Je me trompe donc j'apprends
Je dois vous avouer quelque chose : j’estime que mon but, en tant que formatrice, est que vous fassiez des erreurs.
Mais pourquoi veux-tu que l'on se trompe ?
J’ai commencé mon parcours de formatrice en tant qu’enseignante. On disait de moi que je faisais des “super cours”, un peu comme Jamy de "C’est pas sorcier". Je sais expliquer de façon simple avec les mains (et éventuellement une maquette). Pourtant, j’avais beau travailler mes cours, au contrôle final, mes élèves ne réussissaient jamais à hauteur de mes espérances. Ils étaient incapables de répondre aux questions que l’on avait vues ensemble en cours.
J’ai tout remis à plat. À force de recherches et d’expérimentation, j’ai compris que mes apprenants réussissaient d’autant mieux s’ils s'étaient tout d’abord trompés. En faisant un cours très clair, je les empêchais de se tromper, et ils ne pouvaient apprendre de façon profonde et efficace. Au contraire, en les confrontant très vite à une évaluation exigeante et en les faisant travailler sur les erreurs qu’ils avaient faites, leurs résultats montaient en flèche.
Les neurosciences nous disent que le cerveau produit plus de signaux lorsqu'il détecte une erreur. C’est l’erreur qui donne au cerveau le signal de l’apprentissage. La psychologie expérimentale nous dit que les élèves apprennent mieux lorsqu'ils se trompent, et nous invite à encourager l'erreur. L'erreur n'est pas une espèce "d'effet secondaire" de l'apprentissage. L'erreur est à la base de l'apprentissage. Et donc toutes les stratégies qui découragent l'erreur empêchent en réalité l'apprentissage.
Apprendre : un état d'esprit
Selon le Dr. Carole Dweck, qui a développé le modèle de l'état d'esprit, il existe deux états d'esprit, l'état d'esprit de croissance et l'état d'esprit figé.
Nous voyons bien que l'état d’esprit figé n’est pas compatible avec un réel apprentissage. En effet, pour apprendre il faut se tromper, et donc être à l’aise avec cela. De plus, l’apprentissage est actif et coopératif. Et les recherches en éducation le montrent bien : les apprenants avec un état d’esprit de croissance apprennent mieux et ont de meilleurs résultats que ceux avec un état d’esprit fixe. Elles montrent aussi que travailler sur l’état d’esprit des apprenants peut être plus efficace que de travailler le contenu de la formation.
Travaillez votre posture
Prévoir un parcours pédagogique en faisant attention à l’état d’esprit, c’est facile. On a tous envie d’inciter nos apprenants à faire des efforts, à s’impliquer, on construit donc naturellement des parcours favorisant l’état d’esprit de croissance. Les choses se compliquent quand on arrive à l’évaluation. En effet, souvent, on pratique par défaut une évaluation négative, c’est-à-dire que l’on pénalise les erreurs (mais si, vous savez, la dictée où on perd 1 point par faute d’orthographe, le contrôle de mathématiques où vous n’avez pas le bon résultat, le mémoire où vous n’avez pas le bon nombre de pages, etc.).
Il y a des moyens de construire des évaluations ne pénalisant pas l’erreur, comme donner une note chiffrée qui augmente lorsque l’apprenant se corrige, donner plusieurs essais aux apprenants et ne retenir que le meilleur, etc.
Ce qui importe également, c’est votre posture par rapport à l’erreur. N’hésitez pas à être enthousiaste lorsque vos apprenants se trompent. Après tout, c'est le signe qu’ils apprennent. Usez et abusez des phrases du type “Merci de cette erreur qui fait progresser tout le monde”, “Super, tu t’es trompé” ou encore “Génial, c’est une erreur à laquelle je n’avais pas pensé”.
Ce n’est pas forcément évident et au début, cela fait forcé. Mais cela rentre petit à petit dans nos habitudes professionnelles. Et lorsque vous gardez en tête que les erreurs sont un signe d’apprentissage, cela aide à ne pas se sentir usé de répéter dix fois les mêmes choses.
Allez, petit exercice : durant toute la durée de ce cours, prenez l'habitude de vous enthousiasmer sur vos erreurs . “Super, j’ai oublié le rendez-vous chez le médecin” ou “Je suis trop contente, je n’avais pas bien compris la notion d’état d’esprit de croissance”. Ce n’est pas important de le ressentir, ce qui compte, c’est la vocalisation, de le dire. C’est comme cela que vous travaillerez votre expression, et que vous serez prêt à réagir correctement quand vos apprenants seront à côté de la plaque.