Vous avez exploré les trois réglages externes de l’engagement dans le chapitre précédent ; vous allez dans ce chapitre approfondir les réglages internes en vous plongeant dans la peau d’un étudiant de sciences physiques en troisième année de licence !
Redevenez étudiant en licence de sciences physiques
Plongez-vous quelques instants dans la peau d’un étudiant en première année de licence de sciences physiques. Vous suivez votre premier cours de physique quantique. Le professeur vous accueille, assis à son bureau, en projetant le plan du cours :
Cours qu’il déroulera une heure durant, pour consacrer la deuxième heure à la résolution d’exercices.
Ce cours classique pourrait être représenté par le déroulé suivant :
Objectifs | Activités | Matériel |
Connaître le cours | - 1 h : cours | Diaporama/version en ligne |
Comprendre le cours | - 20 minutes : exercices de compréhension | Diaporama/version en ligne |
Appliquer le cours | - 10 minutes : l’enseignant présente les exercices que les étudiants travailleront lors du TD | Diaporama/version en ligne |
Quels sont les risques de ce format de cours vis-à-vis de l’apprentissage des élèves ?
Il y a un fort risque de décrochage face à la difficulté continue des notions abordées.
Les sciences cognitives alertent sur le temps d’attention moyen d’un adulte : celui-ci n’excède pas 8 minutes.
La tâche des exercices risque de demander beaucoup d’efforts en comparaison avec la possibilité de discuter musique avec ses voisins ;).
En ne replaçant pas le cours dans un contexte plus général, comme la scolarité ou l’histoire des sciences, celui-ci risque de manquer d’intérêt.
Vous apercevez ici plusieurs pistes d’engagement des étudiants. Explorons maintenant certains réglages possibles dans les paragraphes ci-dessous.
Augmentez le niveau de motivation interne
Ce chapitre propose simplement une exploration, vous entrerez dans les détails de la motivation interne dans la partie 2 du cours. Limitons pour l’instant la motivation interne à des aspects tels que l’utilité, le sens, l’accomplissement ou encore le plaisir.
Donner de la valeur à ce que les apprenants vont faire pendant la séance se joue souvent en début de séance :
Niveau de base : dites : « Il y aura un examen de physique quantique, c’est un gros coefficient ».
Montez le niveau en instaurant un contrat de confiance : « Vous serez évalué sur l’un des exercices de la liste que je vous ai donnée ».
Donnez un sens plus général à ces apprentissages : introduisez votre cours par la place de la physique quantique dans le monde actuel (l’informatique, la HI-FI, les lasers…).
Réveillez l’ego de vos apprenants : « la physique quantique révèle les bons physiciens ».
Faites appel à la fibre ludique ou au bien-être de vos étudiants :
Annoncez que vu l’heure, que les étudiants n’hésitent pas à amener leur café.
Suscitez le besoin : donner un sujet d’exercice, ou d’investigation, faisant appel au contenu du cours.
Augmentez le niveau des ”idées naissantes”
Dans la séance de cours proposée, à aucun moment l’enseignant ne se demande si les étudiants ont déjà des notions de physique quantique, ou bien ne vérifie les prérequis mathématiques.
Pourtant chaque apprenant arrive avec son cerveau, sa mémoire, ses processus cognitifs particuliers. Augmenter le niveau des idées naissantes dans les activités pédagogiques, c’est chercher des moyens de faire appel aux préconceptions des apprenants, leur intuition, leur créativité, tous les automatismes et idées enfouis et non verbalisés.
Pourquoi c’est engageant ? D’abord, vous faites prendre conscience aux apprenants qu’ils savent déjà certaines choses. Ensuite, permettre des raisonnements intuitifs ou créatifs, cela libère la parole et l’action, c’est leur permettre de faire librement des erreurs.
Pourquoi cela favorise l’apprentissage ? Eh bien justement parce que faire émerger des préconceptions non vérifiées fait verbaliser des erreurs. Et les sciences cognitives nous le disent : apprendre, c’est faire des erreurs, puis les corriger.
Commencez par sécuriser le niveau bas des idées naissantes :
Appuyez-vous sur les erreurs que font vos apprenants, on ne bâtit pas un nouvel apprentissage sur des erreurs non identifiées.
Rassurez en valorisant les erreurs, en signifiant qu’apprendre c’est corriger ses erreurs.
Concrètement, lors du temps de correction, abusez des “Merci pour cette erreur, elle me permet de revenir sur un point important…”.
Puis, montez le niveau des idées naissantes :
Lors des phases d’exercices, mettez en place un temps d’évaluation entre pairs : ils échangent leur copie et corrigent la copie de leur camarade.
Posez une question, ou proposez un exercice simple. Attendez qu’une grande partie des étudiants aient répondu, et plutôt que d’insister sur une correction type, faites détailler plusieurs processus de résolution. Vous déplacez ainsi l’apprentissage de la “bonne réponse” vers le “processus”.
Faites appel à la créativité : “Dessinez la formule de Schrödinger”, ou bien “Construisez un cours sur la partie formule de Schrödinger, sur un format de votre choix, mais ni un diaporama, ni une succession de pages”. Ce qui sera intéressant ici, ce ne sera pas le résultat, mais les échanges qui vont s’instaurer entre les apprenants.
Ajoutez un temps de métacognition en fin de séance.
Augmentez le niveau d’implication
Avec la séance classique proposée, les étudiants sont d’abord passifs (pendant le temps de transmission), puis participatifs (phase de questions pour ceux qui le veulent), puis actifs lors des exercices. On peut ajouter deux niveaux à partir desquels on peut véritablement parler de pédagogie active : acteur, et concepteur.
Commencez par sécuriser le niveau minimum : évitez au maximum la passivité, ne vous contentez pas de la participation. C’est possible même lors d’un temps de transmission :
Faites préparez le cours en amont : donnez les documents de cours ainsi qu'une tâche simple à réaliser à partir de ces documents : un quiz, quelques questions suffisamment simples d’extraction d’informations.
Prévoyez un temps de “warm up” pour entamer votre séance. Par exemple, une étude de document en groupe permettrait de mettre en évidence, dans une carte mentale, les 4 piliers de la physique quantique.
Insérez des défis, ou des quiz très régulièrement dans votre diaporama pour relancer l’attention.
Lors des séances d’exercices, trouvez un moyen de favoriser la mise en action, grâce à des critères de réussite explicites, ou encore par du travail d’équipe.
Montez le niveau, et entrez dans la pédagogie active :
Écoute active : facilitez la prise de notes, faites surligner les documents, réservez des temps de questions.
Acteur : lors des exercices, faites identifier les concepts sous-jacents, les pièges...
Concepteur : faites construire une carte mentale, faites construire un exercice et sa correction, faites carrément construire le cours, ou l’évaluation !
Si vous cherchez dans la littérature “engagement actif”, il y a fort à parier que vous trouverez un niveau supérieur : interactif. Effectivement, favoriser l’apprentissage en équipe est l’un des meilleurs moyens d’impliquer les apprenants !
Progression alternative du cours de physique quantique
À la lumière des questions que vous vous êtes posées sur différentes dimensions de l’engagement, vous pourrez proposer d’autres idées de progression et/ou d’activités. Je vous laisse retrouver ma proposition de progression à ce lien : Cours de physique quantique.