On vous dit de faire du BIM et vous pourriez nous répondre : “D’accord, mais dans quels types de marché de travaux ? Quel secteur d‘activité est concerné ? Quels services sont associés au BIM, concrètement ?”
Pour répondre à ces questions, il faut se poser la question de la traduction de l’acronyme BIM : faut-il traduire building par « bâtiment » ou « construction » ? Par construction, car nous vivons un changement de paradigme qui porte le BIM bien au-delà du bâtiment, à la ville, aux territoires !
Le BIM pour les marchés de travaux BTP
Le BIM sert bien évidemment à la construction neuve mais est aussi utilisé pour l’existant. Le but est toujours de concevoir virtuellement avant de bâtir ou de rénover. Cela permet de mieux anticiper la phase d'exécution mais surtout de visualiser le cycle de vie du bâtiment.
Source de l'image : Baromètre du PTNB, publié en avril 2017.
La demande de BIM est de plus en plus importante. En effet, les marchés demandant du BIM dans le bâtiment sont en croissance depuis 2014.
Source de l'image : TED Europa / buildingSMART France-Mediaconstruct, “BIM Book : l’essentiel pour la transformation numérique de la Construction”, 2018.
Le secteur du bâtiment représente un chiffre d’affaires d’environ 150 milliards d’euros par an, alors que celui des infrastructures ou travaux publics s’élève à plus de 450 milliards. Au Royaume-Uni, le déploiement du BIM concerne tout type de projet d’infrastructure, dont le projet du High Speed Train 2. En Allemagne, le ministère des Transports a fait du BIM une priorité à l’horizon 2020. Et c’est en France que le plus important projet d’infrastructure est déployé : il s’agit du Grand Paris.
Mais pourquoi le BIM est-il nécessaire sur ce genre de projets ? Les échelles changent dans un projet d’infrastructure, qu’il soit linéaire, routier ou ferroviaire. Il s’établit sur des centaines de kilomètres, tout en conservant un besoin de précision supérieur au millimètre sur certains sujets. La masse des données relatives au traitement des exigences environnementales multiplie par deux ou trois la masse des données propres aux ouvrages du projet. Impossible sans le BIM !
Exemples des usages et de l’utilité du BIM selon les métiers
De manière générale, avec le BIM, il est possible de visualiser le projet tout au long de son cycle de vie et selon différentes vues métiers. Comme on le sait, un dessin vaut mieux qu’un long discours ! C’est finalement le premier pas vers le BIM – en particulier pour les petites entreprises de construction. Il est facilement réalisable grâce à des viewers, aussi appelés visualisateurs ou visionneuses. Le BIM permet aussi de simuler, d’analyser et de contrôler les comportements des différents éléments.
Pour le maître d’ouvrage, le BIM est utile pour :
Mieux comprendre le parti architectural du projet et valider plus rapidement le programme ;
Vérifier la faisabilité du projet (temps et budget) ;
Suivre en temps réel le projet et vérifier qu’il répond à toutes les contraintes budgétaires (voire l’impact financier de modifications en cours de projet), fonctionnelles, réglementaires, environnementales, etc.
Concernant la maîtrise d’oeuvre, de nombreux corps de métier peuvent utiliser le BIM :
Le géomètre et les auditeurs de bâtiments existants peuvent procéder à des relevés télémétriques ou au laser et procéder à la création de maquettes numériques à partir de nuages de points ou de scannings de plans existants. Ils peuvent également créer des objets CAO 3D à partir de photos ;
L’architecte, lui, peut créer des modèles de maquettes numériques et des esquisses, avec la possibilité d’ajouter des formes complexes ;
Grâce au BIM, l’économiste va procéder à la récupération des maquettes numériques d’architectes, au suivi économique (5D), à l’extraction des quantitatifs et à la prescription des matériaux et procédés constructifs (logiciels liés à des bases de prix) ;
Le BE structure peut récupérer des maquettes numériques d’architecture pour créer une maquette numérique de structure avec fibre neutre. Il peut également saisir des propriétés mécaniques pour en étudier les comportements ;
Enfin, un BE thermique pourra procéder à la récupération de la maquette numérique d’architecture complétée par des propriétés thermiques, énergétiques et environnementales pour analyser de manière dynamique les choix de conception et les performances énergétiques.
Grâce au BIM, les entreprises de construction en exécution quant à elle peuvent :
Extraire le métré, la quantité et les autres ressources du projet pour établir des devis et gérer les approvisionnements ;
Détecter des erreurs et des omissions avant le début des travaux, et faciliter la synthèse (assemblage de modèles de différents métiers pour vérifier les interférences) ;
Préparer le chantier grâce à la visualisation de la phase d’exécution, voire grâce à des configurateurs produits et systèmes constructifs (la maquette numérique devenant un plan de pose ou de mise en oeuvre) ;
Synchroniser la conception et la construction pour planifier et suivre le chantier dans le temps (4D) ;
Vérifier la bonne exécution du projet en identifiant les écarts entre la construction et le modèle BIM de conception.
Les industriels et les fabricants de produits et systèmes constructifs vont, eux :
Créer des catalogues électroniques de composants, de familles de produits intégrées (produits et systèmes constructifs) ;
S’interfacer avec des logiciels métiers pour optimiser la production (délai, livraison…) rapprochant ainsi concepteur-constructeur et fabricant.
Maintenance et exploitation : le Graal !
“Smart building” : le véritable défi du BIM.
Le BIM ne sert pas qu’à bâtir ou à rénover, il sert aussi à exploiter un ouvrage tout au long de son cycle de vie jusqu’à sa déconstruction. La gestion d’un bien immobilier coûte 6 fois plus cher et dure 10 fois plus longtemps que sa conception-construction, alors que se multiplient les contraintes réglementaires et constructives. Par exemple :
Les métrés peuvent être commandés jusqu’à 20 fois durant le cycle de vie de l’immeuble ;
Les enjeux « extra-financiers de green value » nécessitent de disposer d’informations objectives sur les performances des bâtiments ;
Peu d’informations de la phase de construction sont transmises/récupérables pour estimer et vendre un bien, et donc pour le valoriser au réel.
C'est pour ces raisons qu'il faut veiller à construire intelligemment un bâtiment. Et cela est possible grâce au BIM.
Le BIM, un outil du Facility Management (FM)
L’image virtuelle du bâtiment tel que construit, c’est-à-dire disposant des métrés et des installations identifiées, présente plusieurs avantages. Cela permet de disposer d’un état complet d’un site, de s’affranchir de la visite in situ du bâtiment comme de l’audit, ou encore de mieux dimensionner le devis du contrat de maintenance (gestion au quotidien du site, programmation des opérations d’entretien, travaux…). Il sera ainsi plus facile de gérer le bâtiment dans le temps.
Par exemple, si une vanne fuit, en visualisant la maquette, le plombier saura exactement où se trouve l’élément défectueux. Grâce à la documentation associée à cette vanne dans le BIM, il pourra tout mettre en oeuvre pour effectuer la réparation au plus vite. De même, en connectant les capteurs de température avec l’usage des locaux, il devient possible de moduler les consommations énergétiques. Les outils informatiques de gestion du bâtiment (GMAO, GTB et GTC) alimentent le BIM pour faciliter les interventions et optimiser le pilotage d’un bâtiment. Le but est d’améliorer les conditions de vie des usagers mais aussi les performances du bâtiment.
Il est aujourd’hui avéré que plus il y a de données communes et partagées, associées à des plans numériques, accessibles à tous et à jour, plus il est possible d’optimiser la gestion d’un bâtiment. Cela concerne par exemple le repérage des zones amiantées pour suivre leur état de décomposition, la localisation des ascenseurs avec leurs caractéristiques pour les contrôler, le plan d’évacuation à jour pour la sécurité des personnes ou encore la définition de la surface et de l’usage des espaces pour la taxation.
Le BIM pour l'exploitation
Pour les exploitants, les gestionnaires de patrimoine et les propriétaires, le BIM permet de :
Récupérer des maquettes numériques issues de la conception-construction. C’est le fameux DOE numérique ou DOE BIMisé ;
Interroger et maintenir à jour la base de données pour anticiper, budgétiser et planifier les travaux nécessaires au bon fonctionnement de l’ouvrage (de l'entretien et de la maintenance jusqu’à la démolition) ;
Disposer de la documentation (fiches techniques des équipements, des matériaux…) ;
Suivre les consommations énergétiques ;
Simuler des redistributions d’espace dont les usages pourraient être modifiés.
En conclusion, on peut vraiment dire que le BIM est un élément « invariant », source de continuité numérique : c’est pour cela que l’on parle de « carte Vitale numérique du bâtiment ». Le BIM, en tant que jumeau numérique ou "digital twin", permet une maintenance prédictive ou une optimisation du fonctionnement d’un ouvrage.
Smart cities et smart territories : l’avenir
Source : Présentation buildingSMART France-Mediaconstruct.
Le bâtiment ne sort pas de terre ex nihilo : il repose sur un terrain. C’est là que le BIM rencontre le monde des systèmes d’information géographique (SIG). De plus, le bâtiment se connecte à différents types de réseaux et fait partie d’un quartier avec ses transports et ses espaces collectifs. Tel un ensemble de « poupées russes » qui s’emboîtent les unes dans les autres, le BIM s’ouvre à la ville.
Il existe des maquettes numériques urbaines (MNU) qui agencent de manière structurée des données de natures différentes dans un modèle 3D : socle numérique territorial, bâtiments, ouvrages d’art, mobilier urbain, végétation… De plus, la MNU permet d’effectuer une multitude de scénarios urbains (trafic, niveaux sonores, pollution de l’air, implantation d’un bâtiment…).
Beaucoup de paramètres s’imbriquent les uns aux autres, ce qui complique les simulations. Le rendu visuel de la MNU facilite la prise de décision pour les collectivités mais aussi le dialogue lors des séances de concertation avec les riverains ou les usagers. L’évolution de la notion de ville comme système complexe de réseaux et l’extension de la modélisation informatique participent aujourd’hui à l’avancée du BIM dans les infrastructures (routes, ponts, passerelles, etc.) L’information géographique (linéaire, axe principal) doit être liée à des entités territoriales tout en intégrant des données complexes de conception-construction-exploitation.
Avoir des milliards de points en nuage, avec la technologie laser, devient inutile si l’on n’y ajoute pas l’interprétation et la relocalisation. En effet, après avoir collecté la donnée, il faut la traiter selon les attentes de chacun pour qu’elle ait du sens et devienne une vraie information. Mettre des capteurs n’importe où, pour suivre des mouvements de personnes ou de véhicules, par exemple, peut faire oublier que des métiers se sont créés pour développer des stratégies de maintenance et pour faire évoluer des aménagements.
Source de l'image : Building Digital Britain.
La transformation digitale des industries de la construction, de l’immobilier et de l’aménagement qui s’accélère produit progressivement des avatars numériques des bâtiments, des quartiers et des territoires qui forment un nouvel « actif digital territorial ». Cet « actif digital territorial » peut être un levier d’attractivité et de compétitivité d’un territoire, au même titre que les équipements publics, les infrastructures de transport et les aménagements urbains. L’enjeu pour les maîtres d’ouvrage, les collectivités, les entreprises innovantes et les acteurs académiques est donc maintenant de s’emparer de cette nouvelle opportunité pour nourrir les stratégies de développement territorial, participer à un cadre de vie durable et créer de nouvelles activités.
Le BIM apparaît ainsi comme un gisement de valeurs, en termes de qualité (il permet d'avoir moins de sinistralité par exemple) et d'économies (car il intègre la notion de coût global). L’opportunité financière de la numérisation des processus d’ingénierie, de construction et d’exploitation serait de 10 à 20 % du capital investi.
En résumé
BIM Exploitation, BIM et IoT, BIM et smart buildings, BIM et infrastructures, BIM et villes… Le secteur industriel dont le métier est de façonner le territoire a fait du Big data un atout en y ajoutant la compréhension de l’espace (le territoire) et des usages.
Donc quelle que soit votre activité, la commande portera sur l’information technique, l’information métier que vous allez apporter au projet. Tous les marchés sont ouverts !
Et si vous voulez voir quels types d’opérations sont réalisées en BIM : direction Hexabim, le blog du BIM, Les Cahiers Techniques du Bâtiment, Le Moniteur…