Vous n'êtes certes probablement pas le PDG de votre entreprise, mais à votre échelle, vous êtes capable de comprendre la stratégie de votre entreprise.
De la même façon, pour faire bouger les choses en interne et aider votre entreprise à enclencher sa transition écologique, vous devez disposer d’une stratégie. Voici quelques éléments utiles pour mettre sur pied une stratégie avec vos collègues. Rendons à César ce qui est à César, je me suis inspiré des conseils partagés par Alumni for the Planet.
Pour faire de votre stratégie une réussite, il faudra qu’elle soit responsable, constructive et porteuse. Pour cela, vous devrez :
innover dans vos actions ;
coopérer avec vos collègues engagés et alliés ;
donner du sens dans toutes vos propositions d’actions ;
agir avec impact et rendre visibles vos actions et réussites.
Appuyez-vous sur les enjeux environnementaux et sociétaux
Vous avez commencé à vous réunir au sein de votre collectif interne d’acteurs de changement. Vous avez créé des groupes en fonction des sujets qui parlent le plus à chacun, et sur lesquels chacun se sentait le plus à même d’intervenir et d’être force de proposition.
En ce qui concerne la stratégie, il n’est pas toujours évident de se sentir légitime…
Ayez conscience que votre organisation a un intérêt vital à évoluer pour intégrer une démarche environnementale et sociétale réelle, et aller plus loin encore en faisant évoluer sa stratégie et ses business models. Le monde change très vite, tout comme les prises de conscience citoyennes. C’est pour cela qu’il est nécessaire pour votre entreprise de prendre en compte et de répondre aux enjeux climatiques et environnementaux dans sa stratégie et ses décisions. Demain, votre entreprise pourrait :
perdre ses clients ;
ne plus avoir accès aux ressources nécessaires pour continuer son activité ;
être emportée par des crises répétées : avec leurs impacts humains et économiques.
Et même si elle agit pour protéger ses activités des effets du réchauffement climatique, elle pourrait être menacée par :
le manque de résilience des fournisseurs dont elle dépend ;
les risques qui vont peser sur les réseaux de transport (ports, aéroports) ;
le durcissement des réglementations sur le climat ;
les risques de poursuites juridiques par des villes ou des États, des populations ou des associations au nom des droits de l’Homme, ou encore des particuliers ou des associations, au nom de l’argument économique.
Il est donc important aujourd’hui de poser la question de l’avenir de votre entreprise dans les circonstances actuelles et avec sa stratégie actuelle. Puis de repenser son activité pour garantir sa survie à moyen et long termes.
Anticipez les freins
Anticipez les enjeux stratégiques liés à l’environnement. Romain Peton, fondateur d’un cabinet de conseil en stratégie environnementale, nous fait part de ces enjeux :
Soyez conscient :
qu’une entreprise est un paquebot et que vous n'êtes pas le PDG. Anticipez un certain nombre de difficultés et armez-vous de patience et de persévérance ;
et que l’entreprise a souvent une vision à court terme. Les dirigeants sont nommés pour 5 ou 10 ans. Le défi est d’arriver à faire prendre conscience de l'intérêt de concilier court terme et long terme, et que les intérêts des actionnaires, de l’entreprise, de l’humanité et de la planète se rejoignent à court, moyen et long termes.
En conséquence :
travaillez toujours sur des initiatives qui seront visibles rapidement, des « quick wins » qui permettront ensuite de mettre en place des actions plus ambitieuses qui auront plus d’impact ;
connaissez la culture de l’entreprise et composez avec ;
et enfin, fouillez et maîtrisez le sujet, préparez des arguments, anticipez les objections.
Comment s'y prendre ?
La check-list utile pour contrer les objections :
Pour anticiper les objections et in fine convaincre, il vous faudra :
avoir préparé une liste de faits irréfutables et chiffres sur le business de l’entreprise et l’état du monde (avec leurs sources !) ;
avoir listé les objections potentielles et les réponses à apporter, voire évoquer les objections majeures à vos propositions lors de votre présentation, pour les réfuter et montrer que vous les avez bien en tête. Mettez-vous dans l’optique de préparer un entretien d’embauche et de préparer vos réponses, détaillées et imagées, aux questions principales qu’on pourra vous poser (pourquoi avez-vous un trou dans votre CV, quels sont vos défauts, etc.) ;
idéalement, avoir convaincu des tiers de confiance de la personne que vous cherchez à convaincre : son bras droit, l’équipe dirigeante, un manager charismatique, etc.
Nourrissez vos propositions stratégiques
Voici une brève présentation de quelques grandes approches environnementales pour une stratégie d’entreprise plus responsable. Les assimiler vous permettra de nourrir vos recommandations pour mettre le changement en marche :
L’économie circulaire
L’économie circulaire cible la gestion sobre et efficace des ressources. Elle peut se définir comme un modèle économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement, tout en développant le bien-être des individus.
Le premier pas : l’écoconception dont nous avons déjà parlé.
L’économie de la fonctionnalité
Il s’agit de passer d’un modèle de vente de biens ou services à la vente de leur utilisation (la location de voiture, par exemple). L’entreprise se donne alors notamment comme objectif que le bien loué soit le plus durable possible.
Aujourd’hui, le modèle bénéficie d’un certain recul : de nombreux exemples (Michelin, Xerox, Dow Chemicals, Peugeot, Elis, Cofely, etc.) permettent de constater que les économies de ressources matérielles (énergie et matières premières) sont toujours, au moins, de l’ordre de 30 à 50 %.
La longévité et la durabilité des produits
Le modèle de production linéaire (extraire, produire, consommer, jeter), largement répandu depuis la révolution industrielle, n’est pas viable sur le long terme : son impact écologique dû à l’utilisation de ressources, aux émissions de gaz à effet de serre, à la pollution engendrée et à la raréfaction des matières premières, est en effet très lourd.
C’est pourquoi l’allongement de la durée de vie des produits est l’une des pistes visant à réduire l’impact environnemental de la chaîne de valeur d’une entreprise.
Voici quelques pistes et questions :
Passer de l’obsolescence programmée à la durabilité garantie. C’est-à-dire garantir la qualité nécessaire tout au long du processus de fabrication. Cela permet ainsi une plus grande qualité et une plus grande longévité des produits fabriqués par votre organisation.
Quelles mesures sont prises pour assurer le service après-vente de vos produits : entretien, réparation, formation des utilisateurs.
Une marque comme Patagonia met l’accent, dans son service Client, sur la réparation plutôt que le remplacement des produits. Elle éduque même ses utilisateurs pour qu'ils en prennent soin et les réparent eux-mêmes ! Pour autant, c’est une marque très désirable et rentable dans l’univers des sports extrêmes et du matériel outdoor.
L’entreprise contributive
L’entreprise contributive, c’est celle qui parvient à concilier monde des affaires et limites planétaires.
En effet, la vocation de toute entreprise responsable devrait être de créer de la valeur pour ses clients, ses actionnaires, ses collaborateurs, la société civile, au travers de solutions commerciales qui produisent des biens et services attendus par ses clients et usagers. Mais elle ne peut pas le faire aux dépens de son premier actif – son environnement. Sa responsabilité doit être de veiller à son entretien et au-delà, à sa régénération, précisément.
Alors, bien sûr, on peut et doit tendre à l’atténuation des externalités négatives – pollution, appauvrissement des humains et des sols, émissions de CO2, etc., que nous avons déjà citées. Mais cela ne suffit plus. Il ne s’agit plus de faire « mieux », en étant moins impactant négativement, tendant vers un delta neutre. Il faut désormais faire « bien ». Et cela impose de faire « autrement ».
La permaentreprise
Une permaentreprise est une organisation qui :
s’appuie sur trois principes éthiques indissociables (prendre soin des humains, préserver la planète, et se fixer des limites et partager les surplus) pour définir sa raison d’être et son modèle de développement ;
a un usage sobre voire régénératif des ressources, qu’il s’agisse de l’énergie, des matières premières, des ressources humaines ou financières ;
se dote avec transparence de 23 objectifs d’impact exigeants indissociables, pour mesurer sa progression et conditionner la crédibilité de son engagement ;
est capable d’agencer ses parties prenantes, pour chaque projet qu’elle engage, afin de créer les meilleures synergies. Comme dans la permaculture, l’agencement consiste à tirer profit de la diversité et des interactions entre les parties prenantes, ce qui rend les solutions plus ambitieuses et efficaces.
La Low-Tech
Le terme Low-Tech qualifie des objets, des systèmes, des techniques, des services, des savoir-faire, des pratiques, des modes de vie et même des courants de pensée, qui intègrent la technologie selon trois grands principes : utile, accessible, durable.
Les Low-Tech désignent donc une catégorie de produits, de services, de procédés ou autres systèmes permettant, via une transformation technique, organisationnelle et culturelle, le développement de nouveaux modèles de société. Les Low-Tech intègrent dans leurs principes fondamentaux les exigences de durabilité forte et de résilience collective. Elles comprennent aussi la notion d’économie de ressources : faire bien avec moins (moins de ressources, moins d’argent, moins de temps, etc.), et sont donc par définition compatibles avec un monde sobre.
Ce n'est pas une démarche technophobe mais bien technocritique, elle est une réponse à la question du juste dosage technologique. Autrement dit, en opposition à l’obsession de la High-Tech et en étant complémentaire à la High-Tech dite utile, cette démarche est une suite logique au principe de technodiscernement.
Qu’est-ce que ce terme barbare ?
Dit autrement, privilégier le Low-Tech n’est pas revenir à l’âge de pierre, mais utiliser la technologie à bon escient et avec parcimonie.
Prenons l’exemple du réfrigérateur. Il est très utile pour stocker les denrées fragiles ou qui doivent rester au frais : laitages, viande, poisson et… bières ! Mais on peut s’en passer pour stocker bien d’autres ingrédients et donc en avoir un plus petit, qui consomme beaucoup moins d’électricité.
Dans un tiroir sec, ventilé et à la lumière, on peut garder ses citrons, kiwis, tomates et œufs.
Dans un tiroir sombre et sec, on entrepose les pommes de terre, les oignons, l’ail, les melons et les pommes.
Dans un tiroir frais, humide et à l’ombre, on stockera les courgettes, carottes, concombres… voire le fromage si la température s’y prête (10°). C’est plus difficile à mettre en place, mais une cave fait souvent l’affaire.
Tout le reste (épices, pâtes, riz, légumineuses, farine, sucre, olives en saumure…) ira dans des bocaux et au placard.
La Low-Tech permet d’avancer en conscience vers une société soutenable et désirable.
Et concrètement, par quel type d’entreprise cela peut-il se matérialiser ?
Jean-Philippe COURTOIS, cofondateur de Live For Good, nous présente quelques entreprises à impacts positifs :
En résumé
Commencez par mettre en exergue les enjeux environnementaux et sociétaux, et les risques encourus par l’entreprise.
Anticipez les résistances et les freins, armez-vous de patience, mettez-vous à la place de votre dirigeant.
Nourrissez vos propositions stratégiques avec les grandes approches.
Vous avez désormais les arguments pour appuyer le changement au sein de votre entreprise.
Voyons dans le prochain chapitre comment communiquer clairement vos recommandations stratégiques. C’est particulièrement important si vous voulez avoir gain de cause. Alors, restez avec moi !