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J'ai tout compris !

Mis à jour le 08/01/2024

Repérez les signes avant-coureurs

Pour établir un bon diagnostic de la situation conflictuelle, vous devez distinguer

  • le type de conflit ;

  • et le stade de développement du conflit.

Les différents types de conflits

En pratique, vous serez confronté à deux grandes catégories de conflits : les conflits  organisationnels et les conflits relationnels.

Les conflits organisationnels

Ce sont des conflits dus à des désaccords sur :

  • les tâches : qui doit faire quoi ?

  • les processus : comment, sous la supervision de qui ?

  • les délais : quand, pour quand ?

  • le coût financier.

Donc pour traiter ce type de conflit, vous devez d'abord identifier :

  • les éléments techniques du problème ;

  • tous les interlocuteurs concernés.

Quand, dans une organisation, les collaborateurs ne sont pas d'accord sur la répartition des tâches ou la façon de les accomplir, les frictions d'égos individuels et surtout les jeux de pouvoir systémiques, entre les différentes équipes, viennent attiser les tensions. Vous devrez donc également prendre en compte :

  • les enjeux de groupes :  par exemple, les ingénieurs contre les commerciaux ;

  • les enjeux de structure : siège contre filiale/bureau/agences; l'approche support contre l'approche terrain.

Voici deux exemples de conflits organisationnels que nous développerons dans la suite du chapitre :

Cas 1 : Dans un grand magasin, la zone dédiée aux chaussures de luxe réalise d’excellentes ventes sur un modèle qui arrive vite en rupture de stock. Olivier, le responsable, fait une demande urgente par e-mail pour un réassort rapide. Nathalie, la gestionnaire de la logistique au siège répond rapidement : ce n’est pas possible avant le mois suivant. Olivier insiste en expliquant que les ventes sont médiocres et que ce réassort peut lui permettre de réaliser les objectifs de Chiffre d'affaires du mois. Rien n’y fait ; Nathalie reste inflexible : "ce sont les procédures du groupe".

Les conflits relationnels

Comme leur nom l'indique, ces conflits sont provoqués par des frictions dans la relation de travail parce que les collaborateurs sont souvent très différents sur le plan :

  • de la personnalité, des affects ;

  • des modes de fonctionnement dans le travail ;

  • des identités et systèmes de valeurs personnels ;

  • des besoins fondamentaux dans un contexte structurellement concurrentiel.

Les autres conflits relationnels se développent dans des situations de travail à risques que vous pouvez identifier en amont, avec des causes objectives et subjectives identifiables. Dans la majorité des cas, les conflits relationnels se traitent avec de la méthode et de la pratique.

Voici deux exemples de situations potentiellement conflictuelles sur le plan relationnel que nous développerons par la suite :

Cas 2 : Dans une start-up à Montpellier, Chloé, une jeune designer de 26 ans, embauchée il y a 6 mois, déjeune régulièrement avec l’équipe marketing. Elle entretient des relations professionnelles amicales avec ses collègues. Un jour, au restaurant, Mathilde, cheffe de projet de l’équipe, la quarantaine, deux enfants, annonce que sa jeune sœur se marie, et est enceinte. Elle exprime son soulagement que celle-ci « s’engage enfin dans la construction d’une famille » et elle ajoute en riant, qu’elle « arrête de ne rien faire de sa vie et de changer de copain toutes les trois semaines ». Chloé, qui est célibataire et indépendante, est surprise et choquée par ces propos qu’elle juge paternaliste. Alors que le reste de l’équipe se réjouit de ces événements familiaux, elle se met en retrait de la conversation et semble indifférente.

Le conflit organisationnel, qui résiste sans motifs apparents alors que des solutions ont été proposées, est souvent un conflit relationnel masqué ou l’est devenu dans l’enlisement. Au contraire, le conflit relationnel est parfois un conflit organisationnel qui n’a pas été traité.

Les différents stades de développement du conflit

Vous devez maintenant identifier le degré d’avancement du conflit, car la variable « temps » est cruciale pour le traitement du conflit !

Ne confondez pas problèmes, désaccords et conflits

En fait, pour bien comprendre la situation conflictuelle et son évolution dans le temps, il faut faire la distinction entre :

  • Un problème est différent d'un désaccord, car les problèmes se résolvent ;

  • Un désaccord est l’expression d’une créativité, d'une capacité à proposer plusieurs solutions ! Ils ne sont pas négatifs en soi. 

  • Un conflit est un désaccord avec des tensions visibles qui persistent dans le temps et s'aggravent. Il y a trois stades de développement du conflit :

    • le stade de la tension ;

    • le stade de la crise ;

    • et le stade de l'enlisement. 

Stade 1 d'un conflit : la tension

On constate un problème et un désaccord sur la façon de le régler, en réunion, dans un échange de mail, au téléphone, l'ambiance se tend... Ce n'est encore qu'un risque de conflit. D'ailleurs, tous les interlocuteurs ne sont pas forcément conscients de cette tension. Et parfois, le désaccord n’est pas verbalisé clairement et la "tension" est plus diffuse.

Apprenez à repérer les signes précurseurs ! Voici des exemples :

  • on ne s'écoute pas ou moins ;

  • les postures corporelles se ferment, les sourires sont moins naturels ;

  • les protagonistes se désengagent de l’échange : un silence soudain, un sourire gêné. Ou encore vous pouvez repérer un changement d’habitude qui se renouvelle sans motif connu. Par exemple, un collaborateur ne dit pas bonjour, ne vient pas déjeuner avec le reste de l’équipe.

Quel pronostic dans ce contexte ?

Bonne nouvelle, il est très bon ! Ce stade peut être réglé rapidement et à moindres frais par :

  • une analyse correcte du problème,

  • une communication appropriée,

  • et une mise en œuvre de(s) solution(s) sans délai.

La tension est inconfortable, mais autorise une résolution gagnant-gagnant.

Reprenons nos exemples, au stade de la tension :

Cas 1 : Olivier, le responsable du magasin se sent peu soutenu par le siège qui ne lui donne pas les moyens d’atteindre les objectifs de vente. De son côté, Nathalie, la gestionnaire logistique applique les règles du groupe et se sent traitée comme une ennemie par les opérationnels. Olivier n'a pas répondu à son email lui demandant le transfert des invendus de la saison précédente.

Cas 2 : Chloé, la jeune designer, est devenue distante avec Mathilde, la chargée de projet marketing, qui a mis quelques jours à s’en apercevoir et ne comprend pas cette prise de distance.                                                                   

Stade 2 d'un conflit : la crise

Le stade du conflit est franchi à l’occasion d’une crise. À ce stade, le débat se polarise et les positions se durcissent. Les arguments échangés se radicalisent, perdent en nuances. Les opposants creusent des tranchées. Changer d’avis n’est plus possible. Communiquer devient difficile.

Voici comment la crise peut se manifester :

  • L’argumentation avance par généralisations, amalgames ("vous les commerciaux…", se transforme en marchandage). Les échanges deviennent manipulateurs ("si nous n'obtenons pas … dans la journée, nous annulons…").

  • Le sourire disparaît.

  • Le ton se durcit. Parfois, chez les personnes introverties, les manifestations peuvent être discrètes : un ton de voix brièvement brusque ou sec. Avec des personnalités extraverties, le ton monte jusqu’à la confrontation directe (clash).

Quel pronostic lorsqu'on a passé l'étape de la crise ?

Le pronostic est alors plus moyen... Chaque partie ne laissant plus place au compromis, le désaccord devra être tranché. Le cadre de résolution se fige en gagnant-perdant.

Cas 1 : Une semaine est passée. Olivier n’a pu vendre le modèle non réassorti alors que beaucoup de clients l’ont demandé. Son chiffre d’affaires piétine. Il décide d’appeler Nathalie à qui il réexplique l’enjeu de ce réassort pour les ventes du mois. Nathalie lui répond froidement qu’elle n’y peut rien. Olivier rétorque : « C’est toujours comme ça avec le siège ; on ne peut jamais compter sur vous, sauf pour mettre la pression ! » Nathalie ne répond pas, puis écourte l'échange brusquement et raccroche.

Cas 2 : Chloé a déjeuné seule ces deux derniers jours. Elle croise Mathilde en sortant des toilettes, qui la salue : « Alors, tu nous abandonnes ? » Chloé lui répond, un peu crispée, qu’elle a des déjeuners à l'extérieur en ce moment. Mathilde lui lance, avec une bonne humeur forcée : « J’ai toujours su que t’étais perso ! ». Chloé n’apprécie pas du tout cette tentative d'humour et s’en va sans répondre.

Stade 3 d'un conflit : l’enlisement

Le conflit s’enlise, c’est l'escalade. L’enlisement se produit quand la crise n’est pas résolue, et que le désaccord est vieux de plusieurs jours, semaines, mois, parfois années. Les arguments devenus binaires ne comptent plus vraiment. Le conflit d’idées s’est transformé en conflit de personnes. Le problème n'est plus extérieur aux personnes. Le problème, ce sont maintenant les personnes ! L’objectif n’est plus la résolution du problème initial, mais la destruction de la partie adverse.

Voici à quoi on peut reconnaître l'enlisement :

  • Quand le conflit est ouvert, des attaques contre la personne fusent ("Marc est un incapable"), avec parfois des insultes.

  • Quand le conflit est larvé, un mal-être durable se développe. Le stress relationnel est visible. Les collaborateurs :

    • s’évitent,

    • ont des visages fermés, agressifs, ou ne se regardent plus quand ils se rencontrent,

    • ne se saluent plus,

    • se suppriment de leurs listes de diffusion,

    • ne font plus suivre l’information,

    • ne sont plus en mesure de travailler ensemble.

  • L'ambiance se dégrade : des rumeurs se propagent, les dénigrements sont permanents.

  • La performance baisse.

  • Des conflits sociaux éclatent.

Quel pronostic lorsqu'un conflit s'est enlisé ?

Le pronostic est alors mauvais...Le cadre de sortie de l'enlisement est le plus souvent perdant-perdant.

Cas 1 : Olivier n’a pas réalisé son objectif de ventes du mois. Il n’a pas pu récompenser ses vendeurs avec une prime méritée et en rend responsable Nathalie qui n’a voulu faire aucune exception à sa « sacro-sainte procédure groupe ». Il pense qu’elle ne comprend rien au business, qu’elle ne sait pas prendre d’initiatives. Il le dit à ses collègues des autres points de vente. Quand, six mois plus tard, Nathalie invite tous les responsables de boutique à une formation sur le nouveau logiciel de gestion de stocks, elle fait face à un public peu coopératif, voire agressif, et totalement hostile à l’informatique.

Cas 2 : Chloé a commencé par prétexter un cours de sport à l’heure du déjeuner, puis a pris l’habitude de déjeuner avec deux membres juniors de l’équipe avec qui elle fait bande à part. La coopération fructueuse entre elle et Mathilde est empêchée par leur mésentente visible. Elles s’accrochent régulièrement en réunion sur des détails et ne sont jamais du même avis, en particulier sur les sujets de société.  Chacune pense que l’autre n’est pas compétente et fait régulièrement des allusions désobligeantes qui pourrissent l’ambiance. L'équipe perd en créativité. Personne ne se souvient depuis quand, ni pourquoi Chloé et Mathilde ne s’entendent plus et ne peuvent pas coopérer. Deux clans se sont formés dans l’équipe.

Récapitulons les signes qui ne trompent pas

Avec de la pratique, vous serez davantage réceptif au stade 1 (la tension) où tout est encore maîtrisable à peu de frais. Soyez également vigilant sur le stade 2, car certains masquent très bien la "crise". Enfin, le stade 3 est vraiment un basculement net : le conflit devient plus difficile à gérer, mais rien n'est encore perdu !

Stade 1 : La tension 

Stade 2 : La crise

Stade 3 : L'enlisement

Désengagement de l’échange

Confrontation directe et/ou rupture de communication 

Détérioration durable de la relation

Incompréhensions

Argumentation binaire

+ formation de clans

Silences

Radicalisation des postures 

+ rumeurs et dénigrements

Évitement du regard

Généralisations (« toujours », « jamais »)

+ stress relationnel, mal-être généralisé

Sourires moins naturels

Amalgames

+ démotivation, absentéisme

Corps moins expressifs

Manifestations émotionnelles plus fortes

+ évitements systématiques, exclusion des listes de diffusion

E-mails laconiques

Ton dur, sec

+ travail de sape, antijeu

Moins de discussions informelles (small talks)

Regards agressifs, corps agités

+ baisse visible de la performance (délais non respectés, perte de contrats, créativité en berne, etc.)

Réduction de la fréquence de communication

Attaques contre la personnes, insultes

+ blâmes, plaintes, ruptures de contrats de travail (démissions, licenciements), turnover en hausse

Changement d’habitude (« disparitions » : déjeuner, trajet, pause café, etc.)

Manipulations, marchandages, chantage

+ Conflits sociaux : débrayages, grèves

Résolution Gagnant-Gagnant 

Résolution Gagnant-Perdant

Résolution Perdant-Perdant  

En résumé

  • Face à un conflit ou une suspicion de conflit, commencez par identifier s'il est plutôt de type organisationnel (le problème porte sur les tâches, les processus et les responsabilités) ou relationnel.

  • Apprenez à diagnostiquer l'existence d'un conflit le plus tôt possible, que vous soyez concerné ou pas, car tant que le conflit en est au stade 1 de la tension, ou 2 de la crise, il est encore gérable. Au stade 3 de l'enlisement, les chances de résolution diminuent et surtout le "coût" humain et financier augmente !

Et maintenant, appréhendez les causes et conséquences du conflit. Rendez-vous au chapitre suivant !

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