Comparez le pilotage d’atelier d’hier et de demain
La masse d’informations en production
La production actuelle de type MRP est schématisée comme suit :
Elle comprend un cycle d'approvisionnement, de gestion de stock et un cycle de “gestion de production – production – expédition” géré par un ERP (progiciel de gestion intégré : comptabilité, finances, production, etc.) ou simplement une GPAO (gestion de production assistée par ordinateur). Les deux cycles sont connectés par les informations données par les nomenclatures.
Dans ces deux cycles, les informations sont détenues par un grand nombre de personnes :
gestionnaire de stock : inventaires des stocks – risques de rupture – délais d’approvisionnement ;
acheteur : fiabilité des fournisseurs – délais d’approvisionnement – prix d’achat ;
magasinier : emplacements dans le stock – pièces en rupture – caractéristiques des pièces (volume, fragilité…) ;
approvisionneur : date de réception – destinataire – colisages – masses – retard de réception ;
agent des méthodes : nomenclatures – temps opératoires – goulots d’étranglement ;
ordonnanceur : urgences – priorités – risques de retard ;
gestionnaire des OF : répartition des opérations de production – consignes de sécurité, de qualité ;
chef d’atelier : performance des postes – absentéisme main-d’œuvre, rebuts, fiabilité machines – arrêts programmés ;
opérateur : complexité opératoire – temps réel – postes pénalisants ;
expéditeur : date de livraison – clients – colisages – masses – retard de livraison.
J’ai mis en avant les informations génératrices de non-flexibilité : rupture de stock, risque de retard, absentéisme, etc. Ces 3 informations prises au hasard intéressent tous les acteurs du pilotage directs ou indirects de la production. Par exemple, avec un risque imminent de rupture de matière détectée par le magasinier, des décisions urgentes doivent être prises :
gestionnaire de stock : réviser la consommation moyenne de la matière, analyser le pic de la demande ;
acheteur : commander en urgence la matière ;
magasinier : chercher une matière de remplacement ;
approvisionneur : proposer le mode de livraison, prévoir des zones de stockage transitoire ;
ordonnanceur : réordonnancer en décalant la production impactée ;
gestionnaire des OF : préparer les nouveaux OF ;
chef d’atelier : préparer les outils et machines et le personnel au changement de version ;
expéditeur : prévenir le client du retard.
Actuellement, ces informations détenues par un seul service voire une seule personne ont du mal à circuler à temps (le fameux temps réel). Et dans ces conditions, plus question de flexibilité !
Comment accélérer le flux d’informations et le processus de décision ?
La production suit un processus logique, au bout duquel un choix plus ou moins large de décisions doivent être prises par différentes personnes. C’est bien là la complexité du pilotage d’atelier !
Est-il possible, comme nous l’avons vu avec le SMED à 1 minute, de supprimer, combiner, automatiser certaines actions et proposer un choix de décisions judicieuses aux acteurs, avec les avantages et inconvénients de chacune en termes de temps et de coûts ?
C’est le défi que l’usine du futur s’est lancé !
Les circuits de décision et le jumeau numérique
Pour y parvenir, il faut définir formellement les circuits de connexions et pouvoir simuler les conséquences d’une décision.
Réunissez vos interlocuteurs et tracez le synoptique des flux d’informations.
Celui présenté ci-dessous concerne le cheminement des informations commerciales et de production dans une TPE. Chaque flèche doit être renseignée. En quelques heures de réunion, on constate rapidement le manque d’informatisation à tel endroit, et de retours d’informations à tel autre, et les avantages attendus par la résolution de ces problèmes.
Utilisez le jumeau numérique
Le jumeau numérique offre une représentation virtuelle de l’outil de fabrication. Il peut donc être utilisé pour tester numériquement plusieurs scénarios. Le « digital twin » permet en effet, aujourd’hui, de simuler un outil de production avec un niveau de détail allant jusqu’aux procédés de fabrication.
En partant de la maquette numérique d’une usine, les modèles virtuels ont ainsi considérablement évolué pour aller au-delà de la surface numérique des installations de l’usine. Ils intègrent une représentation virtuelle de la topographie de l’usine, avec les emplacements des différents éléments, dont les machines. Cela permet déjà de tester l’ergonomie d’une nouvelle ligne et son intégration dans l’espace de production.
Mais le jumeau numérique intègre également des données de production pour simuler le comportement des machines, en intégrant des éléments mécaniques, électriques, chimiques, optiques, etc. Et tous ces éléments sont dynamiques.
Aujourd’hui, on parvient à simuler un automate dans le monde virtuel, quasiment à la même vitesse de cycles que dans le monde réel. L’humain est également simulé. Des données sur les déplacements des opérateurs peuvent ainsi être intégrées dans le modèle virtuel.
Pour localiser les opérateurs, on utilise des systèmes de géolocalisation indoor, avec notamment des tags radio portés par les opérateurs.
Sinon, c’est du déclaratif. Les employés indiquent lorsqu’ils passent par tel ou tel endroit.
Tous ces éléments à virtualiser nécessitent d’importantes quantités de données numériques, dont ne disposent pas toujours les entreprises. La plupart des jumeaux numériques sont donc encore partiels. Le développement du digital twin va donc de pair avec celui de l’usine connectée, prérequis indispensable pour générer les importantes quantités de data servant à la construction du modèle virtuel.
Le logiciel de pilotage de la production : MES
MES, ou Manufacturing Execution System : c’est un logiciel de pilotage de la production qui collecte en temps réel les données de production d'une usine ou d'un atelier, données qui sont analysées quant à la traçabilité, au contrôle de la qualité, au suivi de production, à l'ordonnancement et à la maintenance préventive et curative. L’idée est ainsi d’interfacer les systèmes GPAO au MES, à l’ERP et même à une solution CRM (outil de gestion client).
Tous les flux, de l’approvisionnement à la livraison
D’abord centré sur la production proprement dite, le MES a conduit ses utilisateurs à s’intéresser aux stocks d’atelier, à la fois pour gérer en temps réel les ressources matières disponibles (limitation des stocks d’en-cours), de les optimiser et d’en assurer la traçabilité.
Par exemple : un constructeur automobile peut informer, via un site Internet, que le véhicule commandé par un client est à telle phase de sa fabrication et qu’il lui sera bien livré à la date prévue. Mais la circulation de la donnée peut également s’effectuer en sens inverse : de la livraison vers la production. Cela nécessite la mise en place d’une continuité numérique entre les outils commerciaux du réseau de distribution, où sont réalisées les prises de commande, et le MES. L’idée est de synchroniser la production sur la livraison, en suivant en temps réel l’avancée des opérations.
Les flux automatisés
Des AGV aux robots mobiles « intelligents », les systèmes autonomes dédiés à la logistique évoluent vers toujours moins de programmation humaine. Capables de prises de décisions évoluées, ils s’orientent désormais sans infrastructure spécifique et développent de nouvelles fonctions au-delà du transport.
Parallèlement, l’offre s’est considérablement étendue, passant de l’AGV acheminant des pièces de tailles réduites à de larges plateformes dédiées au transport de charges lourdes, en passant par des chariots élévateurs autonomes ou les robots mobiles intégrant un bras articulé (voir la vidéo du projet Stamina).
Les AGV cédant ainsi la place aux AIV (Autonomous Intelligent Vehicles). Ces derniers sont capables de s’adapter à des environnements changeants, d’évoluer en toute sécurité au milieu d’opérateurs et de travailler sur plusieurs cellules de production (chargement de pièces à plusieurs points et livraison à plusieurs points en une seule boucle).
Retour d’expérience d’un cuisiniste
Un des exemples les plus probants de ce type d’approche est celui de Schmidt Group. Cette entreprise alsacienne fabrique et distribue des meubles pour cuisines et salles de bains. Chaque cuisine ou salle de bains étant unique, Schmidt travaille « à la commande ». Le groupe lance donc sa production en fonction des meubles réalisés avec le client final dans ses magasins, et aussi en fonction du planning de logistique qui en découle. La logistique externe pilote la production, grâce à une interconnexion entre le LES (Logistic Execution System) et le MES qui échangent d’énormes quantités de données.
Concrètement, un vendeur va réaliser la cuisine ou la salle de bains avec son client sur un logiciel de design 3D. Le modèle numérique des meubles va ensuite être envoyé au LES qui va établir un planning de la logistique, notamment la tournée des camions de livraison. Le LES va également générer un délai de livraison. Toutes ces informations – le modèle numérique des meubles et le planning logistique – sont ensuite envoyées au MES.
Côté production, le groupe a largement automatisé ses procédés. Il a notamment robotisé l’ensemble de ses opérations de tri de composants à assembler. Pour le suivi de sa logistique externe, Schmidt Group a déployé une application mobile, utilisable sur PDA, à destination de ses équipes comme de ses partenaires. Elle permet de partager les données de fabrication puis de livraison entre tous les acteurs de la chaîne, du site de production jusqu’au point de livraison. Cette solution offre une plus grande réactivité en cas d’incident, comme la perte d’un colis ou la détérioration d’un produit durant son transport, indique le groupe. Depuis deux ans, ce pilotage de la production par la logistique a été généralisé sur l’ensemble des usines du groupe, qui en compte une en Allemagne et quatre en France.
L’intelligence artificielle
L’Internet des objet IoT doit être associé à un ensemble de technologies tout aussi puissantes et disruptives, en particulier l'intelligence artificielle (IA). Les progrès de l'IA et des machines intelligentes vont ouvrir de formidables perspectives à différents niveaux de complexité :
l’intelligence assistée permettra une automatisation des tâches répétitives et ordinaires, qu'elles soient manuelles ou cognitives ;
l’intelligence augmentée pourra venir en appui du processus décisionnel humain, notamment lors de décisions présentant un degré de complexité plus élevé.
Lorsque les machines seront en mesure d'avoir une compréhension suffisamment fine d'une situation donnée pour formuler des recommandations crédibles auxquelles les humains pourront se fier, elles deviendront autonomes.