Découvrez comment chaque métier de l’entreprise est impacté
Comme nous l’avions vu au début de ce cours, chaque entreprise évolue dans un secteur donné, et chaque collaborateur dans un métier donné.
Vous savez déjà que c’est la SNBC (stratégie nationale bas-carbone) qui fournit la feuille de route de décarbonation de chaque secteur économique.
Nous allons maintenant aborder dans cette partie les enjeux et leviers pour chacun des grands métiers de l’entreprise. Que celle-ci soit dans le secteur primaire (agriculture et ressources naturelles), secondaire (industrie) ou tertiaire (services).
Commençons par les métiers de la recherche, du développement et de l'innovation. Ils sont avant tout des métiers de création de nouveaux produits et services.
Mais comme toute technologie, celle-ci peut être bénéfique à l'humanité ou destructrice. Les innovations ont des répercussions ! Le numérique lui-même est tout sauf virtuel. Il a de nombreuses conséquences, sur lesquelles nous reviendrons un peu plus loin en parlant des métiers de l’IT.
Identifiez les impacts écologiques
Tout produit ou service a des impacts environnementaux que l’on peut classer par type d’impact :
ressources naturelles ;
effet de serre (CO2) ;
toxicité humaine ;
création d’oxydants ;
couche d’ozone ;
eutrophisation de l’eau ;
acidification des océans ;
écotoxicité ;
occupation des sols…
Mesurer les impacts pour construire votre feuille de route est une première étape. Vous devez tendre à les réduire.
Comment y parvenir ?
Instaurez les solutions à apporter
Si vous êtes en R&D, vous pouvez agir sur la conception de produits plus vertueux, et écoconcevoir en vous appuyant sur des résultats d’ACV. Voici quelques solutions face aux impacts évoqués.
Questionnez les usages de votre produit ou service
Réduire les impacts au maximum est l'objectif que tout acteur en R&D devrait avoir. Et, à cause de l’effet rebond, il convient de vous questionner sur les usages que permettent les produits ou services sur lesquels vous travaillez.
Il en est ainsi par exemple, dans le domaine de la téléphonie, du passage d’une génération à l’autre : 2G, 3G, 4G, 5G… chacune a connu un effet rebond.
L’effet rebond est aussi connu sous le nom de paradoxe de Jevons, découvert bien avant l’émergence du numérique. Il a été théorisé au 19e siècle à partir de la consommation de charbon en forte croissance, malgré l’efficacité accrue des machines à vapeur. Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à consulter cet article.
Adoptez l’écoconception
L'écoconception est une approche de compromis entre :
les coûts ;
les caractéristiques du nouveau produit ;
et les impacts de ce nouveau produit.
L'écoconception est une approche méthodique qui prend en considération les aspects environnementaux dans le processus de conception et de développement. Le but est de réduire les impacts environnementaux négatifs tout au long du cycle de vie d’un produit ou service.
L’écoconception, c’est donc penser aux conséquences environnementales dès la conception, avec une réflexion globale sur le cycle de vie, tout en assurant la performance du produit.
L’ACV est l’outil privilégié de l’écoconception. Il est très important pour les stratégies RSE des entreprises, car grâce à l’ACV, votre organisation peut réduire l’empreinte écologique de ses produits. La synthèse des résultats d’ACV est donc souvent utilisée dans les rapports RSE des entreprises, et exploitée pour communiquer sur la performance environnementale de ses produits.
Notez qu’il y a différents niveaux d'écoconception d’un produit ou d’un service. Depuis l'amélioration d’un produit et jusqu’à l’éco-innovation, qui va permettre de repenser un usage voire un système, on distingue 4 niveaux.
Niveau 1 : l'amélioration du produit.
Partir du même besoin, et concevoir un même produit, un peu amélioré.
Par exemple, utiliser des matériaux différents pour l'alléger, ou utiliser de nouvelles technologies de phares : passer de la Clio 1 à la Clio 2.
Niveau 2 : la reconception du produit.
Partir du même besoin, et concevoir un nouveau produit avec une nouvelle architecture.
Par exemple, repenser le modèle de la voiture, optimiser chaque sous-système, faciliter le démontage, la réparation, en faire une voiture plus modulaire, multifonction : passer de la Clio 1 à la nouvelle Clio.
Niveau 3 : l’innovation des fonctions.
Partir du même besoin, et concevoir un nouveau produit avec un saut technologique et/ou de nouvelles fonctions.
Par exemple, passer de la motorisation thermique à l'électrique, ou changer radicalement la technologie de production : passer de la Clio 1 à la Clio électrique.
Niveau 4 : l’innovation du système.
Redéfinir et repenser le besoin.
Par exemple, vendre de la mobilité plutôt que des voitures, en s’appuyant sur l'économie de la fonctionnalité : autopartage entre particuliers, en libre service, covoiturage… Passer de la vente de Clio à une flotte de Clio en autopartage.
L'écoconception est donc la méthode pour améliorer vos produits, les rendre plus vertueux. C’est une approche de compromis entre d’un côté les priorités et contraintes du projet, et de l’autre, l’environnement. C’est une véritable opportunité d’innovation produit.
On identifie 7 étapes pour engager une démarche d’écoconception :
Faites de l’innovation radicale
Vous pouvez aussi apporter une innovation radicale (éco-innovation) à l’aide de la roue de Brezet, que nous avons vue dans la deuxième partie du cours.
Explorez alors avec tous les autres métiers de l'entreprise (marketing, production, R&D, innovation) le champ des possibles. Et ce, depuis la relocalisation, en prenant en compte le passage à l'économie circulaire, pour penser un produit radicalement plus vertueux pour la planète tout au long de son cycle de vie.
Vous pouvez ainsi concevoir des produits qui, à fonctionnalités égales, ont une masse moindre. Par exemple, dans l'industrie automobile, fabriquer des voitures légères plutôt que des SUV. Ainsi, vous :
limitez la quantité de matériaux par véhicule ;
réduisez l'intensité des matériaux et composants en augmentant le taux de matières recyclées, et en relocalisant la production en France et en Europe.
Imaginez également de concevoir un produit qui évitera des émissions. Par exemple, l’outil de webmeeting Zoom se substitue à des déplacements physiques.
Ceci dit, attention à l’effet rebond. En effet, le fait de proposer un produit qui évite des émissions ne donne pas pour autant carte blanche. Il est important de penser cycle de vie et écoconception, y compris pour des produits immatériels. L’impact du numérique, nous l’avons déjà évoqué, est aussi très important.
Adoptez l’économie de la fonctionnalité et de la coopération
C’est là où l'économie de la fonctionnalité et de la coopération peut apporter des solutions.
Par exemple, un service de mobilité de personnes qui s'appuierait sur un service de location plutôt que sur la vente d’un véhicule.
Ainsi, Renault vient d’annoncer qu’il veut devenir un acteur majeur des services. Il vient de présenter sa stratégie pour son entité Mobilize, qui proposera des véhicules en location longue durée ou par abonnement, en incluant l'entretien, l'assurance ou la recharge. Les offres destinées aux services d'autopartage ou de livraison urbaine comprendront des véhicules conçus spécialement pour cet usage.
Pensez Low-Tech
Au-delà, et compte tenu de ses impacts environnementaux, on peut se poser la question de la pertinence du produit, de son utilité sociale ou sociétale. C’est là où la Low-Tech peut apporter une réponse adaptée, plutôt que de continuer avec une High-Tech « débridée », dont les impacts doublent tous les 10 ans.
La Low-Tech questionne les usages de la High-Tech. Ainsi, on gardera des innovations High-Tech pour leur utilité sociale ou écologique. La vidéo HD permet par exemple d’offrir des soins de haut niveau (microchirurgie, scanners, télémédecine…). On y renoncera en revanche si c’est pour permettre de regarder des vidéos pornographiques ou des films récréatifs en 8K, alors que l’œil humain ne distingue même pas la différence.
Posez-vous les bonnes questions
Pour Fabrice Bonnifet, président du Collège des directeurs du développement durable, compte tenu de la hauteur de la marche pour respecter les engagements de l'Accord de Paris et aller vers une économie postcroissance sobre, LE point décisif est de questionner la finalité et l'utilité des produits que je conçois.
Quelle est la finalité du produit que je contribue à produire et à vendre ? Est-il réellement utile à une vie de qualité sur une planète durable ? A-t-il une raison d’être dans la société sobre et durable que nous cherchons à construire ? Faut-il le garder ou le supprimer ?
S’il est réellement utile à une vie de qualité, comment le concevoir différemment pour que son impact écologique, environnemental et humain soit le plus faible possible ? Pour ce faire, comment revoir son utilisation pour baisser au maximum ses externalités négatives ?
En résumé
Reprenons ici les bonnes pratiques pour s'approprier des enjeux écologiques en R&D et innovation :
questionnez les usages ;
passez à l'écoconception ;
faites de l’innovation radicale : éco-innovation, économie circulaire… ;
adoptez l'économie de la fonctionnalité et de la coopération ;
et pensez Low-Tech.
Maintenant que nous avons découvert les métiers de la R&D et de l'innovation, explorons les enjeux de la production au prochain chapitre.