L’objectif pédagogique, c’est le message que vous voulez faire passer, l’expression de l’expertise métier à faire acquérir par vos apprenants. Formuler des objectifs, c’est rentrer concrètement dans la conception des activités. Vous en avez formulé une première version suite à l’identification de la commande, vous allez les reformuler pour les concilier avec les besoins et attentes des apprenants.
À partir de cette étape du travail, soyez agile. Il vaut mieux aller vite quitte à revenir en arrière, que d’avancer de façon linéaire et se perdre dans les détails.
Affinez votre conception du savoir et de la compétence
Dans le cours "Initiez-vous à la conception de formation”, vous avez abordé le “savoir” comme étant ce qui est enregistré dans votre mémoire, et la “compétence” comme ce qui est automatisé.
Gardons le mot savoir comme étant ce qui doit être mémorisé. En tant que formateur, vous allez être attentif à ce que ce savoir soit remémorable, à ce que vos apprenants puissent le restituer. Rendre ce savoir observable vous place systématiquement dans une posture d’évaluateur, c’est l’un des incontournables de votre métier de formateur.
On va chercher de même à rendre observable la “compétence” travaillée par vos apprenants. Il faut alors travailler l’automatisme, et cela passe par l’entraînement. Mais selon la nature de cette “compétence”, la nature de l’entraînement va être bien différente. On ne répète pas ses gammes de piano comme on s’entraîne à mener une réunion.
Notez également que les “compétences” s’appuient systématiquement sur un savoir qui devra être mémorisé à un moment ou à un autre. Les gammes du piano s’appuient sur la connaissance des notes et celle du fonctionnement du piano, par exemple. Ce n’est pas du tout le même niveau de complexité. On voit bien qu’une compétence va faire appel à un certain nombre de briques élémentaires que sont d’autres savoirs et compétences moins complexes.
Finalement, une autre façon de définir la “compétence” pourrait être la capacité à faire des connexions entre des savoirs, des gestes et des attitudes, cette capacité étant automatisable.
Compétence et activités pédagogiques
Alors comment rendre observable cette capacité à faire des connexions ? En rendant observables certains éléments constituant la compétence, à travers la tâche que vous allez demander. Et selon la complexité de la compétence à travailler, le choix de l’activité va être radicalement différent.
Faire acquérir des savoirs et des compétences vous conduit alors à la formulation des objectifs pédagogiques de telle sorte que ceux-ci soit évaluables, c’est-à-dire concrètement observables.
Aidez-vous de la taxonomie de Bloom
Vos apprenants “Technique de vente de produits d’assurance” doivent connaître les produits que l’entreprise cherche à vendre. Mais ce n’est pas l’objectif, car à partir de cette connaissance, ils doivent en fait être capables d'analyser les produits d'assurance pour les mettre en relation avec un contexte client particulier.
Vous comprenez ici que vous ne pouvez pas vous contenter d’un savoir restituable, il faudra faire atteindre un autre niveau de maîtrise de ce savoir : l’analyse.
Benjamin Bloom propose dans les années 50 un modèle pédagogique (appelé taxonomie de Bloom) proposant une classification des niveaux d'acquisition des savoirs :
Mémoriser des informations participe à l'appropriation de connaissances.
Comprendre : c’est le fait d’interpréter de l’information en fonction de ce qui a été appris.
Appliquer : c’est le fait de sélectionner des données pour réaliser une tâche ou résoudre un problème.
Analyser : c’est le fait de mettre en relation des faits et des énoncés ou questions.
Évaluer : c’est le fait d’estimer et de critiquer en fonction de critères que l’on se construit.
Créer : c’est le fait de synthétiser des idées en une proposition, un plan, un produit nouveau.
Quelques remarques sur ce modèle :
Les différents niveaux sont inclusifs : on peut connaître sans comprendre, mais pas comprendre sans connaître.
Il y a une certaine porosité entre les différents niveaux :
les plus haut niveaux cognitifs (analyser, évaluer, créer) sont difficilement classables, cela dépend du contexte. Cela a d'ailleurs conduit à plusieurs versions de ce modèle taxonomique ; vous trouverez par exemple 4.Analyser, puis 5.Synthétiser, puis 6.Évaluer ;
ou encore, la compréhension n’est pas vraiment quelque chose d’observable, nous en discuterons dans la section suivante.
Ce qui compte, ce n'est pas le modèle, c'est ce qu'on en fait. Et de ce point de vue, il n’en demeure pas moins que ce modèle est structurant :
quant à la formulation d’un objectif (appliquer la compétence “savoir scier” ) ;
quant au choix du niveau d’entrée de la compétence (on peut faire travailler « appliquer la compétence “savoir scier” » par un atelier simple de sciage de planches, ou par un projet de création de salon de jardin).
Choisissez le bon verbe d’action
Réfléchir à la formulation d’un objectif peut vraiment vous aider à faire le lien entre les besoins des apprenants et le choix des activités pédagogiques.
Aussi, vous obtiendrez plus facilement l’adhésion de votre public en les validant ensemble en début de séance.
En repartant du modèle de Bloom, voici quelques verbes qui peuvent vous aiguiller :
MÉMORISER | COMPRENDRE | APPLIQUER | ANALYSER | ÉVALUER | CRÉER |
Citer Énoncer Décrire Énumérer Désigner Nommer Sélectionner Identifier Réciter | Expliquer Démontrer Interpréter Résumer Traduire Illustrer Discuter Extrapoler | Appliquer Adapter Employer Compléter Calculer Résoudre Établir Mettre en oeuvre Représenter Schématiser Traiter | Décomposer Extraire Rechercher Choisir Discriminer Comparer Catégoriser Classer | Évaluer Juger Argumenter Critiquer Décider Tester Justifier Proposer | Composer Construire Créer Élaborer Inventer Organiser Planifier Réarranger Déduire |
En effet “savoir”, utilisé ici au sens de “connaître”, n’est utile que si l'on peut se remémorer. Mais en pratique on ne se rappelle pas “comment faire un coup droit” sans raison, on s’en rappelle pour le mettre en pratique lors d’un match, au sein de la compétence “réaliser un coup droit” ; ou encore on s’en rappelle pour l’enseigner. Donc automatiquement, on est appelé à faire travailler ce savoir à un plus haut niveau de maîtrise. Ainsi “maîtriser” n’est pas non plus un bon choix, puisque, selon Bloom, il existe six niveaux de maîtrise.
Dosez la difficulté
J’attire votre attention sur un point de vigilance à avoir : la complexité peut apparaître plus élevée pour les apprenants que ce à quoi vous vous attendiez en formulant l’objectif.
Par exemple, l’objectif fixé pour vos étudiants était “comprendre l’équation de Schrödinger”. Vous avez pour cela formulé la consigne suivante : “expliquer l’équation de Schrödinger”. Mais en pratique, la compréhension va être impossible à atteindre sans passer par la résolution d’exercices. Et par ailleurs, la compréhension n’est pas observable. Ce que vous pouvez observer, c’est une performance, par exemple un exercice d’application, ou une “explication”. Mais expliquer quelque chose à quelqu’un, c'est très proche d’enseigner, donc d’être capable de synthèse. Dans les deux cas, la tâche à réaliser est plus complexe que l’objectif d’apprentissage. Pourquoi pas, mais qu’allez-vous décider d’évaluer ?
Alors pour une compétence donnée, cherchez à distinguer :
l’objectif que vous allez chercher à évaluer : “énoncer l’équation de Schrödinger” ;
l’objectif par lequel vous allez faire entrer l’étudiant : “élaborer un cours sur l’équation de Schrödinger”.
Soyez pragmatique et choisissez “énoncer l’équation de Schrödinger”, ou soyez ambitieux, et préférez “élaborer un cours sur l’équation de Schrödinger”.
Finalisez votre recherche d’objectifs
Pour finaliser votre travail sur les objectifs, définissez les sous-objectifs nécessaires pour atteindre l’objectif principal, et organisez-les sous la forme d’un schéma.
Pour chacun des objectifs, écrivez la formulation qui vous semble être la plus adaptée sans y passer trop de temps. Vous aurez le temps de revenir dessus plus tard si vous n’êtes pas sûr.
Pour chaque apprentissage, formulez plusieurs “objectifs”, selon qu’il s’agisse d’évaluation ou de niveau d’entrée, et écrivez-les dans un “tableau provisoire d’activités” comme ci-dessous :
Objectif pédagogique (savoir ou compétence) | Objectif à vérifier (évaluation) | Le niveau d’entrée (consigne, ou tâche à réaliser) | Activité |
Savoir monter un meuble | Construire un meuble | Concevoir et monter le meuble de votre choix |
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Savoir changer de vitesse | Rétrograder en arrivant à un stop | Entraînement dans un espace sans circulation |
|
D’ailleurs si vous souhaitez commencer par remplir d’abord la colonne Activité, c’est également possible.
Une remarque importante pour conclure ce chapitre : définir un objectif va vous aider à concevoir votre séance et vos activités, mais comment savoir si l’objectif sera atteint par vos apprenants ? Il va vous falloir accompagner chaque objectif de critères concrets vous permettant d’observer la réussite ou non de l’apprentissage ; autrement dit, des critères d’évaluation.
L’évaluation des apprentissages doit être une partie constitutive de votre séance. Pour traiter cette thématique, un cours entier sur OpenClassrooms est consacré à l’évaluation !