Dans les parties précédentes, nous nous sommes concentrés sur l’analyse et le design.
Il s’agissait des phases amont de l’ingénierie. Elles nous ont permis de définir un besoin précis et de construire l'architecture de la formation. C'est un travail nécessaire sans lequel il aurait fallu développer vos formations "à vue", sans objectifs précis, sans découpage, sans indication de méthode. Bref, cela aurait été compliqué. Mais vous avez fait ce travail préalable, donc tout va bien pour vous !
Dans cette partie, nous allons aborder “l’aval” du processus. Et au menu de cette partie, ce n’est pas une phase du processus que vous allez découvrir, mais trois ! Nous verrons :
le développement,
l’implémentation,
l'évaluation.
Les deux premiers chapitres de la partie sont dédiés au développement, les deux suivants à l'implémentation et le cinquième à l'évaluation.
C'est quoi le développement ?
Il est toujours utile de comprendre en premier lieu le "quoi", c'est-à-dire ici d'expliquer ce qu'est le développement. Il s'agit de la phase d'ingénierie pédagogique (ou de gestion de projet pédagogique) pendant laquelle l'équipe va produire l'ensemble des ressources nécessaires à la formation. Finalement, c'est assez proche de la partie "codage" du développement informatique puisque, comme un développeur, vous allez produire des outils et des contenus qui serviront aux utilisateurs, sur la base d'un cahier des charges.
Qui s'occupe de réaliser le développement ?
En fonction de la taille du projet, de son degré d'urgence et des spécialités techniques requises, cette phase peut être réalisée par l’ingénieur pédagogique, ou pas.
Peut-être serez-vous assisté d’un concepteur pédagogique, de formateurs, de motion designers…
Chacun d'entre eux aura un spectre de compétences différents et n'abordera pas exactement les mêmes choses :
Le concepteur pédagogique est un spécialiste de la transmission pédagogique : il optimise les outils et les approches pédagogiques en fonction des objectifs, des publics et des contraintes. Dans le e-learning, il est aussi celui qui gère en général le storyboard (c'est-à-dire la maquette / le croquis / le tableau qui décrit une ressource ou un outil pédagogique).
Le formateur est souvent celui qui réalise les contenus : il est l'expert technique du sujet sur lequel il est mobilisé. Il est en mesure de déterminer quel est le bon niveau de contenus nécessaire à l'atteinte de l'objectif pédagogique.
Le motion designer a pour but de créer des contenus animés et interactifs ; ces contenus sont souvent audiovisuels. C'est un acteur qui est devenu important dans la formation en ligne, car ses contenus participent à l'attractivité de la formation.
Ces trois acteurs joignent leurs talents pour produire des livrables de formation qualitatifs : pensés pour faciliter la compréhension, remplis de contenu utile et informatif, et attractifs par la présentation. C'est ce qui est recherché !
Si vous constituez votre équipe, définissez quels profils sont nécessaires et recrutez au besoin. Souvent, dans un projet, certains profils cumulent plusieurs fonctions, comme des concepteurs-formateurs.
Comment organiser le développement ?
Le développement est une phase qui existe dans la globalité des projets, souvent sous le nom de conduite et pilotage ou réalisation.
Vous avez la possibilité d'organiser ce développement avec plus ou moins de rigueur, en fonction des environnements. Par exemple, la formation distancielle nécessite une plus grande organisation car, à la différence de la formation présentielle, une ressource manquante ne peut pas être "remplacée" au moment même de la formation.
L'organisation, c'est avant tout savoir quels livrables sont nécessaires, pour quand et avec quelles ressources. Par exemple, un chapitre de cours Openclassrooms nécessite une vidéo de 3 à 5 minutes en moyenne, tournée au moins 3 semaines avant la mise en ligne du cours, pour gérer le temps du montage, de la post-production, de la révision et de la validation.
La première tâche de l'organisation est donc le listing des livrables. Une fois cette liste établie, l'ingénieur pédagogique peut, s'il le souhaite, vérifier la cohérence des livrables avec les méthodes pédagogiques, les modules, le programme, les objectifs pédagogiques et opérationnels. Cela lui permet de déceler d'éventuelles incohérences, comme un livrable qui ne collerait pas avec la définition de la formation. Par exemple, un module prévu avec une approche ludique et active ne devrait pas contenir un support de cours entièrement rédigé.
Après ce listing, il faudra attribuer des durées aux tâches de production des livrables, déterminer les dépendances, les priorités, les ressources à attribuer... Et attribuer ces ressources, comme dans un projet classique.
Oui, mais ça donne quoi en pratique ?
Ça donne souvent un document synthétique : une feuille de route. C’est le planning de la production des ressources (des livrables).
Elle est plus ou moins structurée en fonction :
du séquençage de la formation,
du volume,
des contraintes de temps,
des types de ressources à produire.
Les outils que vous mobiliserez peuvent être les suivants :
planning,
rétroplanning,
diagramme de Gantt,
Kanban (comme Trello ou Asana).
Certains utilisent d'autres formes : des tableaux de répartition (qui fait quoi pour quand), des mind maps, etc. La forme est finalement libre, tant qu'elle vous permet de suivre la production — idéalement d'identifier dès qu'une production est en retard. Certaines contraintes de forme apparaissent dès que la dimension de l'équipe dépasse 3 ou 4 personnes : la possibilité que tous puissent éditer le document par exemple.
Une fois le planning réalisé et attribué, vous pourrez commencer la production des ressources elles-mêmes.
Que produit-on pendant le développement ? Et comment fait-on ?
Le développement est le temps de production des ressources pédagogiques (ou livrables pédagogiques). Ce sont tous les outils qui servent à l'apprentissage :
exercices,
jeux pédagogiques,
supports de cours ou de formation pour les apprenants,
présentations,
fiches pédagogiques pour le formateur,
vidéos,
achat et test d’une imprimante 3D pour prototypage…
Bref, tout ce qui est nécessaire aux activités pédagogiques pendant la formation.
Il est possible d’utiliser des outils appelés LCMS, pour learning content management systems. Ces outils permettent d’utiliser des modèles de ressources, de produire facilement et de classer les ressources. L'utilisation des modèles est un point intéressant, car ceux-ci permettent à la fois de produire rapidement des ressources qui présentent des similarités et de proposer un format identique à l'apprenant, ce qui facilite son apprentissage.
Pour cette production, voici quelques conseils pratiques :
Pensez toujours aux utilisateurs finaux : les stagiaires et les formateurs. Ce sont eux qui dirigent votre travail.
Acceptez qu’il s’agit d’un travail incrémental : vos premières ressources seront probablement moches et incomplètes. Préparez-vous à les améliorer !
En rapport avec le conseil précédent, essayez de trouver le bon équilibre entre l’intérêt de la ressource et le coût de sa maintenance.
Prévoyez des outils compatibles avec l’environnement qui accueillera la formation — présentiel ou distanciel.
Pourquoi ces conseils ? Par exemple, vous produisez un super serious game pour une formation. C’est une excellente idée, car c’est un format de ressource qui est immersif et ludique ! Mais si ce serious game demande beaucoup de travail pour être modifié ou mis à jour, il risque de tomber dans l’oubli dès que la situation aura évolué (c'est-à-dire dès que votre serious game sera obsolète). Même chose si les utilisateurs… ne peuvent simplement pas y accéder :(.
L'objet de ce chapitre, le développement, c'est donc le moment de la production organisée des ressources de la formation. L'organisation porte avant tout sur les livrables plus que l'organisation "RH", celle des personnes.
D'ailleurs, si vous encadrez un ou des formateur(s) ou des concepteurs qui produisent les ressources, il faudra veiller à la cohérence pédagogique. C'est le sujet que je vous propose d’aborder dans le chapitre suivant !