Nous avons parlé dans le chapitre précédent des accords collectifs. Dans ce chapitre, nous allons faire un zoom sur les accords dits « de branche ».
Un accord de branche permet de définir des règles concernant l’ensemble des entreprises évoluant dans le même secteur professionnel.
Un accord de branche peut s’étendre :
À l’échelon régional ou national ;
Sur une seule ou plusieurs catégories de salariés (par exemple, selon la classification usuelle, soit les cadres soit les agents de maîtrise).
Par conséquent, une même entreprise peut relever de multiples conventions.
Par exemple, une entreprise peut avoir une convention de branche nationale pour ses cadres, une convention de branche régionale pour ses agents de maîtrise, etc.
Il s’agit de maîtriser l’articulation entre les accords de branche et les modes d’information des règles applicables aux salariés de l’entreprise.
Comment identifier l’accord de branche applicable à l’entreprise ?
Critères généraux à vérifier
L’application des conventions peut varier en fonction des critères suivants :
Les critères géographiques : le texte peut couvrir l’intégralité du territoire, la région ou le département (attention, la convention peut être nationale mais les avenants uniquement régionaux) ;
Les critères d’effectifs de l’entreprise ;
Les filières au sein d’une même activité ;
L’organisation de l’entreprise (par exemple dans le secteur de l’habillement, la convention collective ne s’applique pas forcément à toutes les succursales, qui sont des établissements avec une certaine indépendance vis-à -vis du siège).
Distinction selon que l’entreprise est couverte ou non par l’accord
Il s’agit d’identifier si l’entreprise est couverte ou non par l’accord.
Il existe deux possibilités :
Soit l’employeur se situe dans le champ d’application territorial ou professionnel de l’accord de branche et doit donc le respecter, même s’il n’est pas membre d’un syndicat qui l’a signé. On parle alors d’un accord étendu.
Soit l’accord est ordinaire, c’est-à-dire qu’il n’est pas étendu à l’ensemble du territoire concerné ou de la branche, et dans ce cas l’employeur n’est tenu de le respecter que s’il est membre d’un syndicat patronal qui a signé ou adhéré au texte. Dans cette hypothèse, si l’employeur ne renouvelle pas sa cotisation au syndicat patronal, il reste néanmoins tenu de respecter la convention qui était en vigueur avant son départ du mouvement patronal.
De façon particulière, l’accord de branche peut concerner l’entreprise parce que :
L’employeur (ou le syndicat dont il est membre) a décidé d’adhérer à un accord collectif préexistant — dans ce cas, les salariés peuvent se prévaloir de la convention dès sa signature ;
L’employeur peut décider, soit en raison de son pouvoir de direction, soit en raison d’une clause introduite dans le contrat de travail, de respecter une convention à laquelle il n’est pas assujetti — dans ce cas, les salariés doivent se référer à la convention pour connaître leurs droits, c’est notamment le cas en matière de durée de la période d’essai. On parle d’application volontaire.
Distinction selon l’activité de l’entreprise
Toute entreprise dispose d’un code Activité Principale Exercée (APE) attribué par l’INSEE lors de la création de l’entreprise. Il est composé de 4 chiffres et d’une lettre. Vous pouvez le retrouver sur l’extrait K-bis de l’entreprise ou l’avis SIREN.
Cependant, même si le champ d’application est clair, il peut être contesté par certains salariés. Pourquoi ? Parce que, selon les conventions, les règles sont plus ou moins favorables au salarié. Par exemple, le mode de calcul des congés payés ou des indemnités de licenciement varie !
Le salarié peut ainsi faire valoir que l’activité réelle de son entreprise ne correspond pas à l’activité indiquée sur le code APE.
En effet, le code APE n’a qu’une valeur indicative : il dépend de ce que l’employeur a déclaré lors de l’immatriculation de son activité au Registre du Commerce et des Sociétés et des tâches qu’effectue au quotidien l’entreprise.
Prenons l’exemple d’une société dont l’activité principale a évolué (de la vente elle est passée au conseil) ou d’une société multi-activités dont le code APE ne se rattache qu’à l’une de ses activités en laissant les autres de côté. Le salarié peut se prévaloir de cette dissonance pour demander à bénéficier d’une autre convention collective.
Cette réclamation du salarié a notamment lieu :
Quand l’entreprise exerce plusieurs activités et que la convention attachée au code APE ne correspond pas à l’activité réelle de certains salariés de l’entreprise ;
Quand l’employeur a de lui-même choisi sa convention collective via son pouvoir de direction ;
Lorsque l’activité de l’entreprise a changé.
Dans l’hypothèse où l’activité de l’entreprise aurait évolué, il est souhaitable de demander à l’INSEE d’attribuer un nouveau code en raison de l’importance de cette mention pour déterminer le champ d’application d’une convention collective.
Distinction selon le champ d’application de la convention
Lorsqu’il y a une contradiction entre deux conventions en raison d’une divergence entre le champ d’application géographique et territorial :
L’accord ayant une portée géographique ou territoriale plus réduite peut déroger défavorablement au salarié, sauf si l’accord qui lui est supérieur exclut cette possibilité ;
Les modifications qui interviennent au niveau supérieur peuvent obliger à la modification des accords inférieurs en cas de dispositions moins favorables aux salariés.
Distinction selon l’objet de la clause des conventions
Comment trancher si plusieurs dispositions conventionnelles distinctes s’appliquent à une même situation ?
Le principe est le suivant : une convention ou un accord d'entreprise peut prévaloir sur la branche s'il « assure des garanties au moins équivalentes ». On appelle cela le critère d’équivalence.
Auparavant, la comparaison s’effectuait d’un point de vue quantitatif ; s’appliquait le texte qui accordait le plus grand nombre d’avantages au salarié. À présent, il revient au salarié de démontrer que la garantie qu’il souhaite répond au critère d’équivalence.
Par ailleurs, l’accord d’entreprise peut par principe déroger en défaveur sur tous les domaines qui relèvent de sa compétence. Il existe donc des règles selon les thèmes couverts.
Par exemple, la durée maximale des contrats à durée déterminée et de travail temporaire doit être fixée par la branche. En revanche, en matière d'exposition au risque professionnel, l’accord d’entreprise prime.
L’exception, c’est l’hypothèse déjà évoquée de l’application volontaire : dans ce cas, le salarié est en droit de se prévaloir des dispositions plus favorables définies dans la convention que l’employeur aurait dû appliquer compte tenu de son champ d’application territorial ou professionnel.
Comment informer le salarié du droit conventionnel applicable à l’entreprise ?
L’information repose sur l’accessibilité de l’information organisée par l’employeur et passe surtout par le bulletin de paie.
Les modalités générales
Les modalités d’information du salarié doivent être définies par la convention de branche.
À défaut, l’employeur informe les parties prenantes, telles que les salariés ou encore les représentants du personnel, de la convention collective applicable. Un certains nombre d’obligations s’imposent à l’entreprise :
Au moment de l'embauche, l’employeur doit remettre au salarié une notice d'information relative aux conventions et accords collectifs applicables dans l'entreprise ou l'établissement.
L'employeur doit tenir à jour un exemplaire de la convention à la disposition du personnel dans chaque établissement.
Dans les entreprises dotées d'un intranet, l'employeur doit mettre à disposition des salariés un exemplaire à jour des textes conventionnels applicables dans l'entreprise.
Elle doit fournir un exemplaire de la convention ou de l'accord collectif au comité d'entreprise et, le cas échéant, aux comités d'établissement, ainsi qu'aux délégués du personnel, aux délégués syndicaux ou aux salariés mandatés.
Le nom de la convention collective applicable doit être mentionné sur le bulletin de salaire.
L’employeur communique aux institutions représentatives du personnel la liste des modifications apportées aux conventions ou accords collectifs applicables dans l'entreprise — à défaut de délégués du personnel, cette information est communiquée directement aux salariés.
Enfin, un avis est communiqué par tout moyen aux salariés. Cet avis comporte l'intitulé des conventions et des accords applicables dans l'établissement. La mention générique « Accords nationaux interprofessionnels » peut être substituée à l'intitulé des accords de cette catégorie.
L'avis précise où les textes sont tenus à la disposition des salariés sur le lieu de travail, ainsi que les modalités leur permettant de les consulter pendant leur temps de présence.
Le bulletin de paie
Comme il est remis tous les mois au salarié, le bulletin de paie doit faire référence au code APE et indiquer l’intitulé de la convention collective. Cette mention est indicative et permet seulement de présumer que l’entreprise relève de ladite convention.
Enfin, dans l’hypothèse où l’entreprise ne serait pas couverte par une convention collective, il convient alors de se référer aux dispositions du code du travail. Sur le bulletin de paie, la mention code du travail sera portée à la place du nom de la convention collective.
Bref, l’architecture des règles de droit en matière de droit du travail peut vite se révéler compliquée ! Il faut donc être vigilant et faire appel à un juriste (interne ou externe) en cas de doute.
En résumé
Il est important de :
Bien identifier la convention de branche applicable à l’entreprise, car c’est à partir de ce texte que va être déterminée le champ de la négociation dans l’entreprise ;
Disposer d’un code APE qui corresponde véritablement à l’activité de l’entreprise, pour éviter des conflits sur les textes qui lui sont applicables ;
S’astreindre à informer les salariés sur les conventions collectives applicables à l’entreprise pour mettre en œuvre leurs dispositions.
Dans le chapitre suivant, vous apprendrez à anticiper et à mesurer l'impact des différents textes sur le contrat de travail.