Maintenant que vous comprenez les nombreux défis du transport de marchandises, vous allez pouvoir rencontrer les acteurs qui planifient et réalisent la prestation de transport.
Anticipez la planification de votre prestation de transport
Contractualisez avec le fournisseur avant toute prestation
Pour qu’une prestation de transport soit réalisée, il faut avant tout un client et un fournisseur.
Le client va devoir sélectionner le meilleur fournisseur et contractualiser avec lui les modalités d’achat (prix d’achat, quantité minimale, etc.). C’est le service sourcing-achat du client qui va envoyer un appel d’offres à un panel de fournisseurs et les benchmarker (c’est-à-dire les comparer entre eux) en se basant sur des critères de coût, de qualité, de délais et de RSE.
Le service sourcing-achat est composé d’acheteurs. Ces acheteurs doivent minimiser le coût d’achat des produits pour générer de la rentabilité. Ce coût d’achat comprend :
le coût de production des fournisseurs ;
leur propre coût d’achat de matières premières auprès d’autres fournisseurs ;
la marge des fournisseurs ;
le coût de distribution des produits, incluant le coût de transport qui peut parfois être plus cher que le coût de production lui-même !
Ce coût de transport est intrinsèquement lié à la situation géographique du fournisseur. Celle-ci doit permettre d’obtenir les tarifs et les conditions de transport les plus avantageux (coût, distance, accessibilité), mais aussi les modalités douanières les plus favorables.
Ça y est, l’acheteur a sélectionné son fournisseur ! Ces deux parties prenantes (le client, représenté par l’acheteur, et le fournisseur) doivent à présent réfléchir à l’organisation du transport des marchandises. Plus précisément, il s’agit de choisir lequel d’entre eux est le plus à même de piloter le transport : qui est le mieux organisé, qui a les prix les plus compétitifs, sur quelle partie du trajet…
Ces différents niveaux de responsabilités entre l’importateur et l’exportateur sont contractualisés par le choix d’un Incoterm, code normalisé que nous expliciterons dans la deuxième partie de ce cours.
Admettons pour la suite du cours que l’organisation du transport incombe au fournisseur.
Rencontrez les acteurs chargés de la planification
Il est temps pour le client de passer sa première commande au fournisseur. C’est ici qu’on retrouve notre premier acteur : l’approvisionneur. Il fait partie du service de planification du client. Son rôle est de passer commande au fournisseur. Chaque commande doit contenir :
une date de livraison souhaitée ;
un lieu de livraison ;
la liste des produits ;
la quantité voulue.
Le service logistique du fournisseur va recevoir cette commande et devra organiser deux principales missions :
la préparation et la mise à disposition de la commande ;
la prestation de transport, puisque cela fait aussi partie du contrat.
Le fournisseur opère ici en tant que chargeur, c’est-à-dire l’entreprise propriétaire de la marchandise. Le chargeur doit faire appel à un transporteur dont la mission sera de livrer cette marchandise chez le client, autrement dit, il doit réaliser la prestation de transport.
Pour organiser la prestation, le chargeur peut contacter son commissionnaire de transport. Cet acteur a pour but de rechercher la meilleure prestation en fonction des besoins de son client. Il doit veiller à la coordination de tous les acteurs qui interviennent dans la prestation. Il est contractuellement responsable du bon déroulement de celle-ci, y compris sur l’aspect réglementaire et documentaire.
Le commissionnaire de transport peut faire valoir son expertise sur tous les modes de transport. Dans le domaine purement routier, on utilisera plus communément le terme d’exploitant transport pour désigner l’acteur missionné de l’organisation du fret.
Le commissionnaire de transport peut aussi être accrédité RDE (représentant en douane enregistré). Cela lui confère le droit d’effectuer, pour le compte d’un client, la déclaration et la présentation en douane des marchandises.
Si le chargeur possède déjà une expertise transport et sait avec précision quel est le mode de transport le plus adapté, il ne fera pas appel au service du commissionnaire de transport mais directement à un transitaire. Celui-ci organisera et coordonnera la prestation de transport prédéfinie par le chargeur ; sa responsabilité est plus limitée.
Dans le domaine maritime international, le commissionnaire (ou le transitaire) sera amené à communiquer avec :
l’armateur, qui possède (ou est locataire) du matériel nécessaire au transport maritime. Il définit les conditions d’exploitation de son navire et recrute son propre équipage. Il conclut les contrats de transport de marchandises avec le commissionnaire de transport par exemple ;
l’agent maritime (ou consignataire) représente l’armateur sur toute la partie organisationnelle du fret : optimisation de la charge, organisation des escales, etc. On dit aussi que l’agent maritime est un mandataire salarié de l’armateur ;
le manutentionnaire qui pilote l’activité des dockers, c’est-à-dire la main-d’œuvre chargée des missions de chargement et de déchargement des navires au port ;
les services de douane à l’embarquement et au débarquement, qui contrôlent les marchandises qui transitent, leur correspondance avec la déclaration en douane et le bon encaissement des différents droits et taxes associées.
Appréhendez les informations nécessaires à la planification
Vous connaissez à présent les principaux acteurs, passons à l’organisation de cette planification !
Votre téléphone retentit, un nouveau client a besoin de votre aide en tant que commissionnaire de transport. Votre objectif est de lui proposer une prestation qui assure l’intégrité des produits au coût le plus faible (qu’il soit financier ou environnemental) dans le délai imparti.
Voici les différentes informations dont vous avez besoin de la part du client :
le lieu et la date de mise à disposition de la marchandise par le chargeur ;
le lieu et la date de livraison souhaitée à destination ;
le poids et le volume de la marchandise à transporter ;
le conditionnement de la marchandise : cartons, support palette, vrac, bacs, etc. ;
le type de produit : à conserver à température négative, sensible à l’humidité, inflammable, etc.
En ayant la totalité de ces informations, vous aurez une idée précise des contraintes à respecter.
Vous pouvez dès à présent contacter des transporteurs et autres agents de transit pour avoir des devis ou vous servir de votre propre outil de gestion informatisé pour chercher les meilleures solutions.
Enfin, vous proposez à votre client les différentes prestations possibles en fonction de leurs coûts, délais, et de leur fiabilité.
Définissez les opérations dans le rétroplanning
Admettons que vous ayez sélectionné un transport multimodal routier-maritime-routier, en container complet, pour réaliser la livraison.
Comment être sûr de pouvoir suivre le bon déroulement de votre prestation ?
En réalisant un planning de suivi avec des jalons précis à respecter !
Le premier jalon à modéliser dans le rétroplanning est la date de réalisation et d’envoi de la déclaration sommaire d’entrée (DSE ou ENS “Entry Summary Declaration” en anglais). Ce document doit être réalisé par le chargeur ou le client selon les modalités contractuelles. Celle-ci est exigée par la douane européenne afin de contrôler les marchandises importées. Elle doit impérativement être reçue au bureau de douane du pays d’import 24 heures avant la date de chargement au port de départ. Il est donc essentiel de l’anticiper.
Le second jalon correspond à la date de chargement, ou d’enlèvement, de la marchandise depuis l’entrepôt de l’expéditeur. Ce chargement devra être livré, par route, au port de départ afin de pouvoir transiter jusqu’au pays destinataire. Il faut donc prendre en compte la durée du trajet entre l’entrepôt du fournisseur et le port.
Le troisième jalon correspond à la date de dépose de la marchandise au port. Il s’agit de la date de clôture de la réception à l’entrepôt du port, ou CFS date (“Closing Freight Station”). Après cette date, votre marchandise ne pourra plus être acceptée pour l’embarquement. En général, la CFS date a lieu 6 à 9 jours avant la date de départ du navire.
Le prochain jalon représente la date de départ du navire, connue sous l’acronyme ETD (Estimated Time Departure). À partir de cette date, il faut ajouter le nombre de jours estimés de navigation jusqu’au port d’arrivée, pour retomber sur la date d’arrivée estimée : ETA (Estimated Time Arrival).
Mais la marchandise ne sera pas mise à disposition le jour de l’ETA ! Il faut encore compter le temps de déchargement du navire et les différents contrôles de dédouanement. Vous pouvez nommer ce jalon « Custom Clearance ». Cette étape prend a minima 3 jours et doit être modélisée sur le planning.
Enfin, lorsque la marchandise est mise à disposition et libre de circuler sur le territoire, il faudra encore modéliser la date de l’enlèvement au port et compter le temps de trajet routier jusqu’à l’entrepôt du client pour la livraison finale : votre dernier jalon !
Voilà, vous connaissez les principales étapes pour réaliser votre rétroplanning !
Effectuez le préacheminement
Vous avez préparé votre rétroplanning et le jour J est arrivé. Votre marchandise doit être acheminée au port.
Le chauffeur de la compagnie de transport routier se rend à l’entrepôt de l’expéditeur afin d’enlever la marchandise. Un exploitant transport le reçoit à son arrivée et lui indique à quel quai se ranger. Il lui transmet l’ensemble des documents réglementaires relatifs à sa mission de transport. Ceux-ci permettent d’identifier la marchandise transportée, la date et le lieu de livraison prévus, etc. C’est un cariste/chargeur de l’entrepôt qui va charger la marchandise dans le container, en respectant le plan de chargement établi. Il doit aussi veiller à ce que la marchandise soit attachée et stable lors du transport, c’est ce que l’on appelle l’arrimage.
Le chauffeur contrôle que l’ensemble de la commande attendue est chargée. Tout est conforme, il peut signer un document nommé lettre de voiture internationale, qui lui donne officiellement la responsabilité du chargement jusqu’à réception au port. C’est parti, il peut prendre la route !
Effectuez la prestation de transport principale
Le chauffeur arrive à l’entrepôt du port le jour de la date de clôture. Le container y sera ouvert par la douane export afin de contrôler la conformité de la marchandise vis-à-vis de la déclaration réalisée. Si tout est conforme, le conteneur pourra être acheminé au port et être chargé par les dockers à bord du porte-container.
C’est au tour du capitaine du navire de signer le connaissement et de prendre la responsabilité de la marchandise jusqu’au port d’arrivée.
Après avoir effectué le nombre de jours de transit nécessaire, la marchandise arrive enfin au port d’import. De nouveau, le container devra être transbordé, c’est-à-dire déplacé du porte-container au quai portuaire. Et ici aussi, le conteneur devra être acheminé dans un lieu de stockage temporaire. Il y sera ouvert et contrôlé par les services de douane import afin d’être dédouané, c’est-à-dire être acquitté des droits de douane.
Livrez la marchandise
Nous voici à l’étape post-acheminement.
Un chauffeur d’une compagnie de transport locale va récupérer le container au port d’arrivée. Il en prend à son tour la responsabilité jusqu’à la livraison finale. Après quelques heures de route, le chauffeur arrive à l’entrepôt du client où il sera accueilli par un réceptionnaire. Celui-ci déchargera le container et contrôlera à son tour la conformité de la marchandise : la cohérence avec ce qui avait été commandé, la quantité et la qualité des produits. Le réceptionnaire peut alors valider administrativement la réception de la commande et en prend ainsi officiellement la responsabilité.
Votre mission de transport est terminée, bravo !
À vous de jouer
Contexte
Reprenons notre transport de marchandises malaisiennes.
Nous avons finalement sélectionné un flux combiné maritime-routier.
Voici le courrier électronique que vous avez reçu du service logistique de l’entreprise Les Pt’e-jouets :
Alors, la marchandise doit arriver chez vous le 18 décembre 2023.
On a booké le départ de Singapour le 22 octobre. Le transporteur ira récupérer la marchandise chez e-Panda le 17 octobre, c’est OK pour eux.
Il y a 5 heures de transport jusqu’au port mais étant donné qu’on traverse la frontière ça peut être un peu plus lent, mais moins d’une journée en tout cas. Le trajet dure 45 jours, et il faudra compter 4 jours de dépotage au port pour que le transporteur puisse récupérer la marchandise et vous l’emmener. On se garde une marge supplémentaire pour livrer dans les temps, car du Havre à cette période de l’année c’est compliqué. Si jamais on peut livrer plus tôt, on vous préviendra.
Consigne
Grâce aux informations présentes dans le courrier électronique, réalisez le rétroplanning de la prestation de transport en identifiant les jalons.
En résumé
L’organisation d’une prestation de transport s’anticipe et doit être réfléchie dès la sélection du fournisseur.
De nombreux acteurs interagissent pour la réaliser : l’exploitant transport, le commissionnaire de transport, l’agent maritime, etc.
Elle dépend des contraintes données par le client : volume et poids de la marchandise, lieu de destination, type de marchandise, etc.
Elle est composée de multiples jalons qui doivent être organisés dans un rétroplanning.
Vous avez maintenant une idée globale du processus de planification. Vous avez dû remarquer au fil de la lecture qu’on parle souvent de documentation dans le monde du transport. Suivez-moi dans le prochain chapitre pour découvrir son rôle essentiel !
