Responsabilisez vos collaborateurs
2018, 8 h 58 : Vous êtes dans un open space, tous vos collaborateurs parisiens sont là, et vous partagez votre écran dans une salle de réunion pour définir les objectifs de la semaine.
2022, 8 h 59 : On se connecte depuis Paris dans un coworking et depuis Biarritz. On attend qu’un dernier collaborateur, qui a été embauché en full remote, se connecte alors qu’il vit à Lisbonne depuis 2 ans.
Aujourd’hui, et depuis la crise du Covid-19 qui a profondément rebattu les cartes du cadre de travail à l’ère du digital, plusieurs nouveaux éléments sont à intégrer dans notre vision managériale :
les rendez-vous physiques sont importants mais une majorité d’entre eux peuvent se traiter en visio, de manière à optimiser les journées et réduire le temps perdu des déplacements ;
les salariés peuvent – et réclament de – travailler en grande autonomie.
Qu'est-ce qui change, depuis l’arrivée de ces nouvelles pratiques de management, pour rassembler autour de sa vision ?
Normalement, rien. L’enjeu du manager est de tisser dès le début un cadre clair et de nouveaux codes avec ses équipes pour autonomiser et responsabiliser ses collaborateurs.
Voici quelques-uns de mes conseils pour structurer un cadre de travail responsabilisant pour chacun :
Unifier le temps de travail en présentiel pour tous (sauf, le cas échéant, les collaborateurs embauchés en full remote) : c’est un temps de présentiel à respecter, soit de manière hebdomadaire, soit mensuelle. À vous de le décider et de le valider suivant les règles déterminées par votre entreprise, et selon votre marché, la taille et la proximité des bureaux avec le domicile de vos collaborateurs.
Imposer un réseau Internet qui fonctionne : le cadre de travail doit rester le même que si le collaborateur était dans un bureau. Il doit être en capacité de produire/d’échanger avec la même fluidité qu’en présentiel.
Privilégiez la visio allumée : La communication non verbale est importante dans les échanges pour la compréhension des enjeux et l’engagement des équipes.
Être joignable sur les horaires de bureau : Sur ce point et pour éviter toute sensation de “flicage”, la bonne pratique est de raisonner par le niveau d’urgence sur les différents outils d’échange :
Envoi d’un e-mail : pas urgent mais réponse requise dans les 24 heures.
Envoi d’un Slack/messagerie instantanée : la réponse se fait dans l’heure à 2-3 heures, c’est un outil d’échange simultané mais sur des sujets qui peuvent néanmoins être traités en asynchrone.
Appel téléphonique : c’est le canal pour gérer les sujets urgents/qui seront plus rapides à comprendre par téléphone.
Être présents aux différents points/réunions : les tenir, les préparer, les coanimer quand elles nous sont attribuées. La rigueur vis-à-vis de ces points d’échange est clé pour assurer le maintien d’une vision claire et saine malgré la distance.
Cultivez la confiance dans votre équipe
Ces techniques de surveillance envers les salariés sont bien évidemment contre-productives ! Une fois que le cadre de travail a été instauré avec des règles claires, la responsabilisation et l’autonomie donnée aux collaborateurs vont permettre la création d’un espace de confiance qui va faciliter la mise en œuvre de la vision managériale.
Comment cultiver un terrain de confiance à distance ?
À l’échelle individuelle, évitez le micromanagement : nous le répétons sans cesse dans ce cours, mais même si cela est difficile au début (on pense toujours pouvoir faire mieux par notre séniorité), les collaborateurs progresseront mieux si nous les guidons vers la réalisation autonome des projets qui leur sont incombé.
Pour sortir de la tendance au micromanagement, deux conseils à suivre :
Managez à l'objectif : Cela vous évitera une tendance au “flicage” et aux demandes de sur-reporting qui font perdre en temps et en énergie.
Donnez une échéance à vos collaborateurs pour avancer du point A au point B et rythmer les avancées. Cette unique échéance donnera la liberté nécessaire au collaborateur d’organiser son temps comme il le souhaite pour atteindre cet objectif.
Collectivement, il existe aussi des rituels qui peuvent être mis en place pour créer une relation d’équipe digitale riche :
Les points de motivation collectifs : Il est possible d’implémenter quotidiennement un point météo, qui permet de sentir une énergie d’équipe, faire rapidement un tour de table pour annoncer son mood du jour et ses motivations. C’est un point qui n’est pas obligatoire mais qui peut permettre de redynamiser les équipes même de manière temporaire, en proposant un rituel qui n’est pas focus sur les objectifs mais uniquement sur l’énergie.
Les team building digitaux : Ils ne remplaceront jamais une activité en présentiel ou un verre entre collègues, mais la mise en place d’ateliers créatifs, de jeux de société digitaux… peuvent être d’incroyables moments fédérateurs pour votre équipe… tant qu’ils ne sont pas trop oppressants pour les collaborateurs ni obligatoires et qu’ils sont bien entendus mis en place sur les temps de pause ! N’hésitez pas à faire un sondage d’intérêt avant de les lancer et adaptez-les aux passions et intérêts des collaborateurs en les rendant responsables de leur régularité !
Ces “à-côtés” digitaux font aussi partie intégrante de la vision managériale et permettent de maintenir esprit d’équipe, confiance et concentration pendant les temps de travail à distance des équipes.
À vous de jouer !
Réfléchissez à votre organisation pour repérer les points d’amélioration dans lesquels vous pourriez infuser plus de confiance au sein des équipes.
Préparez un atelier individuel appelé “Mon guide de préférences personnelles” en matière de communication remote.
Cela vous permettra d’apprendre à connaître les membres de votre équipe et à travailler sur un terrain de confiance avec eux en partageant des guides de préférences personnelles, qui incluent les préférences en matière de communication et bien plus encore.
Préparez le terrain : Pour cela, préparez un “template” de présentation dans lequel les collaborateurs devront remplir leurs préférences d’outils et de rituels.
Partagez et commentez vos notes : Chaque collaborateur devra remplir et vous partager ses préférences en termes d’outils, de rituels collectifs et de processus de validation.
Proposez un cadre : À partir des informations reçues par vos différents collaborateurs, revenez vers eux avec une proposition de cadre uniformisée (sauf exception, par exemple pour quelqu’un qui travaille en point de vente) qui servira à piloter adéquatement le projet et qui mixera les préférences citées lors de l’atelier.
Donner de l’ownership sur cette organisation vous permettra de responsabiliser vos collaborateurs et d’installer la confiance de manière durable.
Positionnez-vous à votre juste place de manager
Amitié vs crédibilité : quelle bonne dose donner dans la relation avec mes managés ?
Il convient tout d’abord de comprendre pourquoi on assiste de plus en plus à ce changement de paradigme dans le monde de l’entreprise :
L’accessibilité des relations est facilitée grâce à la technologie et les nouveaux rituels : Q&A, modes de communication informels, importance des “à-côtés” pour forger de la culture d'équipe, promotion du travail collaboratif… Tous ces éléments de confiance ajoutés dans notre cadre professionnel facilitent aussi les conversations plus intimes et personnelles, qui mettent à l’aise et forgent des relations plus fortes.
L’horizontalité des relations qui est aujourd’hui valorisée brouille également les codes hiérarchiques et favorise la proximité et l’amicalité.
Il est tout à fait possible d’être empathique, amical, et de créer de vraies relations hors du cadre de travail. Cela ne doit pas néanmoins fragiliser sa crédibilité dans le cadre de son poste de manager.
Mais alors, comment garder sa crédibilité professionnelle quand la sphère pro et la sphère perso s’entremêlent ?
Il est important de rester professionnel pour asseoir sa légitimité en tant que manager et crédibiliser sa vision managériale. Quelques conseils de limites à ne pas dépasser dans la sphère professionnelle dans une relation manager-collaborateur :
Ne pas répondre à des heures insensées (à minuit ou le week-end) pour marquer que vous n’êtes pas joignable H24 (cela vous évitera aussi de mettre la pression à vos équipes avec des mails le dimanche à 2 h du mat et gagner en maturité et prise de recul avec votre travail).
Segmenter les niveaux de conversation : en off “je te parle en tant qu’amie” / au travail “en tant que manager”.
Éviter les confidences sur des situations intimes qui pourraient se retourner contre vous ou vous mettre dans l’embarras dans des sphères de négociations professionnelles.
Pour conclure, restez professionnel dans le cadre de votre travail, il en va de votre autorité, crédibilité et énergie portée à votre vision managériale. Cela n’empêche ni bons moments, ni à-côtés, ni séjours organisés sous les cocotiers, tant que les sujets abordés y restent légers et en pleine impartialité.
En résumé
Face aux nouvelles pratiques de télétravail, l’enjeu du manager est de tisser dès le début un cadre clair et de nouveaux codes avec ses équipes pour autonomiser et responsabiliser ses collaborateurs.
Une fois ce cadre institué, le meilleur outil pour faire grandir vos collaborateurs à distance n’est autre que la confiance.
Des rituels digitaux individuels et collectifs peuvent être mis en place pour créer un espace de membership et une relation digitale riche.
L'amitié au travail est un sujet délicat : même si les nouveaux codes du travail et l’horizontalité des échanges facilitent ce type de relations, il convient là aussi d’en fixer les règles afin de ne pas entraver sa crédibilité et, par effet domino, de fragiliser sa vision managériale.
Nous avons vu comment intégrer les nouveaux modes de travail à sa vision. Nous allons désormais voir comment ajuster sa vision aux bouleversements extérieurs.