Privilégiez une pédagogie active
Lors de la transmission de vos compétences, vous allez adopter successivement plusieurs postures.
Soyez dynamique
Vous allez devoir rester actif, c’est-à-dire donner le rythme dynamique pendant la séquence de formation. Pendant la séance de formation, vous devez être totalement disponible : physiquement et mentalement. Si vous savez que vous êtes moins en forme à certains horaires de la journée par exemple, ne prévoyez pas de séance de formation à ce moment-là !
Pensez à organiser votre disponibilité :
prévenez vos collègues que vous êtes indisponible pendant x temps ;
déléguez : orientez-les vers un collaborateur que vous aurez au préalable prévenu, et à qui vous aurez donné des consignes ;
et surtout ne dérogez pas : si vous vous rendez disponible, même une seule fois, vous envoyez un signal brouillé (“J’ai dit de ne pas me déranger, mais finalement c’est possible”).
Montrez pas à pas
Procédez avec méthode, ordre, et de manière posée. Si vous pouvez, proposez des exemples du quotidien pour expliquer les notions compliquées.
Mettez-vous en retrait
Laissez faire l’alternant. Il est en formation, comme expliqué dans le chapitre précédent : il a le droit à l’erreur. Comme expliqué dans le chapitre précédent, apprendre, ce n’est possible que si vous le laissez tâtonner, faire par essai-erreur. Si la pratique directe est vraiment impossible, encouragez alors votre alternant à expliquer comment il s’y prendrait pour réaliser telle ou telle tâche.
Si une correction s'impose, prenez le temps d'expliquer pourquoi cette correction est nécessaire, avant de l'entreprendre.
Si la méthode choisie n’est pas judicieuse, ne jugez pas à l’emporte-pièce. Il est nécessaire de demander à votre alternant d’expliquer ce qui fait qu’il a choisi cette méthode et pas une autre. Son argumentaire peut être pertinent, la méthode adaptée… mais il y a une manière plus rapide de faire.
Suscitez des retours
En début de séance, questionnez-le sur ses connaissances du matériel ou de la technique concernée par la séquence de formation.
En cours de séquence, poursuivez le questionnement et soyez attentif à la communication non verbale – vous savez, toutes ces attitudes et mimiques qui donnent de l’information sans qu’on ait prononcé le moindre mot (un froncement de sourcils, des soupirs, un regard tourné vers autre chose que la tâche…).
N’hésitez pas à lui demander d’expliquer ses choix :
“Qu’est-ce qui fait que tu fais comme ça ?"
"Que tu as choisi cette méthode de travail ?”.
Clôturez la séquence par un résumé
En fin de séquence, proposez-lui si possible de réexpliquer et de faire devant vous.
Ensuite, à vous de rappeler les points importants et de projeter l’alternant dans l’avenir en rappelant le contexte avec des phrases comme :
“Savoir faire X est essentiel, on s’en sert tous les jours.".
"Quand tu maîtriseras Y, on pourra passer à…”.
Montez progressivement en difficulté
Une fois une activité maîtrisée, vous pourrez ensuite, lorsqu’il aura gagné en aisance, lui proposer des séances d’apprentissage d’une complexité plus grande, ou d'un niveau d’autonomie plus grand dans la réalisation du travail.
La progression dans l’autonomie de l’alternant peut se concrétiser ainsi :
Le tuteur fait devant l’alternant et invite l’apprenant à participer.
L'alternant fait devant le tuteur qui le corrige.
L'alternant fait à côté du tuteur ou de collègues qui peuvent l’aider/le corriger en cas de besoin.
L'alternant fait seul après avoir préparé avec le tuteur.
L'alternant fait seul et rend compte à son tuteur.
L'alternant fait seul sans rendre compte à son tuteur.
Votre posture pédagogique sera à ajuster en conséquence : passer d’un processus d’imitation à un processus de réflexion sur l’action de travail.
Optimisez les temps de formation grâce à quelques astuces de communication
Choisissez un vocabulaire adapté au niveau de connaissance de l’alternant
L’alternant qui débute dans le métier ne connaît pas le vocabulaire technique lié au métier, encore moins les appellations « maison ». C’est donc à vous, tuteur, de vous adapter à la situation.
Par exemple, appeler une machine par sa référence : « Tu iras sur le X 442 ». 🤔 Cette appellation ne fait pas référence pour quelqu’un qui vient d’arriver dans l’entreprise ! L’alternant peut savoir ce qu’est une machine numérique. Mais il ne peut pas savoir que la X 442 est une machine numérique. Donc il ne saura pas où aller, sauf à demander des explications.
Il le fera une fois, deux fois, trois fois peut-être. Mais votre alternant s’interrogera rapidement sur l’image qu’il peut renvoyer s’il demande toujours des explications et dérange les autres salariés.
Et s’il ne le fait pas, il risque de se tromper et donc de donner une image négative de lui-même.
Soyez attentif à l’environnement de travail
Les bruits parasites, les collègues qui parlent au moment où vous donnez une information importante, la salle de pause avec beaucoup de passage utilisée comme salle de réunion... autant d’éléments qui peuvent impacter la qualité de la communication. Or, ces bruits font partie du quotidien d’un espace de travail. Ceux qui y travaillent y sont habitués. Ils ajustent automatiquement leur écoute. Mais un nouvel arrivant ne peut ajuster son écoute. Il ne connaît pas encore ces différents bruits.
Alors, en attendant, c’est à vous, tuteur, d’être vigilant en choisissant votre moment ou votre posture pour donner une information importante.
Séparez les faits des sentiments et émotions qu’ils déclenchent
Nous l’avons déjà abordé précédemment, on perçoit et on ressent les choses avant de pouvoir en parler, tout comme le geste parle avant le mot. Dans le feu de l’action, compte tenu de votre charge de travail, il est possible que vous vous exprimiez en mélangeant les faits et les sentiments, voire que vous oubliiez les faits. 🤦♀️
Des phrases impatientes peuvent vous échapper.
« On en a pourtant déjà beaucoup parlé. »
C’est humain, me direz-vous. Certes. Mais il y a moyen de faire mieux, et ainsi de préserver la qualité de la relation entre vous et l’alternant.
Voici une reformulation possible, qui s’appuie sur des faits :
« Je t’ai expliqué comment faire hier matin, je te l’ai réexpliqué ce matin et en début d’après-midi. Tu m’as confirmé que tu avais compris. Or, je constate que tu n’as pas modifié ta façon de faire. Je suis un peu frustré car on perd du temps et je ne sais pas comment expliquer autrement. »
C’est un peu plus long… oui. Et en même temps, ça dit les choses sans rabaisser l’alternant. En plus, ça donne une ouverture en l’impliquant dans la recherche d’une solution.
Encouragez votre alternant à se poser des questions
Avec le tutorat, l’apprentissage est sécurisé. L’apprenant intervient dans un cadre clairement défini. Cette approche permet à l’alternant d’acquérir les bases du métier qui correspondent aux premiers niveaux de difficulté de chaque activité.
Mais faire n’est pas suffisant, il faut pouvoir refaire seul !
Mais vous avez dit que la pédagogie active est le secret pour transmettre les compétences ?
Certes, et c'est un bon début ! Mais votre alternant va progresser plus rapidement et développer son autonomie si vous accompagnez sa réflexion sur ce qu’il prévoit de faire, ce qu’il fait ou ce qu’il a fait dans une situation de travail donnée. Par cet accompagnement dans l’analyse, vous lui permettez, grâce à un questionnement adapté, d’imaginer par lui-même comment il va devoir s’y prendre pour réussir, ou comment il a procédé pour réussir.
Exemples de questionnements possibles qui suscitent la réflexion de l’alternant et favorisent la prise de recul :
Comment penses-tu t’y prendre ?
Qu’est-ce qui fait que tu as choisi cette technique ?
Comment ça se fait que tu reviens à l’étape précédente ?
Ce problème n’était pas prévu : comment as-tu fait pour le résoudre ? Est-ce que ça a fonctionné ?
Et si le problème avait été un peu différent (dire en quoi), est-ce que ça aurait également permis de le résoudre ?
En accompagnant la réflexion de l’alternant sur ses pratiques, ses façons de procéder, vous facilitez la construction des savoir-faire qui lui permettront d’agir efficacement lorsqu’il rencontrera le même type de situation, ou un problème similaire.
En résumé
Lors de la transmission de compétences, pensez à alterner les postures.
Dégagez-vous de toute contrainte professionnelle pour être pleinement disponible lors des séances de transmission de compétences.
Donnez le droit à l’erreur, c’est comme ça qu’on apprend.
Pensez à accompagner la réflexion de l’alternant sur ses apprentissages et sa pratique professionnelle, même si celle-ci est encore limitée.
Le rythme de l’alternant n’est pas le vôtre : il est en formation. Alors laissez-lui le temps d’apprendre. Rappelez-vous que vous avez mis du temps pour maîtriser votre poste/métier !
Maintenant que nous avons vu comment former en entreprise, nous allons traiter la question de l’évaluation de l’alternant : comment faire pour que l’évaluation soit “juste” et reflète la progression de l’alternant.