Nous avons vu que les entreprises ont mis en place des systèmes de gratification de plus en plus complexes pour répondre aux attentes du marché et des individus.
Mais pourquoi les entreprises attachent-elles autant d’importance à leur politique de rémunération? En quoi la rémunération est-elle stratégique?
Dans cette partie, nous allons voir comment utiliser la rémunération comme levier de la performance de votre entreprise. Pour cela, nous allons voir :
en quoi la politique de rémunération choisie contribue à la performance, aussi bien du point de vue individuel...
...que du point de vue collectif ;
et qu'il s’agit d’une arme déterminante dans la « guerre des Talents » que connaît notre marché concurrentiel.
Mais avant de démarrer... la performance, c’est quoi?
Pour l’employé, être performant revient à répondre aux attentes exprimées par l’entreprise concernant les missions attachées à son poste. La performance du collaborateur, c'est donc l'atteinte des objectifs définis par sa hiérarchie. Ils peuvent être :
de court terme ou de long terme ;
réguliers ou ponctuels ;
quantitatifs ou qualitatifs ;
associés à un savoir-faire ou à un savoir-être.
Pour l’entreprise, la performance, c'est sa capacité à atteindre les objectifs stratégiques qu’elle s’est fixés. Elle se mesure généralement selon 3 principaux critères :
ses résultats financiers ;
sa croissance sur le marché ;
sa compétitivité vis-à-vis de ses compétiteurs.
Motivez vos collaborateurs et influez sur leur performance
Selon Jack Welch (ancien CEO de General Electric) dans son livre « Winning » (2005), l’ancien CEO de Reliance Electric, Charles Ames, aurait dit : « Montrez-moi la politique de rémunération d’une entreprise, et je vous dirai comment ses employés se comportent ! »
En quoi la rémunération aurait-elle un impact sur l’attitude professionnelle du collaborateur ? Sur sa capacité à atteindre ses objectifs professionnels ?
Via la motivation ! En effet, la rémunération est un facteur de motivation essentiel pour le salarié. Or, la motivation impacte la performance. Voyons comment !
La motivation, c'est quoi ?
La rémunération, si elle est bien pensée, fait partie des facteurs (même s’il n’est évidemment pas le seul !) qui augmentent la motivation du salarié.
Et un salarié motivé, ça ressemble à quoi ?
De l'effort au travail.
Une envie d’aller au-delà de ses responsabilités, d’innover, d’être proactif.
L'envie de bien faire et de la qualité du travail.
Moins d'absences.
Une meilleure performance.
Plus de collaboration et d'esprit positif.
Une loyauté envers l'entreprise.
La théorie des attentes, de Vroom (1964)
Selon cette théorie, les efforts des individus dépendent :
du lien de cause à effet établi entre l’effort fourni et la gratification reçue ;
de la valeur associée par l'individu à la récompense qui lui est offerte ;
de la probabilité d’obtenir une plus grande gratification si plus d’effort est fourni.
La théorie de l'équité, d'Adams (1963)
Elle introduit la notion d’équité de la rémunération. Selon elle, les salariés ont tendance à comparer :
le ratio qui existe entre :
leur contribution (effort, temps passé au travail, compétences, implication…),
leur rétribution (gratification reçue) ;
... avec le ratio de leurs collègues !
Pour schématiser:
A a un ratio égal à 1. Sa rétribution est équilibrée par rapport à sa contribution. Il a un sentiment d'équité individuelle ;
B a un ratio inférieur à 1. Sa rémunération est inférieure à sa contribution. Il a un sentiment de non-équité individuelle ;
comparaison entre des ratios A et B : le ratio de A est plus élevé que le ratio de B. B a également un sentiment d'inéquité du traitement entre collègues.
L'inéquité crée un sentiment d’injustice qui démotive les collaborateurs. Les salariés vont alors chercher à rétablir l'équilibre en :
diminuant leur contribution (en s'investissant moins) ;
en augmentant leur rétribution (souvent par des moyens détournés !).
La théorie des besoins individuels de Maslow (1943)
Elle explique que les individus ont 5 niveaux de besoins.
La satisfaction de chacun de ces niveaux est un facteur de motivation pour les individus. Ils cherchent à les satisfaire de façon ascendante. Une fois qu'ils ont rempli leurs besoins physiologiques, ils rechercheront la sécurité, puis l'appartenance, etc.
Si la rémunération est uniquement financière, elle ne satisfait que les deux premiers niveaux de la pyramide. Voilà encore pourquoi penser les systèmes de rémunération de façon de plus en plus large, de plus en plus "totale" : pour motiver les employés quel que soit le stade de satisfaction de leur besoin !
Alfie Kohn et les "3 C"
En 1993, Alfie Kohn dans son ouvrage au titre provocateur "Punished by Reward" ("Récompenser, c'est punir") est allé encore plus loin dans le lien entre motivation et approche élargie de la rémunération.
Selon lui, passé un certain niveau de rémunération qui permet de répondre à leur besoin de sécurité, les individus sont avant tout motivés par les « 3 C » :
collaboration ;
contenu de leur travail ;
choix (autonomie et innovation).
Section 2 : Le lien entre politique de rémunération et performance de l’entreprise
À une échelle plus générale, la politique de rémunération menée impacte directement la performance de l’entreprise ! Comment ?
La rémunération lie objectifs personnels des salariés et objectifs de l’entreprise
Vous pouvez faire en sorte de lier la rémunération de vos salariés à la réussite de votre entreprise de la façon suivante :
Pour cela, vous et votre équipe RH devez vous assurer :
de définir les objectifs individuels des collaborateurs en adéquation avec la stratégie générale de l’entreprise ;
de lier une partie de la rémunération du collaborateur à sa performance individuelle ;
d’accompagner la performance des salariés.
Rémunération et motivation individuelle : l'effet de ricochet sur la performance de l'entreprise...
Nous l'avons vu, lorsque la rémunération est incitative, équitable et répond à leurs besoins, les collaborateurs sont motivés et plus performants.
En dehors de leur plus grande implication dans leur travail, en quoi leur motivation impacte la performance de l'entreprise ?
Ils restent plus longtemps dans l’entreprise, ce qui diminue le taux de turnover et permet la rétention des savoirs et des connaissances.
Ils collaborent et innovent davantage, ce qui permet à l'entreprise de proposer de nouveaux produits.
Ils cherchent à améliorer les processus, pour gagner du temps... et donc de l'argent !
Ils contribuent à la satisfaction clients.
Ils travaillent plus positivement avec les diverses parties prenantes.
Leur satisfaction permet une ambiance de travail positive et un climat social apaisé.
Ils parlent positivement de l'entreprise en dehors de ses murs et développent son image de marque.
Pour aller plus loin, on peut même dire qu'une rémunération équitable et adaptée permet de créer...
... un cercle vertueux entre rémunération, performance individuelle et performance de l'entreprise
Une arme de poids dans « guerre des Talents » et la course à la compétitivité
Aujourd’hui, parvenir à attirer, faire évoluer et retenir les talents est devenu un véritable enjeu pour les entreprises. La différenciation ne passe plus par les prix des produits, mais par leur qualité. Et donc par la capacité à s’entourer de collaborateurs à la pointe des compétences !
L'attractivité à l'embauche
Plus une entreprise attire et recrute des collaborateurs qualifiés, talentueux, proactifs et innovants, plus elle s’inscrit dans une dynamique de performance !
En clair, vous devez vous assurer que vos équipes recrutent les meilleurs collaborateurs sur le marché. Pour cela, encore faut-il les attirer !
La rétention des savoirs
On le sait, perdre un collaborateur talentueux, ça a un coût qui peut être lourd :
perte de savoir et de compétences ;
coût de remplacement (recrutement et formation) ;
impact sur le moral des équipes ;
retard dans les projets.
Une fois vos talents recrutés, il faut donc les garder ! La rémunération est l'un des moyens de vous y aider.
En proposant des salaires justes, des avantages attractifs et des évolutions salariales qui récompensent les salariés les plus méritants, vous limitez le risque que vos collaborateurs aillent voir ailleurs.
Le manager RH doit donc être capable de faire construire des systèmes de rémunération adéquats pour attirer les talents, mais aussi de les adapter à la contribution des collaborateurs pour valoriser et garder les plus performants. Qu’un salarié quitte une entreprise parce qu’il ne s’y projette plus est une chose, qu’il la quitte parce que son salaire n’est pas équitable en est une autre…
Un peu de nuance tout de même…
Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !
N'oubliez pas :
le salaire et les avantages tangibles ne sont pas les seuls facteurs de motivation au travail. Ils ne feront pas le poids face à un environnement de travail déplorable ou des postes peu enrichissants ;
d'autres facteurs que la motivation influent sur performance individuelle. L’accompagnement, la formation, des systèmes d’évaluation efficaces, des moyens adaptés, des feedbacks réguliers, sont évidemment des facteurs déterminants de la performance ;
attirer les talents, certes, mais la masse salariale doit rester maîtrisée pour ne pas peser trop lourdement sur les bénéfices ;
la rémunération ne peut motiver que si :
elle est équitable par rapport aux collègues et au marché du travail,
sa forme est valorisée par le collaborateur,
son paiement est lié à la performance du collaborateur,
elle est pensée de façon "totale".
En résumé
La rémunération est un facteur :
de la performance des collaborateurs: elle les motive à atteindre leurs objectifs et à s’impliquer dans leur rôle ;
de la performance de l’entreprise : elle lie les objectifs des salariés avec les objectifs de l’entreprise et impacte positivement l'innovation, l'image de marque de l'entreprise et le climat social.
La rémunération est une arme pour attirer et fidéliser les collaborateurs les plus talentueux, et donc pour se différencier des concurrents.
Les théories de la motivation nous rappellent que la rémunération ne motive que si :
elle est équitable vis-à-vis des collègues et du marché ;
elle rétribue la contribution du collaborateur à sa juste valeur ;
elle est liée à la performance individuelle.