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J'ai tout compris !

Mis à jour le 30/03/2022

Savoir s’entourer : associés, partenaires, réseaux (interview)

Pour développer la notion  de réseaux, voici une interview de Michelle Jean-Baptiste, avocate spécialisée en Droit du multimédia. 

Interview de Michelle Jean-Baptiste

Qui est Michelle Jean-Baptiste ?

Michelle Jean-Baptiste est une avocate spécialisée en Droit du multimédia, auteure de plusieurs ouvrages sur le droit de l’Internet mais aussi sur les réseaux sociaux. Elle est également coach-conférencière enseignante en Droit et en Négociation Internationale au sein d’incubateurs et de pépinières, d’écoles de commerce et d’écoles d’ingénieur.

Quelques question...

Est-ce que vous pouvez nous préciser ce qu’est un réseau d’entrepreneurs ?

Je dirais qu’il y a deux types de réseaux : il y a les réseaux qui s’annoncent et les réseaux qui ne s’annoncent pas.

Alors les réseaux qui annoncent la couleur, si j’ose dire, ce sont des réseaux montés sous format associatif le plus souvent et qui se présentent comme étant des réseaux où vont se rencontrer des entrepreneurs pour échanger sur des sujets, souvent aussi pour casser l’isolement. Ils peuvent prendre plusieurs formes :

  • on peut être en face de réseaux d’entrepreneurs très orientés « local », du type « on a tous un siège social à Paris dans le 14ème, ou bien dans le 1er arrondissement » ;

  • ou bien on peut être sur des clubs qui sont des clubs par thème ou par profession du type « on est entrepreneur dans le bâtiment et nous avons envie d’échanger avec nos pairs sur des questions qui nous touchent tous » ;

  • ou bien ça peut être encore plus large tel que « on est tous entrepreneur, on a tous des problématiques de création de développement, de recrutement, et on a envie de rencontrer d’autres entrepreneurs, pas forcément dans les même domaines » ;

  • on a aussi des clubs d’entrepreneurs qui sont des clubs dédiés aux femmes en entreprise, ou des clubs d’entrepreneurs d’origine ethnique particulière par exemple.

On peut vraiment avoir de tout, mais ce sont tous des clubs qui annoncent la couleur.

Et puis on a le deuxième type de club d’entrepreneurs, qui pour moi me semble être les clubs les plus intéressants. Ce sont des clubs qui n’annoncent pas du tout qu’ils sont des clubs, ce sont des lieux où l’on va récupérer de l’information, échanger de l’information de manière tout à fait anodine et où, au final, les entrepreneurs vont se rencontrer de manière plutôt « fortuite », c’est ça aussi les clubs d’entrepreneurs. Ce sont aussi des personnes qui ont fait des études ensemble avant, ce sont des personnes qui ont travaillé dans des entreprises communes, qui étaient cadres et qui vont se retrouver dans des lieux, comme par exemple le café qui se trouve juste à coté d’un lieu où tout le monde doit se rendre parce c’est à coté de la chambre de commerce, du greffe du tribunal.

(…) De plus en plus, on a aussi à travailler dans des lieux qui vont générer du réseau sans être formellement des clubs d’entrepreneurs : ce sont tous les lieux dédiés au co-working, les lieux qui sont des lieux de partage de bureau, de partage d’espace où les entrepreneurs vont se croiser et où il se passe des choses extraordinaires parce que justement on ne va pas forcément là pour faire du réseau et pourtant, on en fait. On en fait dans l’ascenseur, parce qu’on s’y croise, on en fait à la pause café, à la pause thé, à tous les moments.

En fait quand on parle de réseaux, il faut être très ouvert pour ne pas envisager seulement des réseaux qui annoncent la couleur, mais aussi les réseaux qui vont se faire spontanément : le réseau de relations parce qu’on va vous faire rencontrer quelqu’un, qui va vous faire rencontrer quelqu’un, qui va vous faire rencontrer quelqu’un, etc. C’est ça la dynamique du réseau.

Comment solliciter et bien choisir son réseau d’entrepreneurs ?

Alors je crois que la première étape c’est déjà de savoir ce que l’on veut et ce que l’on recherche dans un réseau d’entrepreneurs.

En fonction de ce que l’on recherche, on ne choisira pas le même type de réseau. On peut rechercher de l’information. Dans ce cas là, on a des réseaux très pertinents qui proposent des conférences, des petits déjeuners thématiques ou des cocktails thématiques. Voire même, on peut avoir dans certains cas des réseaux dont l’objet précisément est la mise à disposition d’informations et de formation. Je pense notamment à des réseaux comme celui des Chambres de Commerce, ou du type des « réseaux plateau », qui proposent à des entrepreneurs de se réunir autour de thématiques régulières où l’objectif est précisément d’obtenir de l’information.

On peut aussi avoir une autre idée, c’est d’échanger sur des problématiques communes. On est alors plus dans l’échange de pairs à pairs, ce que j’expliquais tout à l’heure, et à ce moment là on va plutôt privilégier des réseaux qui sont effectivement, soit des réseaux thématiques, soit des réseaux métiers, pour justement pouvoir échanger au maximum.

On peut aussi tout simplement chercher à rompre l’isolement, parce que l’entrepreneur est quelqu’un de très seul. Quand vous entreprenez, que vous soyez à la tête d’une PME, d’une grosse société, ou d’une TPE, vous êtes toujours tout seul. Même avec un conseil d’administration, même avec 200 ou 300, 700 salariés, vous êtes souvent très seul.

Seul pourquoi ? Parce que vous êtes face à des problématiques très particulières, vous êtes seul aussi vis à vis des personnes qui peuvent vous entourer dans la famille car ce n’est pas toujours évident de ramener son lot de problèmes à la maison. Là, vous allez rechercher un espace où vous êtes compris d’entrée de jeu, par des gens qui ont les même problématiques que vous, qui se posent des questions existentielles sur « comment on va faire pour payer l’URSSAF ? », ou « quelle impulsion donner ? On a créé notre entreprise, on sait qu’elle fonctionne bien, on sait qu’elle a besoin de croître, mais on ne sait pas comment s’y prendre et on a envie d’échanger avec d’autres personnes ».

Donc en fait, on va tout d’abord choisir un réseau en fonction de son besoin et aussi en fonction de ce que l’on est prêt à apporter dans le réseau. Ça c’est très important. Un réseau, ce n’est pas seulement un endroit où l’on va prendre des choses. Si vous y allez comme ça, je vous le dis d’entrée, ça ne va pas le faire.

Un réseau c’est un lieu où l’on va donner des choses. Si vous y aller avec l’idée que vous aller récupérer de l’info, récupérer du client – il y a ça aussi, je n’en ai pas parlé précédemment mais trop souvent les entrepreneurs utilisent les réseaux dans cette dynamique là - ce n’est pas forcément la meilleure dynamique, on ne va pas dans un club d’entrepreneurs pour trouver du client. Donc, on y va effectivement pour trouver des choses, mais on y va aussi pour apporter.

On y apporte du temps déjà et on y apporte de l’argent. Il ne faut pas se voiler la face, ça a un coût de participer à des réseaux : il y a le coût d’adhésion, et même si une adhésion ne vous ait pas demandé, il y a le coût de participation à la soirée, au dîner, au déjeuner, etc.

Le temps que vous accordez à ce réseau, et bien c’est du temps que vous ne consacrez pas à l’activité : même si vous vous dites « oui, bon, en gros je fais de la communication pour mon entreprise », c’est quand même du temps que vous ne consacrez pas à votre cœur de métier. Il faut être conscient de ces critères quand on va choisir son réseau : il faut se demander « combien de temps puis-je y consacrer ? Combien d’argent ça va me coûter ? » et aussi, très important, « qu’est-ce que je suis prêt à donner à ce réseau ? ». Autre point important : le réseau peut vous donner des choses, mais parfois manière très indirecte. Pour reprendre l’exemple de tout à l’heure, si vous cherchez un client, ne pensez pas forcément que vous allez le trouver dans le club : c’est peut être quelqu’un du club, qui connaît quelqu’un, qui connaît quelqu’un…

Il faut laisser le temps au réseau de faire son chemin. Ne pas attendre tout du réseau, tout de suite, ça c’est extrêmement important. Donc c’est aussi un des critères que l’on va prendre en considération en amont : de combien de temps je dispose, de combien d’argent je dispose, quels sont mes besoins, quelles sont mes attentes. Et je sais que ce n’est pas très rationnel de dire ça, mais il y a aussi le feeling. Un des critères prioritaires pour travailler dans une dynamique de réseau est qu’il faut s’y sentir bien. Si on ne se sent pas bien dans un lieu, et bien on ne sera pas performant, on ne sera pas heureux, et comme on n’a quand même pas beaucoup de temps disponible en tant qu’entrepreneur, autant se faire plaisir ! Le réseau, ça fait partie du métier bien sûr, mais ça fait aussi partie du plaisir.

Quels conseils pouvez vous donner pour entretenir et construire son réseau ?

Alors entretenir et construire sont deux choses différentes.
Dans les questions qui m’ont été posées, vous m’avez demandé : quels sont les réseaux qui existent ? – les réseaux entrepreneurs, etc. Il ne faut pas zapper le réseau naturel !

Le réseau naturel, c’est le réseau de la famille, le réseau des amis, le réseau des voisins, et ça, ça fait aussi partie des réseaux d’entrepreneurs. Je disais tout à l’heure qu’il y a les clubs qui annoncent la couleur, et puis qu’on a aussi tous ces lieux qui ne sont pas des lieux dit « d’entrepreneuriat » ou de « réseaux d’entrepreneurs », et qui sont des réseaux naturels.

Donc entretenir son réseau, c’est tout simplement entretenir la relation aux autres : on a tous des voisins. Moi par exemple, à mon cabinet, j’ai de part et d’autre en voisins des indépendants qui travaillent dans le domaine de l’image, j’ai aussi un cabinet d’architectes à coté, et dans l’immeuble juste de l’autre coté il y a un expert comptable. Ce sont des personnes que l’on croise, des personnes à qui l’on dit bonjour, qui ne pensent pas forcément spontanément à vous professionnellement mais à qui ça peut arriver, à un moment donné, de vous solliciter, et vice versa. Pour entretenir son réseau, il y a des règles d’or. Savoir dire bonjour, savoir dire merci, en font partie. C’est très important (…).

L’entourage connu ET inconnu, parce que le réseau en fait c’est aussi ça, toutes les personnes que l’on ne connaît pas encore. Je suis très dubitative lorsqu’on me dit « un réseau d’entrepreneur c’est un lieu, c’est un club, c’est quelque chose de très fermée ». Un réseau d’entrepreneur c’est le monde ! C’est la personne que vous avez à côté de vous dans le train et avec qui vous allez commencer à discuter. J’ai eu le bonheur de rencontrer des futurs clients… dans le train ! Tout simplement parce qu’on a commencé à discuter plutôt que de rester chacun rivé sur son ordinateur ou sur son Smartphone à ne pas s’adresser la parole - et c’est comme ça que les contacts se font.

Entretenir son réseau, le créer, le construire, pour moi les deux sont liés, c’est-à-dire que ça passe par les mêmes règles : savoir dire bonjour, savoir entrer en relation. Ce n’est pas toujours évident, on peut avoir de la timidité ou de l’anxiété. Moi-même je suis une très grande timide. Je sais que les gens qui ne me connaissent que depuis peu ne le croient pas forcément, mais je suis une très grande timide ; et c’est toujours avec un petit pincement que l’on va vers quelqu’un.

Donc commençons par faire des choses toutes simples, commençons simplement par dire bonjour aux gens que l’on croise. Après, de fil en aiguille, on apprendra a en savoir un peu plus sur ce que fait l’autre et pour cela il faut être dans l’écoute. Le nombre de personnes que je vois qui rentrent en club d’entrepreneurs, ou qui rentrent dans une relation en n’arrêtant pas de dire : « voilà ce que je fais… je, je, je … moi, moi, moi », sauf que du coup on ne permet pas à l’autre de s’exprimer et on ne permet pas à l’autre de se dévoiler.

Savoir écouter c’est la base de la base pour entretenir son réseau. Parce que, ça veut dire quoi l’entretenir ? Ça veut dire qu’il y a des personnes que j’ai rencontrées il y a 5 ans, des personnes que j’ai rencontrées il y a 10 ans ; ces personnes là elles avaient un métier, elles avaient un environnement familial, elles avaient une vie il y a 5 ou il y a 10 ans, mais entre temps elles ont évolué, elles ne sont pas restées figées sur leur positions. Il faut s’intéresser, demander : « Alors qu’est-ce qui t’arrive en ce moment ? Tu travailles sur quoi en ce moment ? Qu’est-ce que tu fais ? » Il faut lui parler, s’intéresser à elle. Vous savez, les personnes qui arrivent dans les réseaux et qui veulent « tout bouffer », tout avoir, qui se disent « voilà, j’ai récupéré 15 cartes de visites », et bien, quel est l’intérêt ? Je préfère récupérer une seule carte de visite mais avoir un relationnel, un vrai relationnel avec la personne.

Pour construire et entretenir son réseau, c’est la qualité qui prime parce que l’on est dans la relation humaine. Avant toute chose, le réseau c’est ça. Après, effectivement, on peut aussi profiter, « d’occasions ». Par exemple, le nouvel an (…). A ceux que vous n’avez pas revu depuis longtemps et bien, envoyez vos vœux. Et quand il vous arrive quelque chose de sympa, partagez-le. Et pas forcément dans une dynamique commerciale, encore une fois c’est juste dire « bah voilà, chouette je suis content il m’est arrivé un truc sympa », tout simplement !

On nous parle assez souvent de « club », « ateliers networking », « soirées networking », et « apéros entrepreneurs »… Qu’est-ce que ces évènements peuvent apporter aux entrepreneurs ?

Très concrètement, le networking là aussi annonce la couleur, on est donc sur le réseau, sur les échanges qui sont mis en avant.

Il en existe de différentes sortes : ceux organisés par des associations, des professionnels qui ne font que ça, et ceux organisés par des entrepreneurs eux-mêmes, lors d’occasions ponctuelles dans le but que les gens se rencontrent et échangent de manière conviviale.

Qu’est-ce que ça peut apporter ? Justement, de la convivialité. Avant l’objectif de formation ou avant l’objectif d’information, on a un premier objectif qui est l’échange, la convivialité, le partage, la discussion. Alors effectivement, autour d’un verre mais ça peut aussi être autour d’un petit-déjeuner. Ça apporte la même chose que les réseaux : des rencontres, d’éventuels clients, d’éventuels fournisseurs, de l’information, mais avant tout, ça apporte de la convivialité.

Quels conseils ou quelles recommandations pouvez-vous donner aux entrepreneurs qui veulent progresser grâce au réseau ?

Il faut principalement être ouvert et ne rien attendre de précis du réseau. Il faut aussi oser aller dans des types de réseaux qui vous sont improbables. Effectivement, on peut être tenté d’aller sur des réseaux où l’on a le sentiment d’être comme chez soi, avec des personnes qui nous ressemblent. C’est plus confortable. Moi je dirais au contraire : tentez l’aventure, allez dans des réseaux qui vous semblent plus éloignés parce que c’est là justement que l’on fait de belles découvertes !

Il y a de belles surprises lorsqu’on rencontre des personnes de milieux différents de soi. Voilà un exemple : il y a quelques semaines, j’ai été invité à une soirée networking par des professionnels de l’eau. Moi, je n’y connais rien du tout au monde de l’eau. Et si j’avais été dans une dynamique d’efficacité froide, je me serais dis « qu’est-ce que je vais avoir à dire, qu’est-ce que je vais avoir à faire à cette soirée, en quoi ça peut être intéressant pour mon business ? ». Finalement, je me suis dis « bah non je vais y aller on verra bien ! » et en fait j’ai découvert un univers, des gens fabuleux, et des métiers que je n’imaginais même pas. Et, cerise sur le gâteau ! J’ai trouvé deux nouveaux clients, que je n’aurais jamais envisagé avoir via ce réseau.

Donc deux conseils : l’ouverture et la curiosité. Et allons à l’aventure, ça restera toujours une aventure humaine !

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