Vous maîtrisez maintenant suffisamment les théories de la performance individuelle et collective, ainsi que les différents composants financiers et non financiers de la rémunération, pour être capable de travailler aux différentes étapes de la construction de votre politique !
Dans cette partie du cours, nous étudierons les paramètres liés à l'environnement concurrentiel de votre entreprise qu'il est nécessaire de prendre en compte pour élaborer votre politique de rémunération ; notamment :
le cadre légal ;
le marché et la concurrence ;
la stratégie et la culture de votre entreprise.
Dans ce premier chapitre, attaquons d'abord le cadre légal !
Lorsqu’elle développe son activité, une entreprise prend en compte le cadre légal du pays dans lequel elle s'implante. S’assurer du bon respect de la loi est, bien entendu, impératif pour éviter tout risque juridique qui viendrait peser sur sa compétitivité et endommager son image. C’est pourquoi les équipes RH se doivent d’être vigilantes à ce que chaque décision stratégique respecte le cadre établi par le droit du travail. C’est bien évidemment le cas pour les politiques de rémunération.
Intégrer et respecter le cadre légal est donc essentiel pour construire une politique juridiquement viable.
À l’issue de ce chapitre, vous maîtriserez les grands principes du droit social français qui viennent encadrer les pratiques de rémunération en France. Ces règles de droit social interviennent à 3 niveaux : le niveau légal, le niveau conventionnel et le niveau contractuel, et nous évoquerons chacun d’entre eux.
Nous commencerons par discuter des grands principes juridiques en matière de rémunération (minima salariaux, principes d’égalité, éléments obligatoires de la rémunération). Puis nous nous pencherons sur le rôle des accords collectifs ; enfin, nous évoquerons le rôle du contrat de travail concernant la rémunération.
Les grands principes juridiques qui encadrent les pratiques de rémunération en France
En France, l’employeur est libre de fixer la rémunération de ses collaborateurs, moyennant le respect d'un certain nombre de grands principes juridiques.
Respecter les minima salariaux
Sans entrer dans le débat macroéconomique concernant l’impact du salaire minimum sur les embauches ou la compétitivité de l’entreprise, il est clair que la définition d’un minimum salarial national a un impact sociétal significatif :
il prémunit les salariés contre les pratiques de rémunération irrespectueuses ;
il s’assure d’un minimum de vie décent à travers le pays ;
Il vient aussi réduire, à défaut de gommer, les inégalités salariales ;
il permet d’augmenter le pouvoir d’achat.
Il est donc du rôle des politiques publiques de venir réguler la question du salaire minimum.
En 2017, le salaire minimum en France était de 1480,3 euros bruts mensuels. Le salaire minimum par heure était de 9,76 euros bruts.
La France a la particularité de venir permettre aux syndicats des différentes branches de négocier et d’établir un salaire minimum plus élevé que celui prévu par la loi (nous définirons le rôle des négociations syndicales plus tard dans cette partie du cours).
À titre d’exemple, la convention collective SYNTEC, branche professionnelle de l’ingénierie, propose la grille suivante pour les cadres :
Ici, la "position" et le "coefficient" correspondent au niveau de responsabilités associé au poste. Les cadres travaillant dans des entreprises relevant de la convention SYNTEC ne pourront pas toucher moins de 1 919,95 euros bruts par mois ; si un cadre relève du niveau de responsabilités associé à la position 2.2, il ne pourra pas toucher moins de 2 627,30 euros bruts par mois.
Les principes d’égalité et de non-discrimination
Le principe « à travail égal, salaire égal » est un principe jurisprudentiel, entériné en 1996 par la Cour de cassation. Il vise à s’assurer de l’équité des salaires entre deux collaborateurs occupant le même poste.
Champ d'application :
Si ce principe ne s’applique pas aux salariés d’un même groupe issus de filiale ou d’entités différentes, il s’applique aux différents établissements et sites de l’entreprise.
Cette notion d’égalité de la rémunération concerne l’ensemble des éléments de la rémunération, en espèce ou en nature, directs ou indirects.
Que ce principe soit relatif signifie que la rémunération doit être la même pour deux salariés occupant le même poste, toutes choses égales par ailleurs. La jurisprudence précise bien que ce principe d’égalité relative permet à l’employeur d’individualiser et de différencier le salaire selon :
le poste et ses conditions d’exécution : missions, responsabilités, horaires, lieu, conditions de travail… ;
les caractéristiques individuelles du salarié qui l’occupe : performance ou qualité du travail, compétences, diplômes, expérience et ancienneté.
D'autres obligations légales autour de la rémunération
Nous en avons déjà mentionné plusieurs. Attachons-nous à rappeler les principaux pour la France :
le salaire minimum doit être respecté ;
la contribution minimum de l’entreprise au système de santé et de retraite est obligatoire ;
l’entreprise doit respecter l’obligation minimum de formation ;
la participation aux résultats de l’entreprise est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés ;
les collaborateurs doivent bénéficier d’au moins 25 jours de congés payés par an en France.
Concernant le salaire variable, aucune restriction ni obligation n’existent, si ce n’est que le variable soit rattaché à des objectifs dont l’évaluation doit être liée à des éléments “objectifs, précis et vérifiables”.
La demande d’un acompte sur salaire est un droit du salarié que l’employeur ne peut refuser – il peut cependant refuser une avance.
Les négociations collectives et les conventions collectives en matière de rémunération
L'effet contraignant des règles de droit établies par accord collectif
Ces négociations peuvent avoir lieu :
au niveau national, entre les syndicats nationaux et les représentants patronaux nationaux ;
au niveau de la branche (ou de l’industrie), entre les représentants des employeurs de la branche et les syndicats élus au niveaux de la branche ;
à l’échelle de l’entreprise, avec l’employeur ou son représentant (souvent le manager RH), et les syndicats de l’entreprise.
Ceci signifie qu’il est possible d’ajouter des règles de droit social aux règles déjà établies par le Code du travail et la jurisprudence, par le biais de l’accord collectif !
Ces accords peuvent par exemple établir des règles telles qu'un 13e mois, le versement de primes exceptionnelles, des avantages en nature obligatoires, etc.
Mais comment s’articulent les normes légales et les accords collectifs ?
Auparavant, le “principe de faveur” était la règle : les règles établies par accord collectif à l'échelon inférieur prévalaient sur les règles établies à l'échelon supérieur, à condition d'être plus avantageuses.
Aujourd’hui, cette règle ne s’applique plus. Les réformes d'Emmanuel Macron renforcent le poids de la négociation collective d'entreprise, pour permettre de réguler la relation de travail à un niveau plus proche du terrain. Désormais :
un accord peut déroger à la loi, même s’il est moins favorable au salarié, à condition qu’il traite des sujets pour lesquels la loi précise explicitement qu’une dérogation est possible par voix d’accord ;
l’accord d’entreprise prévaut automatiquement sur l’accord de branches sauf pour :
certains sujets qui “appartiennent” aux accords de branche (en matière de rémunération,
- c’est le cas pour le salaire minimum et les classifications salariales),
- certains sujets, pour lesquels l’accord de branche lui-même décidera quel niveau prévaut.
Le dialogue social sur les politiques de rémunération, une obligation légale
La loi prévoit des sujets de dialogue social obligatoire, dont celui de la rémunération !
Des négociations sur ces sujets doivent être engagées avec les syndicats de façon annuelle, sauf si un accord syndical est trouvé (dans ce cas, les négociations peuvent n’avoir lieu que tous les 4 ans).
Les questions de rémunération sont notamment couvertes par les discussions obligatoires sur la politique sociale de l’entreprise, qui recouvrent notamment :
Vous pourrez trouver plus d'information sur les négociations collectives au lien suivant : site emploi.gouv sur les négociations.
Par ailleurs, le comité d’entreprise doit lui aussi être “informé” de la politique sociale de l’entreprise. Les informations qui doivent lui être communiquées à ce sujet incluent :
la structure des salaires ;
leur montant ;
leur évolution ;
leur distribution par genre, statut, niveau hiérarchique.
Les informations à communiquer au CE concernent également la formation et les avantages en nature, ce qui tombe dans notre définition élargie de la rémunération.
En matière de rémunération, la consultation du CE n’intervient pas sur les mesures individuelles ou ponctuelles. En revanche, les décisions de l’employeur affectant la politique de rémunération en général ou la rémunération d’un ensemble de salariés doivent faire l’objet d’une consultation du CE.
Le contrat de travail et ses règles en matières de rémunération
Beaucoup de normes, trouvez-vous ? Et ça ne s'arrête pas là ! Le contrat de travail vient lui aussi réguler la relation de travail, entre autres au sujet de la rémunération.
Les mentions obligatoires
Pour commencer, des éléments de rémunération doivent obligatoirement figurer dans le contrat de travail :
le montant du salaire fixe ;
le montant ou la structure du salaire variable s’il en est ;
les avantages en nature discrétionnaires qui sont permanents ou réguliers (les avantages exceptionnels n’ont pas vocation à être contractualisés) ;
les congés payés.
La rémunération ne peut être modifiée sans accord du salarié
À l’échelle individuelle, le contrat de travail fait office d’un engagement de la part de l’employeur.
Le droit français précise que certains éléments du contrat de travail ne peuvent être modifiés sans l’accord du salarié (et donc sans la signature d’un avenant). En font partie :
le lieu de travail, en dehors de l’espace géographique ;
la rémunération ;
le contenu du poste et le niveau hiérarchique associé.
En revanche, seuls les éléments de salaire précisés dans le contrat de travail ne peuvent être retirés. Si un salarié bénéficie de primes non contractualisées et exceptionnelles, l’employeur pourra les retirer, à condition qu’elles ne soient pas non plus précisées dans un accord collectif applicable, ni considérées comme un usage.
Quelques règles de rémunération propres au type de contrat
Les contrats à durée déterminée (CDD): ils font l'objet d'une indemnité de précarité de 10 % du montant total des salaires perçus durant la durée du contrat, qui doit être payée à la fin du contrat.
Les stages : un salaire minimum spécifique est défini pour tout contrat de plus de 2 mois (ce minimum est de 500 euros par mois environ).
Les contrats d’apprentissage : un minimum est défini par la loi et par certaines conventions collectives – il s’agit d’un % du SMIC qui dépend de l’âge et du niveau d’étude.
En résumé
Toute politique de rémunération doit prendre en compte le cadre légal du (ou des) pays où l’entreprise est implantée. C’est aux équipes RH et à leurs juristes de s’assurer du respect du droit social local.
Dans la plupart des pays occidentaux, la loi établit des règles incontournables en matière de minima salariaux et d’égalité salariale.
En France, les entreprises peuvent négocier des accords collectifs et créer de nouvelles normes de droit sur les problématiques de rémunération.
Le dialogue social sur la distribution et l'évolution des salaires est une obligation légale.
Le contrat de travail engage l’employeur sur la rémunération du collaborateur. Le salaire du collaborateur y figure obligatoirement et ne peut être modifié sans son accord, même dans le cadre d’une sanction disciplinaire.