Qu’est-ce que le commerce électronique ? En quoi est-il différent du commerce « physique » ?
La loi française donne cette définition : « activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de service ».
Le domaine concerné par le droit du commerce électronique
Juridiquement, cela entraîne une série de conséquences :
parce qu’il est à distance, toutes les règles qui encadrent les contrats conclu à distance, et qui visent notamment la protection du consommateur, vont s’appliquer ;
l’objet du contrat (du commerce électronique) est très large puisqu’il concerne autant la vente que la prestation de services ;
il suffit de proposer (il suffit donc d’une offre) un bien ou un service de manière électronique, même si le contrat n’est pas conclu « en ligne ».
toutes les relations commerciales sont concernés : le B2C, le B2B et le C2C. Bref, cela vise concrètement autant Amazon que LeBonCoin !
Domaine contractuel concerné
La complexité juridique en la matière tient au fait que les règles de droit qui régissent les contrats conclus à distance avec un consommateur ne sont pas identiques pour tous les contrats.
En premier lieu, les règles du droit de la consommation qui s'imposent pour tout contrat B2C conclu à distance excluent un certain nombre d'hypothèses, par exemple :
les contrats conclus au moyen de distributeurs automatiques ou de sites commerciaux automatisées,
les contrats conclus avec des opérateurs de télécommunication aux fins d'une connexion unique par téléphone, internet ou télécopie.
Leur réglementation est alors assurée par d'autres règles.
En second lieu, concernant les règles du commerce électronique, certaines opérations sont régis par des règles spécifiques, dont notamment les contrats portant sur des services financiers.
Quel régime juridique s’ensuit pour le commerce électronique ?
On distingue des règles générales, que vous allez voir dans ce chapitre, et des règles spéciales (notamment sectorielles), que vous verrez au chapitre suivant.
Les règles concernant la publicité en ligne
L'interactivité de l'internet (clic sur les bandeaux) et le ciblage des internautes créent un contexte singulier. De manière générale, deux obligations générales sont imposées : l'obligation de l'identification de la publicité et l'obligation de l'usage du français.
L'obligation de l'identification de la publicité
Il faut également respecter une obligation de transparence pour toute offre commerciale, concours et jeux promotionnels adressés par courrier électronique. Cette obligation s'applique de manière générale, sans tenir compte de la qualité de consommateur ou non du destinataire de l'offre, du concours ou des jeux promotionnels.
Elle impose :
de clairement identifier la nature publicitaire de la communication,
de rendre accessible les conditions qui s'y appliquent.
Une affaire l'illustre : sur le site de comparateur de prix de la société Kelkoo, les explications offertes au consommateur sur la nature publicitaire des informations affichées n'étaient accessibles qu'à condition que l'internaute clique sur des rubriques comme "Qui sommes-nous ?", "plus d'explications sur les résultats". Il a été jugé que ce procédé était incompatible avec la règle exigeant une identification claire de la nature publicitaire des informations affichées. (Cour de cassation, chambre commerciale, 29 novembre 2011).
L'obligation de l'usage du français
Cette obligation n'est pas énoncée spécifiquement par un texte pour l'Internet. Son application peut être raisonnablement conçu de la manière suivante :
Un site rédigé en français devra nécessairement exposer une publicité en français.
Un site rédigé en langue étrangère pourra avoir recours à une autre langue. Mais s'il vise à conclure un contrat avec un consommateur, la loi lui permet d'offrir plusieurs langues de conclusion du contrat, dont nécessairement le français, ce qui impose donc que les publicités soient également en français.
La logique est simple : dès lors que vous dirigez une activité vers la France, en acceptant de conclure un contrat avec un résident français, il vous faut a minima une version française du site, des publicités et du contrat.
Les règles concernant la formation du contrat en ligne
Nous l'avons déjà vu dans la partie précédente : un contrat se forme par la rencontre de deux consentements, avec comme conditions que les parties aient la capacité de contracter (les pouvoirs pour engager la société par exemple, ou la majorité) et que le contenu du contrat soit licite et certain (notamment que les obligations soit bien déterminables).
Concernant la capacité, sa vérification peut soulever des difficultés dès lors que le contrat est formé en ligne. Dans ce cas, la vérification, par exemple de la majorité du cocontractant, est faite par une simple déclaration de majorité qu'il faut demander formellement.
Exemple : "En acceptant cette transaction, je certifie être majeur et en possession de toutes mes facultés..."
En attendant le développement et la banalisation d'identités numériques qui certifieront l'âge, ce formalisme (léger) suffit à écarter le risque consécutif à la conclusion d'un contrat par un mineur.
Le formalisme électronique, qui résulte d'un texte européen, consiste en :
une obligation d'information préalable,
une obligation d'information et de formalisation de l'offre de contracter,
une manifestation spécifique de l'acceptation de l'offre (consentement par "double-clic"),
une obligation de confirmation,
une recommandation d'archivage.
Le contrat en ligne est donc valablement formé aux conditions suivantes.
Information préalable
Vous devez assurer un accès facile, direct et permanent, utilisant un standard ouvert, aux informations suivantes :
S'il s'agit d'une personne physique, ses nom et prénoms et, s'il s'agit d'une personne morale, sa raison sociale ;
L'adresse où elle est établie, son adresse de courrier électronique, ainsi que des coordonnées téléphoniques permettant d'entrer effectivement en contact avec elle ;
Si elle est assujettie aux formalités d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, le numéro de son inscription, son capital social et l'adresse de son siège social ;
Si elle est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et identifiée par un numéro individuel en application de l'article 286 ter du code général des impôts, son numéro individuel d'identification ;
Si son activité est soumise à un régime d'autorisation, le nom et l'adresse de l'autorité ayant délivré celle-ci ;
Si elle est membre d'une profession réglementée, la référence aux règles professionnelles applicables, son titre professionnel, l'État membre dans lequel il a été octroyé ainsi que le nom de l'ordre ou de l'organisme professionnel auprès duquel elle est inscrite.
Dès lors que l'on mentionne un prix, il est obligatoire d'indiquer celui-ci de manière claire et non ambiguë, et notamment si les taxes et les frais de livraison sont inclus.
Cette obligation préalable d'information inclut également "les services tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d'accès et de récupération de données, d'accès à un réseau de communication ou d'hébergement d'informations, y compris lorsqu'ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent".
Information et formalisation de l'offre de contracter
Dès lors que l'on propose une offre, en tant que professionnel, il faut mettre à disposition les stipulations contractuelles, autrement dit le contrat. Cette mise à disposition doit prendre une forme qui autorise la conservation et la reproduction des stipulations contractuelles. Toute condition contractuelle qui n'aura pas été mise à disposition ne pourra pas être invoquée.
L'offre, tant qu'elle demeure accessible du fait du professionnel, l'engage. Cette précision légale déroge légèrement au droit commun du contrat.
Cela se justifie en termes de risque juridique : il est fréquemment considéré que dès lors que l'on accepte de conclure un contrat avec un résident d'un pays, on accepte de se soumettre aux lois régissant le commerce dans ce pays. Cela est particulièrement vrai en matière de règles de protection du consommateur.
La loi précise que l'offre en ligne doit s'accompagner d'un certain nombre d'informations :
Les différentes étapes à suivre pour conclure le contrat par voie électronique ;
Les moyens techniques permettant au destinataire de l'offre, avant la conclusion du contrat, d'identifier d'éventuelles erreurs commises dans la saisie des données et de les corriger ;
Les langues proposées pour la conclusion du contrat au nombre desquelles doit figurer la langue française ;
Le cas échéant, les modalités d'archivage du contrat par l'auteur de l'offre et les conditions d'accès au contrat archivé ;
Les moyens de consulter par voie électronique les règles professionnelles et commerciales auxquelles l'auteur de l'offre entend, le cas échéant, se soumettre.
Manifestation spécifique de l'acceptation
C'est l'aspect crucial de la formation du contrat, puisque la loi indique que "le contrat n'est valablement conclu" que si le destinataire de l'offre a pu :
vérifier, le cas échéant corriger, et valider sa commande comportant le prix ;
confirmer ensuite son acceptation définitive.
C'est pour cela que l'on parle de "consentement double-clic" : il faut un premier clic de validation des éléments de la commande (généralement sur une page interactive de confirmation) et un second clic de confirmation de la commande ainsi validée.
Confirmation
La dernière étape du processus de formation du contrat exige du professionnel qu'il confirme, par voie électronique, à son tour et sans délai, que la commande a bien été enregistrée par lui.
Le plus souvent, cela se fait par l'envoi d'un courriel.
Les règles concernant l'exécution du contrat en ligne
Une fois conclu valablement, le contrat devra être exécuté.
L'exécution du contrat en ligne ne présente guère de spécificités juridiques distinctes de n'importe quel autre contrat. La distinction entre l'exécution purement en ligne et l'exécution physique n'est pas régie par des règles spécifiques au commerce électronique.
La responsabilité contractuelle spécifique au commerce électronique
Le régime juridique de la responsabilité du e-commercant est essentiellement celle qui est prévue au code civil pour tout contrat. Le droit européen en matière de commerce électronique n'a pas prévu de régime particulier.
Cependant, la loi française apporte une précision : elle prévoit une responsabilité contractuelle du fait d'autrui de plein droit afin que le e-client n'ait qu'un seul interlocuteur.
Il est prévu que le professionnel auteur de l'offre de contrat est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations sont à exécuter par lui-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.
Il existe toutefois des causes d'exonération de sa responsabilité s'il apporte la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable à l'une des causes suivantes :
à l'acheteur,
au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat,
à un cas de force majeure.
Par exemple, il a été jugé que si l'accès au réseau fourni par Free est interrompu pour une cause qui ne relève pas de Free, mais de France Telecom (avant que cette société ne devienne Orange), cela ne dispense pas Free de sa responsabilité à l'égard de son client concernant la bonne exécution du contrat (affaire Jean B. / Free, France Telecom, 23 juin 2009).
Vous connaissez désormais les règles générales du commerce électronique. Voyons dans le prochain chapitre les règles sectorielles !