Être travailleur indépendant signifie, en général, que vous aurez des revenus irréguliers. Même si vous avez suffisamment de clients, vous aurez peut-être des délais de paiements très longs, ou encore des moments de vie où vous ne serez pas en mesure de travailler.
Il est donc important de vous sécuriser au niveau financier, pour votre tranquillité d’esprit, mais aussi pour construire une activité pérenne. Vous devez commencer par vérifier la rentabilité de votre activité, sans laquelle vous ne pourrez pas durer !
Votre modèle économique est la façon dont vous allez faire de l'argent dans votre entreprise, en vendant des produits ou services pour un certain prix. Votre objectif en tant que travailleur indépendant sera, comme pour toute entreprise, de facturer plus que vous n'avez de dépenses, en créant de la valeur. C'est ce qu'on appelle la rentabilité.
Pour construire des finances et une comptabilité solide en tant que freelance, il faut donc commencer par s'assurer de sa rentabilité.
Cela passe par trois étapes :
une réflexion autour de votre prix, pour facturer assez,
la prise en compte de toutes vos charges et dépenses,
et enfin, le calcul de la quantité de prestations à vendre pour atteindre votre seuil de rentabilité.
Fixez le prix de vos services
Les travailleurs indépendants réalisent une erreur assez fréquemment : celle de facturer à un taux horaire correspondant à un salaire net, et ne prenant pas en compte tout leur temps travaillé.
En effet, vous passerez une grande partie de votre temps à:
rechercher des clients,
réaliser des tâches administratives pour gérer votre entreprise, notamment votre comptabilité,
et enfin, comme tous les actifs, vous aurez besoin de périodes de formations.
N’oubliez pas, également, de compter plusieurs semaines de congés payés !
Tous ces éléments devront être répercutés sur votre prix. Si vous facturez trop peu, vous risquez de ne pas pouvoir vivre de votre activité, de vous épuiser en travaillant un nombre d’heures non réaliste, voire même de bâcler votre travail par manque de temps ou de motivation.
Vous l’avez compris, en tant que freelance, vous vendez surtout votre temps. Même si vos prix reflètent une autre méthode de mesure (à la mission, au nombre de mots, etc.), vous devez avoir une idée d’un taux journalier, ou d’un taux horaire qui vous convient.
Pour le calculer, rien de plus simple.
Chaque année compte environ 250 jours ouvrés, qui correspondent, si vous êtes à temps plein, à des jours travaillés (hors congés). Vous devez donc retirer de ces 250 jours le temps nécessaire aux activités suivantes :
démarchage commercial,
activités administratives et comptables,
formation,
congés.
Vous obtiendrez un nombre de jours facturés sur lesquels votre facturation entière reposera.
Prenons un exemple : après 5 ans d’expérience dans le service marketing d’un grand groupe, Emma se lance comme freelance et consultante senior en marketing digital, à temps complet. Sur 250 jours ouvrés chaque année :
Finalement, Emma travaillera 225 jours par an (après congés), mais elle ne pourra facturer que sur 133 jours. |
Estimez le montant de vos charges
Comment estimer le chiffre d’affaires nécessaire pour que je sois rentable ?
Votre chiffre d’affaires doit au moins couvrir, sinon excéder, l’ensemble de vos charges et impôts. Cela inclus :
votre salaire,
les cotisations sociales liées à ce salaire,
les éventuels salaires et cotisations de vos employés,
les fournisseurs,
les matières premières,
les autres charges (logiciels, abonnements, bureaux, moyens de transports professionnels, expert-comptable),
les impôts (CFE, taxe d’apprentissage…).
Vous ne devez intégrer que vos frais professionnels dans la liste de vos charges.
Certaines charges peuvent-être fixes et d'autres peuvent-être variables, c'est-à-dire changer en fonction de votre chiffre d'affaires ou des commandes des clients.
La TVA n'est pas à intégrer sur une ligne à part. Si vous êtes en régime de franchise en base, la TVA fait partie de vos charges. Si vous êtes assujetti à la TVA, alors vous pourrez la récupérer, et vous devrez aussi la déclarer lorsque collectée. Vous devrez donc, dans ce cas, indiquer le montant de vos charges et recettes hors taxes.
Reprenons l’exemple d’Emma. Voici ses principaux postes de dépenses :
soit 53 348 € de chiffre d’affaires à facturer pour faire face aux dépenses de son entreprise. Même si, en réalité, Emma pourrait ajuster ses dépenses, par exemple en se payant moins, en repoussant ses formations, en se passant d’un espace de coworking… son objectif est de développer une activité de freelance dans laquelle elle se sente bien, suffisamment rémunérée et formée, et elle inclut donc tout ce dont elle a besoin pour réussir sur le long terme. |
Une fois la somme de toutes vos charges ajoutées, vous aurez une idée de ce que vous devez facturer, en termes de chiffres d’affaires, pour vivre de votre activité. Vous pouvez désormais calculer votre seuil de rentabilité.
Calculez votre seuil de rentabilité
Le seuil de rentabilité est le chiffre d’affaires qui vous permet de faire face à toutes vos charges. Comme, pour les freelances, la rémunération traditionnelle est en tarif par jour, nous vous proposons de le calculer en chiffre réalisé par jour facturé.
Le seuil de rentabilité peut se calculer de la façon suivante :
Ensemble de vos charges (HT) / Ensemble de jours facturés |
Vous obtiendrez un taux horaire par jour, qui sera le minimum à accepter.
Avec tous ces éléments, vous allez pouvoir effectuer des simulations pour connaître la quantité de clients à trouver, et leur panier moyen, pour être rentable. En effet, il vous faudra peut-être un peu de temps pour atteindre votre rentabilité.
Cela s’appelle le point mort.
Votre point mort peut-être le nombre de jours facturés que vous avez indiqué. Il peut aussi être exprimé en temps (nombre de jours, de mois) ou en quantité (nombre de missions réalisées).
Vous pouvez réaliser un prévisionnel financier pour mettre en forme vos théories sur votre recherche de clients, et sur votre point mort. Vous pouvez aussi imaginer un panier moyen, c’est-à-dire la commande moyenne passée par chaque client, et prévoir un nombre de clients chaque mois.
Reprenons l’exemple d’Emma. Emma ne pourra facturer réellement que 133 jours de prestations par an, et elle a besoin de réaliser un chiffre d’affaires de minimum 53 348 € par an. Sa rentabilité se situe à 400 € HT par jour facturé environ. Si elle souhaite se sécuriser, elle pourra facturer davantage. Par exemple 500 € par jour, ce qui est tout à fait correct par rapport au prix du marché pour ce type de prestations. Son point mort se situe donc à 133 journées de conseil vendues à 400 € HT. Emma a construit son offre avec cet objectif en tête. Elle propose à ses clients un abonnement mensuel pour gérer les campagnes de publicités en ligne à 1600 € par mois (4 jours de travail environ). Elle souhaite trouver 3 clients réguliers pour atteindre son objectif. Elle propose donc des engagements de 6 mois minimum. Elle estime qu’un tiers des clients restera une année, et que deux tiers resteront 6 mois. Il lui faudra donc trouver 5 clients par an, de façon échelonnée pour ne pas être débordée par le travail. Une fois qu’elle aura trouvé ses clients réguliers, elle pourra même se libérer du temps dédié à la prospection pour tenir son blog professionnel, et ainsi augmenter sa visibilité en tant qu’experte et attirer de nouveaux clients. Elle prévoit aussi d’avoir de petites missions (courtes) car elle donne des cours dans plusieurs écoles spécialisées (commerce, informatique…) Voici les projections financières d’Emma : En réalisant ses projections, Emma se rend compte qu’elle doit soit facturer plus pour être rentable, soit utiliser ses économies pour pouvoir vivre le temps la première année (il lui manquera 10000 €), soit réduire ses dépenses (en travaillant de chez elle, en annulant ses formations payantes la première année, et en réduisant son salaire d’environ 260 € par mois). Elle pense atteindre son point mort en décembre, soit 12 mois après le lancement de son activité. Avec cet exemple, vous voyez donc l’importance de maîtriser sa rentabilité pour piloter son activité ! |
Le prévisionnel financier peut se réaliser simplement sur un tableur, mais aussi en ligne avec des outils gratuits (comme Fisy) ou payants (inclus sur certains logiciels de comptabilité, de gestion ou de facturation).
Si vous cherchez à trouver des financements auprès des banques ou d’investisseurs, ou encore à trouver des subventions, sachez qu’il faudra fournir un dossier plus complet. Vous devrez ainsi rédiger un “Business Plan” ou plan d’affaires, avec le détail de votre seuil de rentabilité, de votre point mort, avec votre plan de trésorerie et vos projections financières. Vous pouvez trouver des modèles sur le site de L’Agence France Entrepreneur, pour construire votre dossier.
Vous êtes prêt donc à construire une grille tarifaire rentable pour votre activité, et vous savez combien de clients vous devez trouver pour atteindre le point mort et avoir des finances d’entreprise saines.
Il serait donc dommage de mettre votre activité en péril à cause d’une mauvaise gestion des entrées et sorties d’argent. Pour cela, nous vous recommandons d’ajouter au calcul de votre rentabilité un système de gestion de votre trésorerie.