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Last updated on 3/30/22

Les business angels et les fonds d’investissement : entre mythe et réalité ? (interviews)

Dans ce chapitre, nous verrons à travers les interviews de Jacques Soleau et Éric Gaillat, comment leurs organismes de financement respectifs peuvent financer les projets d'entrepreneuriat. 

Interview de Jacques Solleau

Qui est Jacques Solleau ?

Jacques Solleau, jusqu'à présent Directeur Délégué et membre du Comité de Direction de BPI France Investissement Régions, est maintenant Directeur du Fonds de Développement des Entreprises Nucléaires.

Lien BPI Francehttp://www.bpifrance.fr/

Quelques questions...

Pouvez vous présenter BPI France ?

BPI France est une société qui est détenue à 50% par l’État et à 50% par la caisse des dépôts et consignations. BPI France détient deux grandes filiales : BPI France Financement et BPI France Investissement. BPI France Financement est globalement l’ancienne maison OSEO, bien connue des entrepreneurs, qui finance sous différentes formes les actifs corporels ou incorporels des entreprises. Elle fournit également des aides et des subventions à l’innovation ainsi que des aides sur différents métiers, que sont notamment les avances sur marché public : quand une entreprise détient des créances sur l’État ou des grandes entreprises, BPI France Financement peut participer à ces avances. Et enfin dernière chose, très importante en nombre, les garanties données aux établissements bancaires qui consentent des prêts à ces entreprises. Ça, c’est donc la première partie BPI France Financement.

De l’autre coté, BPI France investissement est la fusion récente de plusieurs structures qui étaient dans le périmètre de la caisse des dépôts et de consignation. Elle réalise des investissements directs ou indirects dans des PME et ETI, mais également en indirect dans des fonds : c’est ce qu’on appelle du « fond de fond », autrement dit, on investit de l’argent dans des sociétés de capital investissement, qui elles même irradient le tissus des PME, des ETI et quelque fois même des grandes entreprises.

Comment BPI France accompagne et finance-t-elle le développement des entreprises ?

BPI France a plusieurs cordes à son arc pour accompagner le développement des entreprises, c’est même l’un de ses objectifs prioritaires que d’assurer à ce réseau de PME et d’ETI un développement fort. Parce que comme tout le monde le sait en France, malheureusement nous manquons d’ETI ; et l’un de nos objectifs est qu’un grand nombre de PME puissent franchir le pas de PME vers ETI. Comment accompagnons-nous ces PME dans leur développement ? Plusieurs grands aspects :

  • D’abord, il y a du financement sous forme de crédit, et là, BPI France a fait des efforts extrêmement importants et volontaristes en mettant à disposition des prêts dits « prêts d’avenir ». Ils sont destinés à financer, aux cotés du monde bancaire, tout format d’investissement corporel mais aussi incorporel. C’est une des caractéristiques très forte : à travers les prêts d’avenir, qui ont des caractéristiques de prêt sur des durées longues avec des différés de remboursement de capital, on peut financer des développement de force commerciale, des achats de brevets, des développement de Recherche et Développement et toutes formes d’actifs qui, bien souvent, ont quelque difficultés à être financées de façon classique. Donc ça c’est les développements sous forme de crédits. 

  • De l’autre coté, par le pole BPI France investissement, nous sommes amenés à prendre des participations - c’est le vocable du capital développement - et là on injecte des capitaux (sous forme de capital – actions), mais également des produits dérivés qui peuvent être des obligations convertibles, des obligations en bons de souscriptions d’actions, ou autre. Donc on injecte de l’argent directement au capital de la PME, pour financer sa croissance. Souvent ces interventions accompagnent également le monde bancaire au sens classique, qui finance également avec des prêts au sens traditionnel du terme. 

Comment BPI France intervient sur l’amorçage ?

Alors c’est un secteur que je connais moins bien donc je vais être plus succinct. Sur l’amorçage, BPI France intervient de façon extrêmement forte mais essentiellement à travers une activité de fond de fond, puisqu’il y a eu un fond national d’amorçage, de mémoire, de 400 millions d’euros, qui a été mis en musique il y a maintenant un an et demi ou deux ans je crois. Il était destiné à promouvoir, au niveau du territoire national, l’émergence de structures indépendantes de capital investissement tournées vers l’amorçage. BPI France souscrit à ces sociétés de gestions ou à ces fonds qui sont orientés exclusivement vers l’amorçage de ces PME.

Interview de Éric Gaillat

Qui est Éric Gaillat ?

Eric Gaillat est président co-fondateur de Calao Finance. Cette société de gestion de Fonds et de Conseil, dédiée au capital investissement, est basée à Paris. Son objectif ? Collecter de l’argent, qui va aux fonds de financement. Ces derniers investissent ensuite dans les PME non cotées en France.

Lien Calao Financehttp://www.calaofinance.com/

Quelques questions...

Est-ce que vous pouvez nous présenter Calao Finance ?

Calao Finances est une société de gestion, agréée par l’autorité des marchés financiers qui exerce le métier d’investisseur en capital. Nous collectons donc de l’argent, qui va ensuite dans les fonds d’investissement, qui vont eux-mêmes investir dans des PME non cotées en France.

Quels sont les secteurs d’intervention de Calao Finance ?

Calao Finance a deux grands univers thématiques qui sont :

  • d’un coté, tout ce qui est l’« art de vivre », c’est-à-dire le luxe, le digital média, la gastronomie, l’hôtellerie, les loisirs, le sport… 

  • de l’autre, les activités stratégiques, c’est-à-dire la cyber-sécurité, les technologies liées aux transferts de communication, à la transition énergétique…

En gros, la différence entre ces deux univers (qui représentent environ 20 000 PME en France), va être que dans le domaine de l’art de vivre, on va être sur des PME qui vendent des services ou des produits à des clients finaux, ce qu’on appelle le B2C ; et de l’autre coté on va plutôt être sur ce que l’on appelle le B2B, c’est-à-dire des entreprises qui vendent des services à d’autres entreprises. Voilà les deux grands univers que nous suivons.

Pouvez vous nous illustrer quelques exemples de PME dans lesquelles vous avez investi ?

Alors bon, on a une petite quarantaine de participations donc il va falloir faire un choix. Je vais illustrer le secteur du luxe avec une société assez connue qui est celle d’Ines de la Fressange, que nous avons repris l’année dernière en 2013, donc racheté. Ça a été l’occasion pour Inès de la Fressange, que tout le monde connaît, de revenir au sein de sa propre société. On a ainsi réorganisé cette société avec un nouveau management. La société est présidée par Fabrice Boué qui était précédemment Président Directeur Général de Hermès et de Lancôme. Donc on a fédéré un tour de table, on l’a reprise, on l’a rachetée, et aujourd’hui elle connaît un développement assez important, notamment à l’international, puisque des collections propriétaires sont réalisées chez Inès de la Fressange ainsi que des collections qui sont cosignées, comme par exemple avec Uniclo, troisième groupe textile au monde. Aujourd’hui les produits Inès de la Fressange Paris, sont vendus dans, je crois, 12 pays et 1200 magasins.

Un autre exemple, moins glamour mais particulièrement efficace : la cybersécurité. Ça c’est un secteur malheureusement porteur, on aimerait bien que ce soit différent mais c’est un secteur particulièrement porteur et nous avons investi dans une société qui s’appelle Egydyum Technologie. Cette société, en traitant les Big Data, c’est-à-dire un ensemble de données (ici des données liées à la vidéosurveillance, aux contrôles d’accès, aux badges), va assurer la sécurité de lieux - soit civils, soit militaires. C’est par exemple eux qui assurent la sécurité au salon du Bourget, la sécurité du CEA, la sécurité de différents lieux public et ils ont signé à nouveau à l’export ; c’est une première pour une PME française car en début 2014, ils ont remporté la protection de la Cité Interdite à Pékin en Chine, donc ça, c’est une de nos grandes fiertés. 

Un troisième exemple pour terminer d’illustrer un peu nos univers : une société qui s’appelle Red Light, Red Light Vertical, qui est basée en Rhône Alpes. Elle travaille sur des produits/chaussures/vêtements, ce qu’on appelle le « textile technique », lié au trekking, au trail, et donc tous les sports de randonnées, les sports un petit peu extrêmes. C’est une société qui a été créée par un sportif, Benoit Laval. La société exporte maintenant dans de très nombreux pays, emploie 36 personnes en Rhône Alpes, à Saint-Pierre de Chartreuse très précisément. C’est du « made in France ».

Une fois que vous avez investi dans la société, quel est votre rôle au sein de celle-ci ?

Il y a au préalable un travail d’analyse, qui va prendre quelques semaines. Une fois que l’on décide d’investir, on va apporter de l’argent évidemment, pour l’entreprise. Il y a ce que l’on appelle un protocole, un pacte d’actionnaire, donc tout un ensemble d’éléments où on va demander du reporting ; pour suivre tout simplement les éléments financiers. Tout le monde ne le fait pas, mais nous c’est comme ça qu’on voit notre métier, on apporte du conseil.

On ne va pas se mêler, bien évidemment, de la gestion de l’entreprise mais souvent on va être, comme on dit, « aux board ». Ça veut dire dans les CA, dans les comités stratégiques. En effet, notre organisation est composée d’investisseurs et d’experts métiers qui ne sont pas des experts académiques. Ce sont des gens qui ont été directeurs de sociétés dans l’énergie, dans le luxe, dans la sécurité… Notre équipe va apporter des conseils et du réseau relationnel aux PME, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, pour réussir, il faut de l’argent certes, mais il faut surtout les bons contacts.

Quels sont vos critères pour investir au sein d’une société ?

Il y a des critères humains déjà, c’est-à-dire quand on va rencontrer le directeur ; il faut qu’il y ait un bon feeling. Il faut que l’on soit à l’aise au premier contact avec les gens, car si on va plus loin et que l’on investit, on va être présent au capital pendant 5 – 6 ans, donc c’est pas un mariage mais c’est quand même un PACS on peut dire ! ;)

Il y a ensuite tout un ensemble de critères, par exemple la complémentarité des équipes ; ça veut dire que si on a une société mais qu’il n’y a que … excusez moi du terme, « un professeur nimbus » à la tête, qui ne connaît pas le business, qui ne connaît pas le développement commercial, ça ne va pas le faire. Donc il faut avoir des gens qui représentent un peu les différents métiers pour que l’entreprise se développe rapidement.

Ensuite la capacité à exporter, la récurrence ou pas des revenus, par exemple dans l’informatique : s’il y a des abonnements, ce genre de choses, là il y a de la récurrence et ça peut jouer un rôle dans l’équipe d’une entreprise.

La vision, c’est-à-dire la capacité à nous expliquer, même si on a certaines connaissances techniques, de manière très simple, le propos de l’entreprise et son projet. Et puis parfois aussi, il faut se faire l’avocat du diable, donc pouvoir se dire « voilà mon entreprise se développe elle va faire telle ou telle chose, mais j’ai identifié quelque points où l’on pourrait avoir des difficultés… » Parce que pour nous, le fait de voir un entrepreneur qui a la pêche, qui a de l’énergie, qui a une vision, c’est essentiel, mais s’il est parfois un peu aveuglé par sa propre réussite, ça c’est pas bon. C’est important d’avoir quelqu’un qui a un peu de recul, parce qu’à la limite on aura peut être des solutions à apporter sur les différents points que lui identifie comme d’éventuels problèmes, et on sera plus à l’aise avec ce type de profils.

Quel est le ticket moyen que vous investissez ?

Aujourd’hui, les tickets moyens proprement dits des fonds et solutions d’investissement de Calao Finance sont entre 300 000 euros et 1 000 000 d’euros. Maintenant, on fédère souvent un ensemble d’investisseurs, soit d’autres fonds d’investissement, soit des « family offices », et donc on est sur des « tours de tables » comme on dit, autour de 4 à 5 millions d’euros.

Quels conseils pouvez-vous donner à un entrepreneur qui souhaite faire appel au capital investissement ?

Alors déjà il s’agit de savoir si on est face à un « créateur d’entreprise », quelqu’un qui démarre, ou à une entreprise qui est déjà établie, même petite, mais qui fonctionne.

Ce qu’il faut, c’est regarder Internet si je puis dire, surfer un petit peu, pour comprendre le métier. Si je prends l’exemple de notre société Calao Finance, il y a une rubrique « Entrepreneur », sur notre site où il y a une fiche technique qui explique ce qu’est le capital investissement, comment on intervient, quelle part on prend au capital, est-ce qu’on est majoritaire, minoritaire, comment tout ceci se passe, etc. Il faut donc déjà comprendre ce que va être un fond d’investissement. Et ensuite, dans un deuxième temps, prendre contact. Il s’agit d’identifier des fonds d’investissement. Là-dessus, il faut faire attention ! Un de nos labels fort chez nous c’est évidemment d’être agréé par l’autorité des marchés financiers, ce qui correspond au respect d’une déontologie, de tout un ensemble de choses et notamment d’être membre de l’Association Française des Investisseurs en Capital, l’AFIC (www.afic.asso.fr). L’association présente les sociétés de gestion agréées qui gèrent des fonds d’investissement. Donc c’est sur leur annuaire qu’il faut aller regarder quels sont les secteurs d’activités visés et ensuite contacter les fonds et éventuellement aller voir leur site internet pour avoir plus de vision sur leur façon de fonctionner. En ce qui nous concerne il y a plusieurs exemples de PME qui sont sur notre site. Tout le monde ne le fait pas, mais beaucoup donnent des exemples. Et, si je dois donner un autre conseil c’est de faire un message personnalisé aux fonds d’investissement que l’on contacte. Parce que parfois on reçoit des emails où l’ensemble des destinataires, en gros tout l’annuaire des fonds d’investissements, est en « copie visible » et ça ne le fait pas du tout : en général, et même si le dossier est peut être intéressant par ailleurs, il passe dans la corbeille, voilà !

Alors on va passer à des questions plus générales. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qu’est le capital investissement ?

Le capital investissement, c’est l’investissement dans les entreprises non cotées en bourse, qui peuvent être des sociétés qui démarrent (on parle à ce moment là d’amorçage, de capital risque, ce sont alors soit des sociétés qui démarrent mais qui ont tout de suite une activité commerciale, soit des sociétés qui démarrent mais qui n’ont encore aucune activité commerciale, notamment les acteurs comme les bio-Tech, où là on va travailler sur un médicament, une formule,... que sais-je encore !).

Ensuite on a le capital développement, là on va être sur des PME en général qui sont à l’équilibre, qui commencent à gagner de l’argent ou qui en gagnent déjà, et on va accélérer leur croissance, ça veut dire accélérer le fait qu’elles vont se développer à l’export, donc devoir recruter des gens pour parcourir la planète, peut être racheter une autre entreprise, créer un nouveau produit, etc. Et donc ça c’est une autre partie du métier du capital investissement.

Une troisième partie va être le capital transmission. A la différence des deux parties précédentes où l’on va, en tant que fond d’investissement, injecter de l’argent dans les entreprises pour les aider à se développer ; là en fin de compte l’argent est utilisé à racheter une entreprise qui arrive à un moment donné de sa vie où le dirigeant souhaite passer la main, changer de vie, ou autre... où il y a un ensemble d’actionnaires qui souhaite bouger, et donc c’est là où l’on va trouver notamment les fameuses opérations dites de LBO - leverage by out - qui correspondent à un financement à la fois en capital et en dette mais où l’on rachète l’entreprise auprès des actionnaires actuels.

Ces trois segments vont renvoyer à des métiers différents, c’est à dire qu’on ne va pas analyser de la même manière quelqu’un qui crée sa boite ex-nihilo avec LA super idée, et des business qui existent depuis 15 ou 20 ans.

À quel moment faut-il faire appel au capital investissement ?

Alors déjà il y a des entreprises qui ne font pas et qui ne vont jamais faire appel au capital investissement, qui auto-financent leur développement, et qui ne souhaitent pas, je dirais, avoir de nouvel entrant dans leur capital.

Ensuite, il y a des gens qui sont clients, qui souhaitent notre présence pour accélérer leur croissance. Là-dessus, ça va dépendre du stade de développement de l’entreprise. Il est clair qu’au début, sur des entreprises qui se créent, on va moins parler de fond d’investissement mais plus de capital investissement, de business angels, de business and familly, et là on va essayer de faire des tours de table avec des petits montants. Mais il faut déjà les trouver et réunir plusieurs personnes pour amorcer le développement, et ensuite, c’est là que les fonds d’investissements peuvent intervenir.

Nous on va intervenir sur des sociétés au stade du capital risque et du capital développement, sur des entreprises dans lesquelles on va « mettre des billes » si je puis dire, de l’argent, et qui auront peut être un peu plus tard besoin de fonds complémentaires, et se tourneront à ce moment là vers des fonds d’investissements plus importants. Donc, en fin de compte, ça va dépendre du cycle de vie d’une entreprise, de son développement, il n’y a pas de moment en tant que tel, c’est le chef d’entreprise qui décide. Il faut en avoir besoin et avoir un projet clair pour se développer. Mais si je dois militer évidemment pour le capital investissement, je pense vraiment que c’est positif pour les entreprises : ça leur donne des moyens complémentaires pour se développer et ça permet également de sécuriser les financements bancaires ce qui est une chose importante par les temps qui courent.

Example of certificate of achievement
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