Distinguez évaluation de certification et évaluation de classement
Comme vous l’avez vu dans le chapitre précédent, la mesure d’une performance est soumise à de nombreux biais. En tant qu’évaluateur, vous devez abandonner l’idée de la mesure juste. On ne peut pas évaluer la vraie valeur d’un travail ou d’une performance, car justement, ils n’ont pas de “valeur vraie”. L’évaluation, c’est la rencontre subjective des attentes et de l’inconscient du formateur avec ce que l’apprenant veut bien montrer de son travail.
Comme il y a de nombreux biais, la mesure d’une performance, que ce soit une note ou autre, est forcément imprécise. Et nous avons vu que la multiplication des barèmes, des corrections croisées, etc., n’est pas un gage d’efficacité.
Mais alors, comment évaluer des apprenants avec une évaluation forcément imprécise ?
Je vous propose une technique qui accepte cette imprécision, et de faire avec.
En effet, vous allez voir que vous ne donnerez que peu de scores. Plusieurs apprenants vont donc avoir le même score, et vous ne pourrez pas les départager. La plupart du temps, c’est plutôt une bonne chose, car nous avons vu que les méthodes de classement nuisent à l’apprentissage.
Si jamais vous avez un impératif de classement, demandé par le commanditaire par exemple, la première chose à avoir en tête est que c’est un travail qui ne peut se faire qu’en équipe, avec des compétences plus pointues que celles développées dans ce cours. Cela veut dire que le commanditaire a probablement déjà développé des ressources ; à vous de vous en saisir !
Si vous n’avez pas d’impératif de classement, vous avez cependant probablement un impératif de certification. Nous allons voir dans la suite comment certifier les acquis des apprenants avec une évaluation imprécise par essence.
Concevoir un sujet d’évaluation
Bonne nouvelle ! Que ce soit pour une évaluation formative ou une évaluation certificative, la construction du sujet suit le même processus.
Je vous conseille fortement de le faire dès le début de la formation, avant même de prévoir votre séquence. On peut imaginer l’évaluation comme le point d’arrivée de la formation, la conception pédagogique étant le chemin pour y arriver. Il est donc évident de commencer par fixer le but avant le chemin.
La conception, c’est le moment où il faut faire attention à la constante macabre ! En effet, de façon inconsciente, nous construisons souvent des sujets pour “piéger” les apprenants. Par exemple, en rajoutant une question “pour les très forts”, ou en n’étant pas explicite sur certaines consignes, en espérant que les apprenants “devineront”.
En effet, elles découragent les apprenants qui vont moins travailler par la suite. Et donc moins apprendre. Il est donc important de ne pas les piéger. Assurez-vous que tout le monde puisse réussir la performance, ou du moins une grosse partie.
Assurez-vous ensuite de la cohérence entre les objectifs pédagogiques et le sujet. Un apprenant maîtrisant tous les objectifs doit être capable de réussir parfaitement la performance.
En revanche, pour classer les apprenants, vous êtes obligé d'avoir des pratiques "différenciantes", donc d'introduire des questions sur lesquelles vous savez qu'une minorité des apprenants va répondre. Un sujet de concours ne se construit pas du tout de la même façon qu'un sujet d'examen !
Mais déterminer la tâche n’est pas suffisant.
Pour construire une évaluation complète, il faut déterminer et communiquer les points suivants :
Une mise en situation qui présente ou situe le contexte.
Un énoncé qui présente le problème à résoudre, la performance à réaliser.
Le cadrage de la tâche (taille du dossier à rendre, longueur de l’exposé oral).
Les conditions matérielles de l’épreuve (durée, matériel autorisé, aide autorisée, épreuve individuelle, en binôme, etc.).
Les critères d’évaluation et autres indications au sujet de la façon dont sera porté le jugement global, s’il y a lieu. Nous aborderons ce dernier point dans le chapitre suivant.
Exemple d'un examen de fin de formation "pilotage de drone"
Le terrain est montré aux apprenants. Ils travailleront avec un drone DJI PHANTOM 4 PRO sur un terrain déterminé (contexte).
Les apprenants devront imaginer, réaliser un plan de vol, et prendre des photos de balises réparties sur le terrain (énoncé).
L’épreuve durera 2 h 30. En cas d’échec à la première présentation, l’épreuve pourra être repassée deux fois sans avoir à refaire le stage (cadrage).
Pour cela, ils seront en binôme. Durant le vol, leur binôme sera éloigné et au talkie-walkie. Un seul drone par binôme (conditions matérielles).
Voici un exemple de critères d’évaluation. À noter que nous proposerons plus tard une autre façon de déterminer les critères, plus efficiente.
Critères éliminatoires :
Le crash du drone (hors service).
Les balises ne sont pas présentes dans l’image rapportée.
Un accident mineur (hélice cassée, mais drone opérationnel) n’est pas éliminatoire.
FIGURE | NOMBRE DE POINTS |
Décollage appli | 0 point |
Décollage manuel | 1 point |
Décollage dans les mains du récupérateur | 3 points |
Branche 1 axe | 1 point |
Branche 2 axes | 3 points |
Photo verticale balise (bascule caméra) | 2 points |
Retour en marche avant commandes inversées | Points multipliés par 2 sur la branche inversée |
Surprise et influence | 3 points |
Récupération automatique et reprise manuelle avant atterrissage | 1 point |
Atterrissage manuel | 1 point |
Atterrissage dans les mains terrain plat facile | 2 points |
Atterrissage dans les mains sur tabouret | 5 points |
Bonus conditions difficiles | 5 points |
Implémentation des évaluations
Idéalement, la performance finale doit être travaillée en formatif jusqu’à ce que tous les apprenants la réussissent. À ce moment-là, ils seront prêts à passer l’évaluation certificative.
Cette démarche n’est pas forcément possible. En mathématiques, par exemple, on veut que les apprenants réussissent un sujet qu’ils n’ont jamais vu précédemment.
Le but est d’alors d’imaginer des sujets les plus proches possible de la performance finale. C’est par exemple ce que l’on fait lorsque l’on propose comme évaluation les sujets d’examen des années précédentes : les annales.
Dans les deux cas se pose la question : “Quand implémenter l’évaluation ?”.
Donc après la première évaluation formative. Pour caricaturer, vos apprenants ne commencent à apprendre vraiment qu’après votre première évaluation. Veillez donc à ne pas la faire trop tard.
Pour résumer
Un sujet d'évaluation se prépare au début du travail de conception pédagogique.
Un sujet d'évaluation comporte :
un contexte ;
une tâche, un énoncé ;
le cadrage de la tâche ;
les conditions matérielles de l’épreuve ;
les critères d’évaluation.
Il faut prévoir des évaluations formatives avant l'épreuve finale.