Au chapitre précédent, vous avez découvert les règles générales applicables au commerce électronique. Ces règles sont complétées de règles spéciales, en raison de la nature du bien ou du service, ou de la manière dont les biens ou services sont commercialisés.
Ces règles spécifiques s'établissent notamment en raison de la dangerosité de l’objet pour le client (protection du consommateur) ou pour la société (santé publique, morale, ordre public).
Les spécificités sectorielles visent donc assez logiquement :
tabacs et alcool,
vente en ligne de médicaments,
jeux et paris en ligne ,
services financiers en ligne.
À côté, il existe des règles particulières selon le mode de commercialisation : le régime des réseaux de distribution a été adapté, lorsque cela était nécessaire, au commerce électronique.
Les règles sectorielles du commerce électronique
Tabac et alcool
Les règles régissant la commercialisation de tabac et d'alcool combinent principes d'interdiction, de liberté et de monopole. Ces règles, qui n'ont pas été prévues spécifiquement pour le commerce électronique ou l'internet en général, s'y appliquent.
Publicité
La publicité pour l'alcool est strictement réglementée. Elle est, par principe interdite, sauf et exclusivement dans certains médias limitativement énumérés par la loi. Elle est notamment interdite sur les services destinés à la jeunesse ou en lien avec le sport.
Il faut ajouter que sont interdites toutes les opérations de parrainage lorsqu'elles ont "pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques".
Quant à la publicité pour le tabac, elle est interdite. Cette interdiction résulte de la loi Evin adoptée en 1991 et qui n'a donc pas expressément visé le média internet. La jurisprudence, très logiquement, l'applique aux sites en lignes.
Là encore, la loi interdit les opérations de parrainage ou de mécénat.
Commercialisation
La vente et la fabrication d'alcool sont libres, sauf produits spécifiquement interdits, sous réserve de posséder les autorisations nécessaires. Il n'y a pas de spécificités en ligne.
En revanche, la vente au détail de tabac (tabac manufacturé : cigarettes, tabac à pipe, à rouler, à narguilé ou à priser...) est un monopole de l'administration des douanes et des droits indirects, mis en œuvre par l'intermédiaire des débitants de tabac.
Il est expressément prévu que la vente à distance de ces produits est interdite en France, y compris à destination d'un acquéreur situé à l'étranger. Les sanctions, en cas de non respect du monopole, sont pénales (amendes).
Médicaments
Publicité
La publicité pour les médicaments est, en France, globalement interdite puisqu'il est indiqué que "la publicité auprès du public pour un médicament n'est admise qu'à la condition que ce médicament ne soit pas soumis à prescription médicale, qu'aucune de ses différentes présentations ne soit remboursable par les régimes obligatoires d'assurance maladie et que l'autorisation de mise sur le marché ou l'enregistrement ne comporte pas d'interdiction ou de restrictions en matière de publicité auprès du public en raison d'un risque possible pour la santé publique, notamment lorsque le médicament n'est pas adapté à une utilisation sans intervention d'un médecin pour le diagnostic, l'initiation ou la surveillance du traitement". (art. L5122-6code santé publique)
La distinction essentielle, consacrée par la Cour de justice de l'Union européenne, oppose :
les médicaments sans prescription, pour lesquels, en principe, la publicité est permise,
les médicaments soumis à prescription, pour lesquels, en principe, les législations nationales décident qu'elle est interdite.
Commercialisation
Comme en matière de publicité, la distinction des médicaments soumis ou non à prescription est ici cardinale. Cette distinction s'inscrit dans un principe strict : en France, les pharmacies ont le monopole de la vente de médicaments.
Quant à la rencontre de l'e-commerce et du médicament, elle est précisément réglementée :
l'activité de commerce électronique est réalisée à partir du site internet d'une officine de pharmacie, site dont la création et l'exploitation sont exclusivement réservées aux pharmaciens ;
seuls peuvent faire l'objet de l'activité de commerce électronique les médicaments qui ne sont pas soumis à prescription obligatoire ;
la création d'un site de vente de médicaments est soumise à une autorisation délivrée par l’agence régionale de santé (ARS) dont dépend la pharmacie.
Le cas de l'optique (verres correcteurs et lentilles de contact) est particulier. Il est expressément prévu que "lors de la vente en ligne de lentilles de contact oculaire correctrices ou de verres correcteurs, les prestataires concernés permettent au patient d'obtenir des informations et conseils auprès d'un opticien-lunetier". La vente en ligne suppose :
que le professionnel ait la qualité d'opticien-lunetier (profession réglementée par le code de la santé publique) ;
de respecter les règles du code de la consommation en matière d'e-commerce.
Jeux et paris
Depuis 2010, le marché des jeux d'argent et de hasard en ligne a été ouvert à la concurrence. Demeurent soumis au monopole de l'État tous les autres jeux de hasard et d'argent :
soit l'État gère cela directement (au travers de la Française des jeux),
soit l'État accorde des autorisations et exerce un contrôle strict (PMU, casinos).
Le régime juridique est simple : seuls les opérateurs agréés peuvent proposer des jeux en ligne. Ils doivent respecter un cahier des charges homologué par l'autorité publique. Sont autorisés en ligne les paris hippiques et sportifs, ainsi que le poker (et diverses variantes de poker).
Ces opérateurs sont placés sous le contrôle de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), qui publie la liste des opérateurs agréés et met en œuvre une procédure de sanction. Depuis 2017, elle met en œuvre une mesure qui vise à informer les utilisateurs de sites de jeux en ligne bloqués par l'ARJEL des raisons de ce blocage via une page d'information.
Services financiers en ligne
Il existe un régime spécifique d’encadrement des services financiers en ligne : exigences propres d’information, de droit de rétractation et de formation du contrat.
Ces règles doivent être appliquées dès lors que l'objet de la prestation porte sur des services du secteur bancaire et financier entendu de manière extensive :
opérations de banque,
services de paiement,
monnaie électronique,
services d'investissement,
services de communication de données financières,
conseils en investissement financier,
intermédiaires financiers divers (conservation de compte...).
À l'activité bancaire et financière, il faut ajouter les services qui relèvent du secteur de l'assurance et des assurances mutualistes.
La blockchain n'étant qu'une technique de registre distribué, elle n'est pas en elle-même régi par des textes spécifiques (à ce jour du moins), mais dépendant de son domaine d'application.
Quant aux crypto actifs que sont les bitcoins, ethereum et autres, ce ne sont pas des monnaies, au sens juridique. Ils ne sont donc pas visés par la réglementation de l'activité bancaire. Progressivement cependant, en raison des risques financiers qui accompagnent le développement de leur utilisation, les pouvoirs publics prennent des dispositions afin d'en limiter les potentiels conséquences néfastes.
Le droit de la distribution dans le monde digital
La distribution est la fonction économique qui consiste à assurer l'écoulement des produits du stade initial de la production à celui de la consommation. Le droit de la distribution organise les réseaux de distribution dans un contexte d'économie de marché ouvert, et donc de principe de concurrence.
Les règles encadrant l'organisation des réseaux de distribution, ainsi que la réglementation des méthodes de distribution, vont donc s'appliquer chaque fois que l'objectif est de mettre en œuvre une activité de distribution : réseaux de revendeurs, plateforme dite "market place", centrale d'achat...
Ces règles ne sont toutefois pas propres au numérique, mais auront des incidences sur la mise en place de solutions techniques.
Par exemple, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la volonté de la société Pierre Fabre de contrôler son réseau de distribution en imposant à ses distributeurs, par une clause, de vendre ses produits en ligne constitue une restriction qui n'est pas justifiée par la nécessité de fournir au client un conseil personnalisé, ni par celle de préserver l'image de prestige des produits en cause (affaire Société Pierre Fabre Dermo Cosmétique du 13 octobre 2011, aff. C-439/09).
Vous avez désormais les clés pour réaliser votre projet dans le respect du droit. Validez ces nouvelles compétences par un quiz et une activité concernant le RGPD !