(Re)Découvrez l’importance du questionnement
Il y a quelques années, je fréquentais une fille. Un jour, pendant qu’on dînait, elle me parle d’une de ses collègues de stage. Je lui demande : « Qui ça ? ». Et là, s’ensuit un déferlement de colère comme quoi je ne m’intéresse pas du tout à sa vie, et que je ne la connais pas du tout. J’ai compris quelques années plus tard (je comprends vite mais il faut m’expliquer longtemps) qu’il fallait que je pose un petit peu plus de questions.
Comme l’écoute active, le questionnement subit lui aussi l’effet Dunning-Kruger : on pense souvent être de bons questionneurs, alors que pas du tout. Dans tous les cas, il est assez rare d’avoir affaire à une personne ayant bien préparé ses questions, c’est-à-dire étant moins intéressé(e) par son propre sujet que par l’apprentissage de ce que l’autre peut lui apporter.
Pourquoi apprendre à poser de bonnes questions ?
Le questionnement est une posture d’intérêt envers l’autre : je m’intéresse à ce qu’il/elle me dit, je découvre son univers et ce faisant, j’ouvre aussi – encore une fois à l’instar de l’écoute active – une part de vulnérabilité. Je me place dans la position de l’apprenant, et pas du sachant.
Posez des questions pertinentes
Il y a un instant, j’ai utilisé le mot « pertinence » à propos des questions. Nous avons tendance à nous fier à des proverbes généraux comme « Celui qui pose une question risque d’avoir l’air bête 5 minutes, celui qui n’en pose pas restera bête toute sa vie », ou des citations dénuées de contexte comme celle d’Albert Einstein – « Il n’y a pas de questions idiotes, il n’y a que des réponses idiotes ».
Ces sentences, si elles ont le mérite de nous pousser à poser des questions, ont selon moi un défaut : elles ne nous font pas réfléchir à la validité de notre questionnement. Alors, au risque de contredire Albert Einstein : oui, en termes de relation client, il peut y avoir de bonnes et de mauvaises questions.
Qu’est-ce qu’une bonne question ?
Selon moi, une bonne question est une question dont vous envisagez l’objectif (vous savez pourquoi vous la posez), et dont la forme est appropriée (ouverte, fermée, de validation, de contextualisation, etc.).
Avant un échange (entretien d’embauche, de partenariat, d’exploration d’un sujet), voici une approche que vous pouvez réutiliser pour préparer vos questions :
Écrivez toutes les questions qui vous viennent à l’esprit en fonction du projet, de votre interlocuteur et de ce que vous souhaitez savoir de lui.
Classez ensuite ces questions en fonction des thèmes abordés : questions sur l’entreprise, sur la personne, sur le projet, etc., puis priorisez ces thèmes en fonction de l’entretien, du temps que vous avez à disposition et de votre interlocuteur.
Ensuite étayez vos questions, affûtez-les, voire enlevez-en une partie en fonction :
De l’objectif : dans quel(s) but(s) est-ce que vous posez cette question ?
De la redondance : est-elle redondante avec une autre question de votre liste ?
De l’intention ou de l’intensité : votre question est-elle suffisamment claire et précise ? Quel chiffre, quelle expression, quel temps est le plus approprié ?
De la forme : la forme est-elle appropriée ?
Concentrons-nous sur ce dernier point. Les autrices de l’article précédemment cité dans ce cours citent elles-mêmes, au début de leur texte, Dale Carnegie dans son célèbre livre « How to Win Friends and Influence People » (« Comment se faire des amis et influencer les gens ») sorti en 1936 (hier donc), qui donne ce conseil assez élégant : « Soyez une bonne oreille. Posez des questions auxquelles votre interlocuteur prendra du plaisir à répondre » (« Be a good listener. Ask questions the other person will enjoy answering »).
Vous pouvez vous sentir en désaccord avec cette citation car il n'est pas toujours agréable de répondre à une question bien posée : une question de confrontation par exemple. Toutefois, Dale Carnegie vous invite ici à réfléchir à la formulation de vos questions.
Développez votre palette de questions
Vous aimiez les dinosaures quand vous étiez petit ? Moi j’adorais ! C’était un monde qui me fascinait, même si je n’ai pas pu tenir 30 minutes dans la salle de cinéma pendant Jurassic Park 2, tellement le T-Rex me terrifiait (un peu d’indulgence : j’avais 7 ans). Bref, poser des questions à vos clients, c’est un peu se mettre dans la peau d’un paléontologue à la recherche de squelettes de dinosaures dans une grande vallée (un peu, j’ai dit). Ici, les questions sont vos outils, et la vallée, c’est la carte personnelle de notre client.
En bon paléontologue, vous allez donc bien préparer vos outils pour effectuer une recherche efficace, et vos deux grands types d’outils sont les bien nommées questions fermées et questions ouvertes.
Les questions fermées
Elles commencent le plus souvent par un verbe, et sont les questions dont vous anticipez déjà très exactement la réponse :
Qu’est-ce que tu préfères entre le chocolat et le café ?
Est-ce que tu es d’accord pour aller manger une salade ?
Il existe plusieurs types de questions fermées. Découvrez-les ci-après :
Les questions de validation
Elles permettent littéralement de vérifier que vous êtes sur la même longueur d’onde que votre interlocuteur.
Exemple : Sommes-nous bien d’accord sur ce point ?
Les questions d’échelonnage
Elles vous autorisent à évaluer une intensité.
Exemple : Sur une échelle de 0 à 10, à combien évaluez-vous ce projet ou la qualité de nos échanges ? (Si vous êtes dans un service SAV, par exemple.)
Les questions d’engagement
Comme les questions d’implication, elles projettent votre interlocuteur dans le futur pour l’aider à prendre une décision.
Exemple : OK, si nous sommes tous d’accord sur tel et tel points, est-ce que nous pouvons commencer à telle date ?
Les question ouvertes
Elles sont celles qui commencent systématiquement par des pronoms ou adverbes interrogatifs (Comment, Quand, Qui, Combien, Où, Qu’, Pourquoi) : elles vous permettent de découvrir, de cadrer ou d’approfondir.
Allons également un petit peu plus loin sur les questions ouvertes avec :
Les questions d’approfondissement
En tant que paléontologue, si vous trouvez un os à un endroit de la vallée, vous allez éviter de repartir à 200 kilomètres de là pour en trouver un autre. Vous allez plutôt creuser au même endroit, à l’image des questions d’approfondissement.
Ces questions commencent souvent par Pourquoi, Pour quelles raisons ou En quoi (attention au Pourquoi, qui mène souvent à la justification).
Exemple : Pour quelles raisons est-ce important pour vous ?
Les questions d’exploration ou de contextualisation
Avec ces questions, vous partez en recherche d’informations.
Exemples : Quelles sont vos priorités aujourd’hui ? Qu’est-ce qui vous motive le plus dans ce projet ?
Les questions de cadrage
Vous définissez l’information que l’on vous a donnée.
Exemples : Combien de personnes sont touchées par ce problème technique ?
Les questions d’implication
Elles vous permettent de cadrer « au futur », en impliquant votre interlocuteur.
Exemple : Une fois que cette problématique sera réglée, comment souhaitez-vous que l’on s’organise pour la suite ?
À vous de jouer !
Choisissez un prochain entretien : avec votre manager, un de vos collègues ou un client interne ou externe, et préparez vos questions en essayant de varier les différentes typologies.
Le sens du service chez Kantalia
Cette fois Bénédicte a un ticket et elle souhaite installer un nouvel outil sur son poste de travail. Mais Guillaume est dubitatif…
Que remarquez-vous dans le questionnement de Guillaume ? Quel type de questions pose-t-il ? Quels types de réponses reçoit-il ? Qu’aurait-il pu faire dès le début ?
Le questionnement de Guillaume est fermé et appelle donc à des réponses fermées. Par son questionnement et la posture qu’il prend pour poser ses questions, on peut rapidement interpréter qu’il n'est intéressé ni par son interlocutrice ni par son sujet qu’il va tenter de passer au plus vite.
D’une certaine manière, et même si le mot peut paraître fort, Guillaume manipule Bénédicte en lui posant des questions qui n’ouvrent pas du tout la conversation. Cela les handicape tous les deux puisque
Bénédicte n’arrive pas à exposer profondément la raison pour laquelle elle vient voir Guillaume ;
et Guillaume ne comprend donc pas cette raison : il n’y a pas de véritable dialogue.
On pourrait donner comme conseil à Guillaume de prendre le temps d’écouter son interlocutrice d’abord et ensuite de lui poser une question ouverte afin de découvrir le sujet qu’elle amène.
En résumé
Poser des questions c’est bien, poser des questions pertinentes c’est mieux.
Sélectionnez vos questions en fonction de l’objectif souhaité.
Variez vos types de questions.
Vous êtes arrivé à la fin de cette partie. Félicitations ! Vous avez parcouru les premières bases de la relation client : les différences de perception, la préparation, l’écoute et le questionnement.
Dans la prochaine partie, vous allez explorer comment adapter ces outils et postures en fonction de certaines typologies clients. Mais avant ça, je vous invite à tester vos connaissances avec le quiz qui suit.