énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure d'un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire. »

Réalisez un jeu d’équipe

Vous voulez mettre en pratique votre connaissance des moisissures argumentatives ? Je vous propose un petit jeu à réaliser avec votre entourage : « L’Argumento » (en référence au « Disputatio » du Cortecs). Pour jouer, il vous faudra :

  • 1 arbitre ;

  • 2 équipes “d’argumentateurs” d’au moins 2 personnes chacune ;

  • quelques exemplaires du Livret du Cortecs

Prérequis : les joueurs doivent avoir été sensibilisés à la détection des arguments fallacieux.

  1. L’arbitre choisit un thème et tire au sort le groupe « pour » et le groupe « contre ». 

  2. Après quelques minutes de réflexion/préparation, la première équipe à jouer devra formuler un argument fallacieux pour défendre le point de vue qui lui a été attribué. 

  3. Si la deuxième équipe reconnaît le sophisme, les deux équipes gagnent un point. Si elle formule en retour un argument valide pour défendre son point de vue, elle gagne un point supplémentaire.

  4. À son tour, enfin, elle formule un argument moisi que la première équipe devra reconnaître, et ainsi de suite. 

La fin de la partie sera définie en amont, basée sur le temps, le nombre de points ou bien encore des challenges : par exemple « utiliser 2 arguments de chaque catégorie », ou bien « faire en sorte que l’équipe adverse reconnaisse 4 sophismes consécutifs ».

Allez plus loin

Pour conclure ce chapitre, je souhaite vous donner l’opportunité de vous approprier un dernier outil, efficace pour lutter contre le complotisme et détecter le dénialisme scientifique

Il s’agit du FLICC, appelé PACiFiE en français. Quand un discours ou une proposition qui vous semble “trop quelque chose” : trop beau, trop facile, trop simpliste, trop évident, trop rageant, trop sensationnel, trop émouvant… Dès qu’une information semble s’adresser plus à vos émotions qu’à votre raisonnement, votre “radar à désinformation” devrait immédiatement s’enclencher !

En résumé

L’écoute attentive d’une publicité, d’un discours politique, ou le débat avec votre tante lors d’un repas de famille ne sera plus le même avec un détecteur de moisissures argumentatives. Celui-ci vous permet de contrer une mauvaise argumentation et surtout, vous protège contre votre propre usage de ces arguments peu honorables… Une fois de plus, le principal écueil à éviter reste donc la « poutre dans notre œil… ». Prévenir l’usage de sophismes dans nos discussions, nos débats, fait encore appel à la métacognition, puisqu’il vous sera demandé de vous écouter argumenter pour y déceler ces égarements. Dans ce chapitre, nous avons donc mis en lumière les faits suivants : 

  • Nous abusons parfois des arguments fallacieux pour persuader l’autre, alors qu’une bonne argumentation permet de convaincre. 

  • Une discussion peut être “cadrée” par des règles du jeu (et c’est bien !).

  • Les sophismes peuvent être classés. Cela s’avère très pratique pour identifier le type de réponses à apporter.

  • Des outils d’analyse, comme le PACiFiE, permettent d’aborder plusieurs problématiques, comme celle du complotisme, par exemple.

Rendez-vous dans le chapitre suivant pour vous construire un kit d'analyse critique… Notre dernier chapitre avant que vous terminiez ce cours avec brio ! 

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