Comme nous l’avons vu au cours des chapitres précédents, le pacte d’actionnaires répond à toutes sortes de règles, aussi diverses les unes que les autres.
Le pacte d’actionnaires peut aussi protéger les intérêts de certains actionnaires, au-delà de la détention des titres.
Prenons le cas de Pierre et Jean. Au cours des négociations avec le fonds d’investissement, Pierre et Jean ont ainsi pu concrétiser, au travers des clauses qu’ils ont pu négocier, leurs volontés réciproques de se protéger. Ils apprennent que le fonds d’investissement détient déjà des participations dans une société du même type, qui, sans être identique, est complémentaire. En effet, l’une pourrait être le fournisseur de l’autre…
Pierre et Jean, intrigués par cette information, surtout que le fonds pourrait vouloir imposer un changement de fournisseur, décident d’en parler… et effectivement, le fonds admet qu’il est dans une stratégie de rachat de société à moyen terme.
Les fonds d’investissement, comme nous l’avons également vu, n’ont pas vocation à détenir des titres au-delà d’un certain nombre d’années, en général 5 ans. Mais la durée est propre à chaque cas d’entreprise.
Les fonds d’investissement ne font pas tous de la spéculation et que certains peuvent représenter les intérêts d’une famille (on les appelle les “family offices”), ou encore être un fonds de défiscalisation tels que les fonds d’investissement de proximité, et bien d’autres, bien entendu.
Il s’avère également que les fonds peuvent agir dans les intérêts de grandes sociétés, par le biais de participations directes ou indirectes.
C’est précisément le cas de “Pierre et Jean Confiserie”, qui intéresse fortement un groupe qui évolue dans le milieu de l’agroalimentaire.
Si Pierre et si Jean avaient fait l’effort de s’intéresser de plus près à qui était leur interlocuteur, ils auraient peut-être négocié les clauses différemment…
Pourquoi ?
Si “Pierre et Jean Confiserie” intéresse de près une grande société de l’agroalimentaire, il y a fort à parier que cette dernière ne cherche pas uniquement à faire fructifier son épargne, mais peut-être bien son chiffre d’affaires ! Pierre et Jean peuvent légitimement penser que le groupe agroalimentaire cherchera, tôt ou tard, à racheter leur société.
La clause de garantie d'actif et de passif
D’autant plus que le fonds leur impose une autre clause : la garantie d’actif et de passif, qui porte le doux surnom de GAP.
Cette garantie permet à un acheteur de s’assurer de la valeur des titres qu’il souhaite acquérir. Si l’actif diminue ou si le passif augmente à la suite de la cession d’une société et que l’origine est antérieure à la cession, alors le vendeur s’engage à indemniser l’acheteur.
C'est-à-dire ? o_O
Si la société “Pierre et Jean Confiserie” voit sa dette (passif) augmenter, alors que cela n’était pas prévu lors des négociations, ou si son patrimoine (actif) diminue fortement, alors que cela n’était toujours pas prévu, les acheteurs se retrouvent lésés. Le prix qu’ils auront payé sera forcément surévalué dans la mesure où les conditions de rachat de la société ont changé.
C’est tout le rôle de la garantie d’actif et de la garantie de passif. Car oui, j’ai dit jusqu’à présent la garantie d’actif et de passif, mais en réalité c’est une garantie d’actif et une garantie de passif.
La clause de garantie d'actif
La clause de garantie d’actif protège donc le ou les acquéreurs contre une diminution des actifs.
La clause de garantie de passif
Par la suite, il sera possible d’y adjoindre une garantie de passif. Clause complémentaire, la garantie de passif vise à protéger contre la hausse du passif de la société, donc contre la hausse de la dette, que ce soit une dette financière, telle qu’un crédit, une dette de fournisseur, etc.
En effet, une société dispose toujours d’un passif, ne serait-ce qu’avec les délais de paiement. Il y a donc le passif que l’on voit, celui que l’on ne voit pas à l’instant des négociations, mais qui est bien pourtant la résultante de la gestion du vendeur. Pour autant, il est possible d’évaluer le montant du passif, dans le cadre d’une gestion saine. Vient alors le cas du passif qui aurait été volontairement caché par le vendeur, qui est, comme vous vous en doutez, une pratique frauduleuse.
Les autres clauses de garantie
Des clauses peuvent, bien entendu, venir compléter la clause de garantie d’actif et de passif :
les clauses de non-concurrence,
les clauses de garantie de paiement,
les clauses d’earn-out (indexation du prix de la vente sur la performance de l’entreprise, au cours d’une période après la cession),
une clause compromissoire (recours impératif à de la médiation plutôt qu’aux tribunaux),
ou encore la présence de contre-garanties comme les garanties bancaires ou des sûretés réelles (hypothèque…).
Pierre et Jean ont donc accepté que soit ajoutée au pacte d’actionnaires une clause de garantie d’actif et de passif, le fonds d’investissement souhaitant se prémunir contre d’éventuelles informations qui lui auraient été cachées.
Ils ont en revanche refusé que le prix de vente soit indexé sur la valeur du chiffre d’affaires réalisé par la société après la vente, préférant sécuriser leur patrimoine personnel.
En négociant une durée réduite, de seulement trois ans pour cette garantie, le fonds d’investissement leur a imposé une clause de non-concurrence, d’une même durée.
Vous aurez donc compris qu’une fois de plus, le pacte d’actionnaires peut se résumer à quelques lignes comme à de longues pages de clauses, que vous devrez négocier une à une afin d’éviter tout problème futur.