Nous l’avons dit, l’entreprise évolue dans un contexte et un environnement qu’il est impératif de prendre en compte au moment de l’élaboration et de la mise en œuvre de toute politique stratégique.
Tout comme la loi, le marché fait partie des paramètres qu’il est important de prendre en considération pour élaborer une politique de rémunération.
Impossible d'être performants sans observer les pratiques des concurrents et sans s'adapter au contexte du marché économique !
Prendre en compte le marché pour construire une politique de rémunération, ça veut dire quoi ?
Il s'agit de considérer les caractéristiques des concurrents et leurs pratiques, ainsi que de comprendre le contexte économique du secteur, pour définir une politique de rémunération attractive et compétitive.
Dans ce chapitre, nous définirons d’abord ce qu’est la compétitivité en termes de politique de rémunération, puis nous apprendrons à réaliser une étude comparée (« benchmark ») des pratiques salariales, avant de comprendre comment il est possible de se positionner vis-à-vis du marché.
Être compétitif sur les rémunérations, ça veut dire quoi ?
La notion de compétitivité de marché introduit donc une nécessaire comparaison avec les entreprises concurrentes.
La compétitivité salariale par rapport au marché revient à être capable de proposer des salaires suffisamment attractifs pour que :
les candidats soient intéressés à rejoindre l’entreprise plutôt qu’un concurrent ;
les salariés en interne choisissent de rester dans l’entreprise plutôt que de la quitter pour un concurrent ;
les salariés soient motivés à atteindre leurs objectifs grâce à un niveau de rémunération au moins équivalent, et au mieux supérieur, à ce qui se fait dans d’autres entreprises similaires.
Pour pouvoir se positionner vis-à-vis de ses concurrents, il convient donc de déterminer leurs pratiques sur :
le niveau des salaires ;
la structure de la rémunération ;
les avantages proposés.
L’objectif étant ensuite de pouvoir se positionner par rapport à eux, pour être attractif mais aussi cohérent !
Pour vous donner une idée de ce à quoi ressemble un benchmark de marché, vous pouvez jeter un œil au benchmark réalisé par le cabinet Robert Half, en 2018, pour 2 familles de métiers sur le marché belge : les métiers de chargé de vente et de responsable des achats.
Ce benchmark est réalisé pour les entreprises de toute taille et de tout secteur, sur 2017 et sur 2018. Il différencie les pratiques des entreprises selon le type de métier, mais aussi selon le nombre d’années d’expérience.
Le benchmark 2017 réalisé par le cabinet Hays est également très bien construit. Vous pouvez le consulter sur le lien suivant : benchmark Hays 2017.
Si vous voulez un autre exemple, voici la comparaison établie par Hays pour les métiers du juridique :
Vous voyez mieux ce qu'est un "benchmark" ? Tant mieux, car nous allons maintenant nous attacher à comprendre les grandes étapes de sa construction !
Établir une étude comparée des pratiques salariales de marché
Pour effectuer un benchmark de qualité, trois points de vigilance sont à considérer :
l'échantillon de comparaison utilisé ;
le type de données à comparer ;
la qualité des données.
Le choix de l'échantillon de comparaison
La pertinence de l’échantillon est essentielle pour que le benchmark soit utilisable. C’est un prérequis pour être certain de comparer des données comparables !
Ciblez le pays :
Votre benchmark peut être national, régional, mondial, ou ne concerner que quelques pays de votre choix selon l’environnement concurrentiel dans lequel évolue votre entreprise.
Ciblez les entreprises comparées :
Avant d’entamer votre recherche de données, demandez-vous à quel type d’entreprise et quelles branches d’activité vous comparer.
Il est évident qu’une TPE qui se compare à des multinationales obtiendra des informations de rémunération difficilement applicables à sa structure.
Ciblez les profils :
Vous devez aussi déterminer les profils de salariés que vous comparez (type de métier, niveau de responsabilités...).
Par exemple, votre benchmark peut se concentrer exclusivement sur des profils de vendeurs et de comptables, si ce sont les profils métiers pertinents pour votre entreprise.
Déterminez le champ d’application de votre benchmark :
Il peut être général, applicable à l'ensemble des pratiques de rémunération, ou ciblé, applicable uniquement à un type de composant de rémunération.
Vous pouvez par exemple décider de ne traiter que du salaire variable, ou encore que des avantages en nature. Ou bien de tout cela à la fois !
Le niveau de détail des données
Plus le niveau de granularité de vos données est important, plus vous allez obtenir une image précise des pratiques de rémunération de vos concurrents ! En revanche... plus votre benchmark sera complexe à construire !
À vous de voir le niveau de différenciation désiré, pour chacune des informations que vous recherchez.
Vous pouvez choisir de décider de distinguer :
Les postes étudiés pour une même famille de métiers.
Par exemple, au sein de la famille « Finance et Gestion », le cabinet Robert Half distingue de nombreux métiers :
Le niveau d’expérience pour un même poste.
Vous pouvez distinguer les pratiques de salaires selon le niveau d’expérience des salariés occupant ledit poste.
Certains benchmarks se contentent de distinguer les profils « junior » des « senior », sans différenciation supplémentaire. D’autres benchmarks vont utiliser plusieurs fourchettes pour distinguer le nombre d’années d’expérience : « 0 à 3 ans d’expérience » ; « 3 à 6 ans » ; « 6 à 10 ans » ; « 10 à 20 ans », etc.
À titre d'exemple, le benchmark 2017 de Robert Half (ci-dessous) sur la fonction Ressources humaines distingue :
le type de poste au sein de la famille « Ressources humaines » ;
le niveau d’expérience avec seulement 2 fourchettes d’années d’expérience.
N.B. : Il ne se concentre que sur des profils senior avec minimum 6 ans d'expérience, sauf pour le profil de juriste ;le chiffre d’affaires de l’entreprise, mais pour la fonction de DRH uniquement.
Dans sa grille sur les métiers RH (voir ci-dessous), Hays utilise plutôt des fourchettes de 2 à 3 années d’expérience : le niveau de granularité et de précision est plus important ;
les éléments de la rémunération :
Vous pouvez choisir d'étudier la rémunération avec une approche globale (le package de rémunération total proposé) ou de faire une étude par type de composant de rémunération en distinguant fixe, variables, avantages...
Plus votre benchmark distingue les éléments de rémunération, plus il vous apporte des informations, non seulement sur le montant de la rémunération proposée par vos concurrents, mais aussi sur sa structure !
La qualité de vos données
Elle impactera la qualité de votre benchmark, vous devez y accorder une importance toute particulière, en vous assurant d'avoir des données :
fiables ;
précises.
Fiabilité des données
Vérifiez vos sources !
Les sources les plus fiables pour obtenir vos données de marché sont :
- les sites officiels de statistiques.
Vous pouvez par exemple trouver des informations sur le site de l’INSEE : Site de l'INSEE ;
- les sites des cabinets de recrutement, de conseil ou d’études, sur lesquels sont régulièrement publiées des enquêtes de rémunération accessibles à tous.
Vous pouvez par exemple trouver des informations via les études annuelles du cabinet Robert Half : site du cabinet Robert Half ;
- les études payantes que vous pouvez solliciter auprès de cabinets référencés.
Ces études seront alors réalisées sur mesure, selon vos critères spécifiques.
N’hésitez pas à croiser vos sources !
Plus vos sources sont nombreuses, plus vous êtes certain de la fiabilité de vos données.
Utilisez des données à jour.
Les données les plus récentes seront les plus pertinentes, surtout si le marché a subi une évolution dans les derniers mois/années.
Précisions des données
Utilisez des données précises.
Vos fourchettes de rémunération ne doivent pas être des râteaux ! Des fourchettes de salaires supérieures à 15 000 euros sont très difficilement utilisables.
Assurez-vous que vos données soient complètes.
Elles doivent inclure l’ensemble des éléments de profils, de salaires, de postes que vous souhaitez comparer.
Utilisez des données commentées pour diminuer votre marge d’erreur.
À titre d’exemple, certaines entreprises vont appeler « Vendeur » un vendeur en magasin alors que d’autres vont appeler « Vendeur » un commercial en charge du développement de la relation client. Si vous n’avez pas un descriptif de poste attaché au titre « Vendeur », vous risquez de comparer le salaire de 2 postes complètement différents !
De la même façon, des pratiques différentes se cachent sous le terme de « bonus ». Pour certaines entreprises, il s’agit de primes exceptionnelles, pour d’autres, de primes régulières récompensant la performance….
Si vos données ne sont pas assorties d’une légende et de commentaires, leur utilisation peut être biaisée.
Choisissez le positionnement adapté par rapport au marché
Une fois que vous avez identifié les pratiques de vos concurrents, vous pouvez déterminer où il est le plus stratégique de positionner votre politique de rémunération par rapport à la leur.
Trois positionnements de marché sont possibles :
rémunérer au-dessus du marché ;
rémunérer au marché ;
rémunérer en deçà du marché.
Une rémunération au-dessus du marché
En se positionnant au-dessus du marché, vous choisissez d’offrir des packages de rémunération plus attractifs et incitatifs que la moyenne.
Vous vous assurez :
d’attirer et de retenir les Talents de façon extrêmement compétitive ;
d'améliorer votre image de marque employeur ;
de motiver vos équipes et de les pousser à s’impliquer.
Quels sont les points de vigilance lorsqu'on propose une rémunération au-dessus du marché ?
Mais il faut être conscient que :
l’impact sur le résultat opérationnel en période de difficulté financière peut être critique et/ou impacter négativement les embauches en période de difficultés économiques ;
si la politique ne peut être soutenue sur le long terme, une inéquité des salaires entre les nouveaux embauchés et les salariés les plus anciens peut peser sur le climat social.
En revanche, ce positionnement devient un véritable avantage concurrentiel s'il s’accompagne :
d’un environnement de travail et d’une culture d’entreprise valorisés ;
de jobs intéressants et de possibilités d’évolution ;
de résultats opérationnels adéquats.
Une politique de rémunération au niveau du marché
Choisir d’offrir des salaires dans la moyenne des pratiques du marché est l’approche la moins risquée pour l’entreprise.
Vous vous assurez :
que vos pratiques de rémunération sont adaptées et correspondent à ce qu’attendent les candidats et les collaborateurs ;
d'un équilibre satisfaisant entre équité, attractivité et une gestion des coûts optimisée.
Mais il faut être conscient que :
Face à des concurrents agressifs, vous risquez d’avoir du mal à vous différencier des autres entreprises dans la guerre des Talents.
Vous allez donc absolument devoir trouver un autre moyen pour attirer et fidéliser :
votre politique RH sera déterminante pour favoriser l’attractivité et la rétention via le bien-être au travail, la collaboration, l’autonomie, le développement des compétences. Vous devrez miser sur les avantages intangibles et intrinsèques ;
l’entreprise pourra aussi choisir de se différencier par sa politique commerciale (qualité des produits, le traitement de la relation client). Il ne s’agira plus de jouer la compétitivité via les Talents, mais la compétitivité via les ventes.
Se positionner en deçà du marché
Votre dernière possibilité est de vous positionner en dessous des moyennes de rémunération du marché.
Cette stratégie peut sembler surprenante. Pourtant, elle peut être pertinente, voire nécessaire, dans certains cas :
une pression sur les coûts d’exploitation de l’entreprise ;
des résultats insuffisants ;
un stade de développement de l'entreprise encore peu avancé, qui nécessite un premier positionnement bas. Cela peut-être le cas des start-ups dans les premières années de leur lancement.
Étonnamment, certaines entreprises choisissent délibérément de proposer des salaires bas alors qu'elles ont les moyens d'être au marché, voire au-dessus du marché. Il s'agit dans ce cas souvent d'un choix stratégique : miser à 100 % sur leur image de marque ou sur leur prestige, pour se permettre une économie sur les salaires sans pour autant endommager leur attractivité. Au détriment de l'équité ?
Dans tous les cas, se placer en deçà du marché a clairement un impact en termes d’attractivité, de motivation et de rétention. Pour compenser, un investissement total devra être fait sur les gratifications intrinsèques pour contrebalancer les faibles rémunérations.
En résumé
Comparer votre politique de rémunération avec celle de vos concurrents est essentiel pour proposer des salaires et des avantages attractifs.
L’analyse comparée des pratiques du marché s’appelle un benchmark. Il permet de comparer les pratiques d'entreprises similaires à la vôtre, ayant des collaborateurs au profil similaire aux vôtres.
Votre échantillon doit être assez large pour avoir une valeur statistique, et vos données doivent être fiables, précises, à jour, pour permettre une comparaison efficace.
Une fois que vous aurez établi un état des lieux des pratiques de rémunération du marché, vous pourrez choisir de vous positionner au-dessus du marché, au marché, ou en dessous du marché, en fonction de votre stratégie vis-à-vis de vos concurrents et de vos résultats opérationnels.